A Montataire (Oise), le Réseau Veillées des écoles réunit parents, élus et enseignants pour échanger sur l’école, sa crise, son avenir. Soutenues par la FSU, de la FCPE, de la Ligue de l’Enseignement et des municipalités de Montataire, Nogent sur Oise, Villers St Paul et Creil, une centaine de personnes réfléchissent ensemble sur l’Ecole.
L’agglomération de Creil n’a pas grand-chose à voir avec l’image d’Epinal qu’on attache parfois à l’Oise : ici, les châteaux et les hippodromes sont loin, et les grands ensembles urbains ont poussé sur les plateaux périphériques aux vallées. Mais l’industrie, grande pourvoyeuse de main-d’œuvre immigrée, est en recul, la précarité avance et les solidarités ne vont pas de soi. Depuis plusieurs années, un collectif s’est mis en place pour susciter des mobilisations collectives autour de l’école publique. Le « réseau Veillées des Ecoles » est né dans le but de contribuer à des « luttes » contre les suppressions de postes ou les « réformes », mais aussi des actions concrètes qui permettent aux acteurs de mieux se connaître pour agir ensemble : depuis 2009, onze « veillées » ont été organisées, soit dans les écoles, soit au niveau de la ville et de l’agglomération. Ce 9 octobre, à Montataire, ils sont plus d’une centaine à avoir répondu à un nouvel appel du collectif, soutenu par plusieurs organisations et collectivités locales.
Si la salle est pleine et l’atmosphère conviviale, un léger désappointement pointe derrière les sourires : beaucoup de visages connus, et pas autant de parents qu’on l’espérait… Pas si simple, malgré les tractages dans les quartiers, de convaincre de venir ceux qui n’osent déjà pas franchir la porte de l’Ecole… Après la présentation des enjeux, les organisateurs ont prévu que l’assemblée travaille en ateliers thématiques pendant deux heures, histoire de favoriser la parole et les confrontations de points de vue. Dans chaque groupe, on a décidé de mettre en scène ces différents points de vue pour engager les débats, en faisant appel à plusieurs témoins. Cependant, les animateurs ont été briefés : favoriser la parole de tous, écouter avant d’expliquer… Mais la matinée passe vite, et le temps manque pour aller plus loin dans les échanges qui s’initient. C’est déjà le temps de rapporter au grand groupe dans l’espoir de faire profiter chacun des cinq thématiques travaillées.
Dans l’atelier « Parents-école », on est revenu sur l’ambiguïté des mots : parents « associés », parents « partenaires »… Comment sortir des représentations « parents démissionnaires/enseignants inaccessibles », et quels dispositifs et espaces pour y parvenir et diminuer la souffrance des uns ou des autres ? A ce titre, la suppression du samedi matin « a été vécue comme une catastrophe » parce qu’elle était un moment privilégié de rencontres, mêmes informelles…
Dans l’atelier « difficultés scolaires », on s’est interrogé sur la nature nécessairement complexe des difficultés : difficultés cognitives, psychologiques, sociales, médicales. « L’enseignant n’a pas le même au rapport au savoir que ses élèves, et le matériau qu’il va mettre à leur disposition peut faire écran avec ce qu’il y a à apprendre. ». Les membres du réseaux d’aide ont insisté sur la nécessité de prendre en charge les enfants dans leur globalité, et de ne pas en rester au « traitement des symptômes ». Ils ont remis en cause le risque de médicalisation du traitement de la difficulté scolaire, avec l’inflation des « dys »… On a aussi dénoncé l’inflation de l’évaluationnite et des dispositifs qui risquent d’étiqueter les élèves plutôt que de leur faire mesurer leur progrès. Pour articuler tous ces aspects, « les professionnels manquent de rencontres et de travail commun pour comprendre les logiques des uns et des autres et construire collectivement leur travail » précise un enseignant de cycle II. « Sans quoi on risque de toujours chercher les boucs-émissaires », conclut un des ces collègues. Mais la parole des parents et des élus reste ténue, malgré les bonnes volontés.
Dans l’atelier « Réforme de l’Ecole », on préfère parler « attaques contre le service public » et chercher les « cohérences » : les « réforme » visent à créer un marché de l’Education en dévalorisant l’école pour lui enlever des moyens, en réduisant la formation, en désorganisant l’école par de multiples réformes et déréglementations, en « mettant au pas » les enseignants, les parents et les élèves. Pour parvenir à construire les alliances avec les parents, qui ne sont pas venus assez nombreux à la veillée d’aujourd’hui, « il faut sans doute renoncer à faire les profs » quand on échange avec eux… Belle ambition affichée par la rapporteuse qui, elle, ne s’est pas embarrassée de nuances…
Pour l’atelier « Réforme des lycées », on a pointé les difficultés à venir pour la région, sommée de financer de plus en plus les différents secteurs (travaux, bourses, réorganisation l’équipement des établissements en fonction de la nouvelle offre de formation)… Plutôt que de réforme, on a passé en revue de nombreux thèmes : baisse de moyens, pilotage de l’éducation prioritaire, précarité des stagiaires, rythme de vie des élèves, manque de manuels scolaires et transfert de charges financières sur les familles. « Mais l’accompagnement personnalisé peut être une bonne idée malgré les risques de traitement inégalitaire des élèves ».
Enfin, le groupe « Ecole et fonds publics » s’est penché sur la baisse d’effectif dans les collèges les plus difficiles, qui fragilise le service public. On a rappelé les écarts de 1 à 10 dans les crédits alloués aux écoles, les risques liés à la création des EPEP, la réduction de la scolarisation des enfants de deux ans, les transferts de compétences qui asphyxient les collectivités publics, et questionné le financement du privé sur des fonds publics. « Plus de décentralisation donne plus d’inégalités » conclut le rapporteur invitant à méditer sur les perspectives de « désobéissances nécessaires ».
« Enseignants, parents et élus ont intérêt à faire front » concluent les chevilles ouvrières de la matinée. « Poursuivre les rencontres pour s’enrichir, c’est le défi du réseau Veillées des écoles. Devant la multiplication des thématiques à traiter, « invitons les citoyens à être force de proposition, dépassons les « discours de spécialistes » pour être capables à la fois de faire les constats, défendre ce qui existe et poursuivre la construction des propositions ». Prochain rendez-vous, mardi, à la manif pour la défense des retraites, « pour continuer la mobilisation et tenter de dépasser le cercle des engagés »…
Le programme de la journée