Par François Jarraud
Anne Mansuy et Jean-Michel Zakhartchouk ont écrit un remarquable guide pour l’accompagnement éducatif. C’est l’occasion d’interroger Jean-Michel Zakhartchouk sur ce dispositif contesté. Peut-on vraiment en tirer quelque chose d’utile ?
« Certains rejettent l’accompagnement éducatif parce qu’il serait un moyen de se dédouaner de l’aide en classe ou d’occulter des dispositifs plus innovants et plus ancrés dans l’horaire ordinaire… Certes ce peut être cela. A nous d’inventer autre chose qu’une rustine ou un palliatif mais le moyen de faire vivre le collège après 16 ou 17 heures ». Pour ceux qui seront dans cette quête, à coup sur le livre d’Anne Mansuy et Jean-Michel Zakhartchouk sera une aide puissante.
La grande force de l’ouvrage c’est de se situer toujours au niveau de l’élève et de l’enseignant. Certes il laisse toute leur place aux différents intervenants (collectivités locales par exemple) qui participent à l’accompagnement éducatif (AE).
Mais il nous ramène toujours aux problématiques particulières de l’AE. L’ouvrage montre de façon concrète comment quitter la posture de prof pour prendre celel d’accompagnateur et, du coup, comment en tirer du positif pour sa pratique d’enseignant. ON apprend à retraiter le contenu des cours, à utiliser sa mémoire, à préparer une évaluation, à s’entraider, à lire, toutes compétences qui viennent appuyer le cours. On apprend aussi à lutter contre le découragement des élèves.
Ce livre finalement donne ses lettres de noblesse pédagogique à un dispositif dont l’utilité et la finalité semblent encore mal établies. Il finirait presque de nous convaincre de son bien-fondé.
Anne Mansuy et Jean-Michel Zakhartchouk, Pour un accompagnement éducatif efficace, CRDP de Franche-Comté Crap, 2009, 178 pages.
http://www.cahiers-pedagogiques.com/spip.php?article6346
Entretien avec Jean-Michel Zakharctchouk : « Il ne s’agit pas de répéter mais d’élucider un peu plus »
L’accompagnement éducatif est très critiqué. Son efficacité est mise en question. Faut-il le défendre et si oui au nom de quoi ?
Pour ma part, il ne s’agit pas de défendre ce dispositif, mais bien de prendre acte de son existence et de voir à quelles conditions il peut avoir une quelconque efficacité. Les principales critiques que je peux lui faire sont d’ailleurs d’un autre ordre : il est apparu de fait comme une alternative à de vrais changements de pratiques, mais aussi à d’autres dispositifs quasiment abandonnés –hélas !- en collège comme les itinéraires de découverte. On vante l’aide en dehors des cours au détriment d’une pédagogie du projet qui, elle, me parait bien plus efficace, étant entendu qu’en même temps les moyens baissent, sauf pour cet accompagnement éducatif où on trouve de l’argent y compris pour financer des groupes de 5 ou 6 élèves pour un atelier « bridge » (ça existe, je connais des cas…).
Pour autant, on peut essayer d’utiliser l’accompagnement éducatif autrement, comme un levier de changement et non comme un alibi pour ne rien faire ou pour retourner en arrière. C’est un peu la même chose que par exemple le « livret de compétences » du socle commun de la DEGESCO : il y a plein de choses à redire, mais on peut l’utiliser comme base d’un travail par compétences qui, lui, peut révolutionner l’école.
Dans les reproches qui lui sont faits il y a l’idée que l’aide mise hors de la classe manque d’efficacité. Peut on identifier des pratiques qui répondent à cela ?
Une des choses qui peuvent à juste titre choquer dans la mise en place de l’AE, c’est l’absence d’une vraie évaluation, alors qu’on parle partout de cette évaluation des résultats. Dans le discours ministériel, on parle surtout de quantité : combien d’élèves ont fréquenté l’AE, combien de professeurs (ou alors de vagues indices de satisfaction des élèves, des parents).
Personne en réalité n’est capable aujourd’hui de mesurer si le fait de participer régulièrement à l’AE fait progresser les élèves. Probablement retrouverait-on les conclusions de chercheurs comme Bruno Suchaud à propos de diverses formes d’accompagnement à la scolarité : cela dépend de la manière dont se fait l’accompagnement…Je ne suis pas un intégriste de l’aide exclusivement en classe, n’étant pas par ailleurs un idolâtre de « la classe ». Je me suis engagé depuis longtemps dans divers dispositifs d’aide, dont les études dirigées et je reste convaincu que tout cela a son utilité, si certaines conditions sont réunies, dont le lien avec ce qui se fait en classe, un minimum de travail d’équipe, une centration sur « apprendre à faire ses devoirs » au lieu de « faire ses devoirs ». Au passage, on peut aussi s’irriter de voir que de tels dispositifs paraissent aux yeux de l’opinion et peut-être des jeunes enseignants , comme sortis de la géniale pensée de quelque ministre alors qu’ils ont une longue histoire, que nous avons voulu évoquer dans notre livre. Il y aurait comme u n « devoir de mémoire » au sein d’un établissement où l’AE n’est qu’un avatar de formes anciennes qui avaient leurs limites mais aussi leurs mérites.
Il est vrai que faire partie d’un mouvement pédagogique (en l’occurrence le CRAP-Cahiers pédagogiques) qui a lui-même une longue histoire aide à se situer dans le temps long, ne serait-ce qu’en feuilletant une revue qui a depuis longtemps publié des textes sur l’aide aux élèves.
Vous faites s’exprimer à juste titre les différents intervenants qui participent de l’accompagnement. Cette participation est-elle une chance pour l’Ecole ou un fardeau ?
Là encore, l’AE peut être un robinet à heures sup pour arrondir des fins de mois difficiles et en ce cas, ce n’est guère une chance pour l’école. Des élèves parfois sont bien conscients du peu de séreux de certains intervenants , qu’ils soient non-enseignants ou enseignants.
Je ne considère pas comme forcément négatif qu’un élève soit aidé par quelqu’un qu’il n’a pas en cours et qui donc ne le note pas, avec qui il peut avoir des rapports plus détendus. Mais que fait-on pour relier l’action de ses intervenants avec l’équipe pédagogique ? Il est bien rare qu’existe un système de fiches de liaison, qu’on demande aux intervenants de faire des bilans réguliers de leurs actions, etc. On en reste bien à une approche formelle, avec la croyance quasiment magique qu’une prise en charge d’élèves par des adultes le soir après les cours est forcément un bien , est forcément positive.
A t on l’exemple de méthodes qui permettent de bien coordonner ces intervenants ?
Nous citons dans le livre un exemple d’un collège de La Réunion où une vraie politique coordonnée de l’AE est mise en place, où l’on sélectionne les projets d’ateliers, où on demande des bilans. C’est le bon exemple à suivre. En revanche, nos efforts ont été infructueux de trouver des académies où aurait été mise en place une évaluation, dans le second degré, autre que quantitative
Si l’on en revient au prof, avez vous trouvé des exemples d’accompagnement qui apportent un véritable soutien aux apprentissages ?
Notons que l’AE ne concerne pas que l’aide au travail scolaire, mais c’est l’aspect que nous avons voulu exclusivement traiter dans notre livre (un autre serait à faire sur les activités culturelles et sportives). Oui, des exemples de vraies pratiques d’aide existent, lorsqu’on ne se contente pas de surveiller des élèves faisant leurs devoirs, avec un vague coup de pouce. Il ne s’agit certes pas de faire des « cours de méthodologie », mais partant du travail réel à effectuer, d’aider les élèves à se poser de bonnes questions, en revenant sur certains « gestes pédagogiques » essentiels : mémoriser, se relire, comprendre ce qui est demandé, trier l’information, préparer un exposé…On voit bien d’ailleurs que tout cela demande de la formation. Or, celle-ci est la grande absente de l’AE. Mais il est vrai que le précédent ministre avait déclaré qu’aider un petit groupe d’enfants à apprendre n’était vraiment pas difficile , alors que je pense tout à fait le contraire : c’est bien plus difficile que de réaliser une brillante prestation devant 35 élèves..
N’est ce pas un autre métier pour l’enseignant ? Quelles compétences lui sont nécessaires ?
Je ne crois pas du tout qu’il s’agisse d’un « autre métier », mais au contraire, qu’on touche quand on aide les élèves à apprendre au cœur du métier, tel que je le définis. J’avais horreur du terme employé pendant la campagne présidentielle par Ségolène Royal de « répétiteur ». Il ne s’agit nullement de « répéter » dans l’AE, mais d’élucider un peu plus , d’expliciter, de décoder. Rien de bien différent de ce qui devrait se faire en classe. Changent la taille du groupe et bien sûr l’absence ici de « parole magistrale » de l’enseignant, encore que, on ne sait jamais, celui-ci, pas assez formé à « l’art de se taire », peut aussi prendre la place de l’élève et finalement, sans s’en rendre compte lui donner les réponses, et précisément « faire à sa place ». Tout de même, les deux mots qui composent l’AE ne sont pas pour me déplaire : pédagogique, bien sûr, mais aussi « accompagnement » qui est une belle notion et renvoie au référentiel de l’enseignant d’aujourd’hui qui doit, moins que jamais, ne pas se contenter d’être un dispensateur de savoirs…
Cet accompagnement convient-il à tous les types d’élèves ?
Une chose me tient à cœur et qui est si rarement souligné : l’AE est normalement réservé aux « volontaires ». Cela me gêne beaucoup, car on est en plein dans l’idéologie du « qui veut, peut » et nous citons ce principal déclarant avec bonne conscience que finalement, les élèves en grande difficulté ne viennent pas parce qu’ils sont fâchés avec l’école. Peut-on se résigner à cela ? Que fait –on pour aider certains à être volontaires précisément ? Ce n’est pas tout ou rien , on peut avoir une politique volontariste, en direction des parents, pour inciter à envoyer à l’AE certains élèves qui en ont particulièrement besoin. Le fait qu’il y ait cependant des élèves efficaces mais qui viennent là parce qu’ils s’y sentent bien et ont envie d’un endroit calme pour travailler peut être une bonne chose et stimuler d’autres élèves, si en plus on sait utiliser leur potentiel pour des formes de tutorat par exemple.
Mais ce qui m’étonne, c’est qu’on n’interroge pas davantage les raisons qui poussent tel ou tel à venir participer régulièrement à l’AE, qu’on se contente d’enregistrer passivement la motivation des uns, la démotivation des autres.
J’ajoute un dernier point. Dans bien des cas, l’AE est de fait une machine de guerre contre un accompagnement à la scolarité extra-scolaire. Dans la même collection « Repères pour agir » que je pilote, nous avons publié un ouvrage de JM Le Bail sur ce thème. Il est dommage qu’un nouveau dispositif au lieu de compléter l’existant s’y substitue sans vraie analyse-bilan du dispositif précédent…
Jean-Michel Zakhartchouk
Entretien : François Jarraud
Anne Mansuy et Jean-Michel Zakhartchouk, Pour un accompagnement éducatif efficace, CRDP de Franche-Comté Crap, 2009, 178 pages.
Comment élaborer un projet d’accompagnement éducatif ?
L’académie de Versailles met en ligne un guide permettent de façon concrète de concevoir et mettre en place un dispositif d’accompagnement éducatif au collège. Il montre comment élaborer un diagnostic , comment monter le dispositif et comment l’évaluer.
Le guide donne des exemples concrets : développer l’autonomie des élèves, apprendre ses leçons, faire ses devoirs, approfondir le travail fat en classe. Il est destiné aux enseignants et aux chefs d’établissements.
Le guide
http://www.ac-versailles.fr/public/jcms/p1_28190/elaborer-u[…]
Sur le site du Café
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