Remis le 15 février, le rapport Fourgous est à la fois un plaidoyer pour l’intégration des TICE dans l’enseignement et un programme de 70 mesures pour faire basculer l’Ecole dans l’ère numérique. Plus important : l’intégration des TICE est mise au service d’une vision de l’Ecole : lutter contre l’échec scolaire, faire le lien entre les pratiques sociales et celles de l’Ecole, préparer l’économie de la connaissance. Un plan ambitieux qui pourrait amorcer un tournant pour l’Ecole.
« Le numérique représente une vraie chance pour l’école. Donnons-nous les moyens de réussir ». Député des Yvelines, Jean-Michel Fourgous avait reçu fin août 2009 du premier ministre une mission » de réflexion et de propositions pour la promotion des TIC dans l’enseignement scolaire ». La publication de son rapport est un événement majeur pour l’Ecole qu’il invite non seulement à s’équiper mais aussi à changer ses pratiques pédagogiques pour tirer le maximum de profit des TICE.
Le retard français. Le rapport s’ouvre sur une mise en parallèle de l’Ecole française avec celle des autres pays de l’OCDE. JM Fourgous montre le sous équipement du système éducatif français. Quand la France compte 8 ordinateurs pour 100 élèves au primaire, le Royaume-Uni en compte 17, la Finlande 17. Au secondaire les chiffres sont respectivement 16, 33 et 24. Quand 6% des classes sont équipées d’un tableau numérique interactif (TNI) c’est 78% des classes britanniques et 15 % des finlandaises. Encore les chiffres français évoluent-ils à la baisse : on est passé de 16 ordinateurs pour 100 élèves au collège en 2008 à 13 en 2009, de 25 à 24 au lycée. Face à ces chiffres, JM Fourgous aligne les résultats : en compréhension de l’écrit la France est 17ème quand la Finlande est 1ère et le R.U. 13ème; en culture scientifique on est 19ème et nos voisins 2d et 13ème.
Mais il y a pire encore : le système éducatif français est plus inégalitaire; il fabrique aussi davantage d’élèves manquant de confiance en soi et malheureux à l’Ecole. » L’école est aujourd’hui trop déconnectée de la société. A 15 ans, près de 90% des garçons et 87% des filles déclarent ne pas aimer l’école. Ce qu’ils apprennent leur semble totalement déconnecté à la fois de ce qu’ils vivent et de ce qui les attend dans leur vie d’adulte. Les élèves ont l’impression qu’« il y a des savoirs pour passer des examens, des savoirs qui seront rapidement oubliés, et il y a des savoirs intéressants ailleurs. L’articulation entre les apprentissages formels, informels et non formels est complètement ignorée par le système scolaire. Les nouveaux savoirs et les nouveaux rapports aux savoirs remettent en cause le choix et le découpage des disciplines scolaires issues de l’antiquité et des universités. » (citant ainsi Pierre Frackowiak dans le Café).
« L’arrivée des Tic dans la société requiert de l’école qu’elle forme des jeunes dotés de compétences et d’aptitudes nouvelles« . Pour JM Fourgous, » la révolution du numérique a déjà commencé. La question n’est plus de savoir si elle est pertinente ou pas. La question est plutôt de savoir comment rattraper notre retard et jouer un rôle indéniable dans la compétition mondiale. L’avenir de notre pays passe par la formation de nos enfants à l’outil numérique pour réussir ». Le premier levier pour faire changer l’Ecole est la demande de la société. Elle a besoin de salariés capables de collaborer et de travailler de façon plus autonome et maîtrisant l’anglais. Elle a aussi besoin de davantage de scientifiques. Enfin elle exige aussi plus de diplômés. Pour tous ces objectifs, le rapport épluche la littérature pédagogique pour montrer les apports des TICE.
L’efficacité des TICE. Le rapport rend compte des nombreux travaux qui ont démontré l’efficacité des TICE. Ainsi il évoque la récente étude de Jean Heutte. « En 2008, Jean Heutte publia les résultats d’une expérimentation qu’il a effectuée dans des classes de CM2 de l’académie de Lille. Il en ressort que « Les élèves habitués à l’usage de l’outil informatique ont de meilleurs résultats indépendamment du type de support mis à leur disposition pour réaliser un apprentissage ». Leur vitesse de lecture est plus rapide, ils comprennent mieux et plus rapidement ce qu’ils lisent. L’étude montre également que c’est surtout au niveau de l’expression écrite que l’impact se révèle le plus positif. Leurs connaissances scolaires globales sont plus importantes et à l’entrée en sixième, ils obtiennent de meilleurs résultats en français et en mathématiques ». Les TICE permettent aussi de lutter contre le décrochage car elles travaillent la motivation des élèves et améliorent leur confiance en eux. On est déjà dans une nouvelle perspective pour l’Ecole.
Des TICE pour changer l’Ecole. « Il est admis depuis 80 ans », écrit JM Fourgous, « qu’une pédagogie active et différenciée facilite la réussite de l’élève. Si jusqu’à présent ces pratiques enseignantes étaient difficiles, voire impossibles, à mettre en oeuvre, les Tice offrent aujourd’hui aux enseignants le moyen de les appliquer et donc de favoriser au mieux la réussite de tous leurs élèves ». Grâce aux TICE, JM Fourgous attend une évolution de l’Ecole : le passage à une école « active » qui réduirait sa part d’enseignement frontal au bénéfice de la mise en activité des élèves. « Les Tice facilitent l’évolution de différentes pratiques enseignantes. Les professeurs ne travaillent de manière isolée, mais mutualisent leurs ressources et collaborent pour la préparation de leur cours. Ils sont plus enclins à favoriser l’apprentissage individualisé, actif et collaboratif… Grâce à l’e-portfolio et à l’auto-évaluation, l’évaluation quitte son statut de « sanction ». Le métier d’enseignant évolue et n’est plus cantonné à un rôle d’« acteur » et de « transmetteur de savoirs ». L’enseignant imagine et crée des activités permettant à chaque élève de construire et de s’approprier ses propres connaissances. Il doit mettre en oeuvre les activités permettant à chaque élève de développer ses compétences. Il devient donc un « guide », un « metteur en scène », un « facilitateur d’apprentissage » et finalement, un ingénieur pédagogique ».
Mais tout cela nécessite de la formation. « Cependant, la pertinence des différents outils n’est réelle que par les usages qui en sont fait. Le TNI peut ainsi tout à fait être le support d’une pédagogie frontale et instructiviste ou au contraire, permettre aux élèves de construire leurs propres savoirs, grâce à des échanges et un travail collaboratif. La formation pédagogique des Tice est donc un préalable primordial à l’intégration des Tice dans les établissements scolaires ».
70 mesures. Si un tel changement est possible, il nécessite une série de mesures (70 exactement) concernant l’équipement des établissements, la formation des enseignants, la création de ressources numériques, l’éducation numérique et le pilotage du changement.
En ce qui concerne l’équipement des établissements, JM Fourgous nous a dit évaluer l’effort nécessaire à environ 1 milliard sur plusieurs années. Il demande la connexion au haut débit des écoles, la généralisation des TNI, la poursuite du plan ENR mais se garde bien de recommandations chiffrées. Un tableau fixe des seuils d’équipement des établissements mais rien n’indique comment les atteindre. Cependant le rapport appelle à généraliser la baladodiffusion et la visioconférence ainsi qu’à encourager le développement des outils pour l’enseignement des sciences (Exao par ex.).
Pour la formation des enseignants, « La pertinence des différents outils n’est réelle que par les usages qui en sont fait. Le TNI peut ainsi tout à fait être le support d’une pédagogie frontale et instructiviste ou au contraire, permettre aux élèves de construire leurs propres savoirs, grâce à des échanges et un travail collaboratif ». La formation pédagogique aux Tice est donc un préalable primordial à l’intégration des Tice dans les établissements scolaires. JM Fourgous fait appel à la fois au volontariat et à la formation continue de l’éducation nationale. Des universités d’été pourrait former jusqu’à 6 000 « ambassadeurs du numérique » par an , accompagnés ensuite en ligne et chargés d’accompagner le changement en établissement. Chaque établissement aurait un enseignant « chargé de mission au développement des services numériques ». 20% des crédits de formation de l’éducation nationale seraient fléchés pour la formation TICE. Une plateforme « Aidotice » assisterait les enseignants dans leur formation. Enfin le rapport n’oublie pas les communautés d’enseignants qui seraient accompagnées pour développer les échanges entre pairs. Chaque établissement pourra bénéficier d’une labellisation « éducation numérique » en fonction de son intégration des TICE. A noter que programmes et examens devraient être revus pour intégrer les TICE.
La création de ressources numériques serait stimulée par un abaissement du taux de TVA, le développement de l’exception pédagogique dans le droit français, la création d’un « chèque ressources numériques » pour les établissements scolaires. Enfin dès 2011, les éditeurs auraient l’obligation de publier au format numérique leurs manuels. Un effort serait fait pour intégrer les jeux sérieux dans l’enseignement. Dans les établissements, dès la rentrée 2010, chaque établissement devrait ouvrir « un espace partagé de communication ». Il devra aussi ouvrir un « réseau social de coéducation et d’aide de pair à pair pour les lycéens ».
Le développement de la culture numérique des élèves est un autre point d’intérêt du rapport. Il compte beaucoup sur l’autoformation à travers l’installation de postes « luditic » au primaire pour l’apprentissage du clavier. Au collège et au lycée il compte développer des « parcours de formation en ligne collaboratifs et participatifs ». Il veut aussi généraliser des espaces de création numérique dans les établissements et ouvrir des espaces ouverts en libre accès et encourager les pratiques collaboratives chez les élèves. Il préconise aussi la création de modules facultatifs « informatique et société du numérique » du collège au lycée.
Le pilotage du changement se fera à travers une Agence nationale pour l’accompagnement au développement du numérique dans l’éducation (ADNE) ouverte aux différents partenaires (collectivités locales, éducation nationale, associations). Elle créera un observatoire de l’équipement et des pratiques numériques pédagogiques dans les établissements et impulsera la mise en œuvre du numérique. Elle aidera à renforcer la place du numérique dans les programmes scolaires et à mettre en place des épreuves numériques dans les examens. Un laboratoire financera des recherches sur l’éducation numérique.
Le rapport Fourgous
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/docsjoints/rf.pdf
Les 70 mesures
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Documents/doc[…]
Mission Fourgous : aller plus vite vers l’école numérique
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/[…]
Mission Fourgous : Les TICE vont-elles changer la pédagogie ?
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010[…]
Sur le site du Café
|