Par François Jarraud
A la différence de Xavier Darcos, on croyait Luc Chatel épargné par le combat idéologique contre le « pédagogisme ». Il en avait donné des signes par exemple dans la réforme du lycée. Mais voilà que début juillet 2010 il attaque plusieurs mouvements pédagogiques en diminuant leurs moyens financiers. Des économies qui pourraient lui coûter cher. Au-delà des mouvements il risque de perdre des soutiens syndicaux et de ressouder ses opposants.
Trois mouvements touchés en juillet 2010
C’est par un coup de téléphone, vendredi 2 juillet 2010, que le cabinet de Luc Chatel a appris au CRAP et au GFEN que le ministère cesserait de payer le 1er septembre la moitié de la subvention finançant les 4 postes d’enseignants détachés dans les deux mouvements. Interrogé par le Café, Jacques Bernardin, président du GFEN, juge le procédé « cavalier » pour les personnes touchées : dans quelles conditions vont-elles réintégrer un poste alors que le mouvement est clos ? Surtout il insiste sur les conséquences pour le GFEN. « Comment réorganiser le travail en si peu de temps ? Ce sont forcément les activités du GFEN qui vont en souffrir ». Outre l’édition d’une revue pédagogique, le Gfen a réalisé en 2009-210 plus de 20 000 journées de formation, la moitié au bénéfice de l’éducation nationale, la moitié pour la PJJ et des associations de quartier. Même sentiment au CRAP où, là aussi, un des deux postes détachés va disparaître. « Cela nous met dans une situation très difficile », affirme Philippe Watrelot. « Le prochain numéro des Cahiers pourrait en souffrir ».
Le retour de la guerre aux pédagogues ? La décision est prise alors que la Révision générale des politiques publiques (RGPP) demande au ministre « d’améliorer la disponibilité de la ressource enseignante », jugée insuffisante. Depuis plusieurs années, la RGPP, la Cour des comptes demandent le retour de tous les enseignants devant les classes. Xavier Darcos avait d’ailleurs raboté les moyens des associations. Mais la modestie des moyens attribués au Crap et au Gfen ne justifie pas qu’elles soient frappées en premier. D’autant que ce même 2 juillet un arrêté nommait trois nouveaux conseillers à l’Elysée… « Nous avons la prétention de croire que l’activité des enseignants détachés pour le Crap est utile pour l’école » confie P Watrelot. La revue du Crap compte 4 400 abonnés, principalement des établissements scolaires. Pour Jacques Bernardin les mouvements pédagogiques sont « des laboratoires d’idées et de pratiques dont se nourrit l’éducation nationale. Des organismes vivants qui continuent à prospecter pour améliorer l’Ecole ». La réduction de leurs moyens constitue une économie tellement faible (2 postes) eu égard aux dégâts causés que l’argument économique leur semble peu sérieux. « La décision de supprimer la moitié de ces postes ne peut qu’être interprétée comme un acte d’hostilité à notre égard » ajoute P. Watrelot. Au ministère, interrogé par le Café vendredi 2 juillet, on ne souhaitait pas communiquer sur cette décision.
Selon un communiqué diffusé par l’Icem, le mouvement Freinet perdrait, lui aussi, les 3 emplois mis à disposition à mi-temps dont il disposait et sa subvention serait elle aussi diminuée. L’Icem s’interroge sur les motifs de cette mesure d’économie « ridicule pour le budget de l’éducation nationale ». « On peut se demander si la rigueur économique développée par l’Europe et le régime drastique français sont liés aux seules économies budgétaires ou plutôt à une volonté politique de disparition des mouvements pédagogiques et des associations d’éducation populaire », interroge l’Icem. Pour l’Icem c’est bien un combat de valeurs qui explique la décision ministérielle. « Le gouvernement, bon élève des objectifs économiques libéraux de désengagement de l’État, de privatisation du service public, de mise en concurrence des différents organismes, recentre sa participation financière au strict minimum à savoir la transmission verticale qui lie l’enseignant à l’enseigné avec des critères de performance et de rentabilité développés au maximum avec deux moteurs : l’individualisme et la concurrence. » Le Cape, une nouvelle structure qui réunit une vingtaine de mouvements pédagogiques, a protesté le 16 juillet 2010 contre ces décisions arguant de « l’utilité éducative, culturelle, sociale et civique » de ses adhérents.
Communiqué Icem
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/?q=node/8868
Communiqué Cape
http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/9043
Sur l’utilité des écoles Freinet
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/86_ICEM_D[…]
Avril 2010 les Rencontres sur l’aide et l’accompagnement du GFEN
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/gfen2010Aide.aspx
Trois syndicats agissent en commun en faveur du Crap et du Gfen
« Alors que la formation initiale et continue est gravement menacée à un moment où les conditions d’exercice des métiers de l’éducation sont de plus en plus difficiles, l’apport de la réflexion des mouvements pédagogiques sur les pratiques professionnelles est indispensable ». La Fsu, le Sgen et l’Unsa éducation ont envoyé une lettre ouverte commune à Luc Chatel le 6 juillet pour lui demander de revenir sur sa décision de supprimer la moitié des détachements dont elles bénéficient.
http://www.cfdt.fr/rewrite/article/27915/actualites/comm[…]
Sur le site du Café
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