Daniel Coste : l’éducation au plurilinguisme, les perspectives européennes
De son point de vue de chercheur et d’expert auprès du Conseil de l’Europe, Daniel Coste ouvre la réflexion en rappelant l’importance du positionnement et de l’ambigüité du Cadre Commun Européen de Référence pour les Langues* (voir lexique en fin d’article). Elaboré au départ comme étalon de référence afin de situer les unes par rapport aux autres les certifications linguistiques, il visait au départ à proposer un instrument permettant de calibrer autrement l’offre de langues dans les contextes scolaires, de développer une économie curriculaire. C’est à ce titre que la notion de compétence plurilingue* a été introduite. « Loin de tenir compte d’un certain nombre de recherches, je vois plutôt l’apparition de cette notion comme un espèce de coup de force didactique disant on va mettre sur le marché une notion comme celle-là… et on verra bien ce que ça donne… avec l’idée est-ce qu’on a des moyens pour équilibrer l’anglais, l’espagnol et pour faire en sorte que les apprenants s’en emparent, non pas à moindre coût mais de façon à arriver à des résultats tangibles et validables ? »
Cette notion évolue à travers le Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques et éducatives en Europe*. Si on parle de langues de l’éducation et de langues dans l’éducation, tous les répertoires qui sont apportés dans le système éducatif sont des langues de l’éducation, et font partie du processus d’éducation. Qu’il s’agisse de pratiques dans la cour de récréation d’enfants de la migration et qu’éventuellement personne d’autre qu’eux ne comprend, ça fait partie pour l’ensemble de la population scolaire des langues de l’éducation. On voit que l’éducation plurilingue apparait là comme étant prioritairement une question de mise en relation entre les répertoires des apprenants et la langue de scolarisation majeure.
Mais est-ce que mettre l’accent sur ces dimensions est de nature ou pas à inclure tout le monde dans le processus scolaire ? Est-ce que ce n’est pas dans certains cas une source supplémentaire de difficultés pour une partie des publics scolarisés ? Autrement dit, est-ce que l’éducation plurilingue et interculturelle peut être un plus pour la langue de scolarisation ou un obstacle ? Et est-ce que la langue de scolarisation peut être un plus ou éventuellement un obstacle ? A partir des expériences des uns et des autres, on voit bien que la question ou les questions se posent effectivement d’un sens comme de l’autre. En particulier dans le contexte français où on reste très dominé par une conception de la langue de scolarisation comme commune, unifiée, homogène malgré tous les efforts qui ont pu être faits pour insister sur la diversification, sur la pluralité interne de la langue qui a quand même véhiculée par les programmes, par certaines orientations didactiques ce type de représentations dont on peut estimer qui n’est pas extrêmement favorable à une éducation plurilingue et interculturelle. Ce système scolaire a parfois tendance à considérer qu’on ne puisse scolariser dans de bonnes conditions des élèves ne maitrisant pas suffisamment la langue de scolarisation, voire à penser qu’il faille repartir à zéro par le « basique » pour organiser un enseignement efficace.
Le défi : considérer que la langue de scolarisation est certes incontournable mais qu’elle peut constituer un espace de variation, d’ouverture à la pluralité. On peut penser le processus de scolarisation comme étant une extension progressive du répertoire de l’élève qui au moment de son arrivée à l’école comporte un certain nombre d’intersections avec des domaines qui sont soit des domaines scolaires soit des domaines d’usages sociaux. Mais comment l’école traite tout ça ? Comment tout ça aboutit à un modèle relativement unifié mais comment tout ça aboutit aussi à quelque chose qui peut paraitre relativement satisfaisant dans la mesure où ça ne va pas marginaliser les enfants ? Comment est-ce qu’au niveau primaire on établit des liens entre l’introduction d’une langue étrangère et ce qui se passe sur le plan de la langue de scolarisation ?
Au sein de l’Europe ces questions font largement débat… et les outils à construire pour y parvenir aussi : la conception et l’utilisation de portfolios peut contribuer à faire réussir les élèves mais peuvent-il devenir des instruments permettant une réflexivité importante et pas seulement des instruments de mesure ? En quoi est-ce qu’ils peuvent être des aides à l’autonomie ? à la mise en relation entre les différentes expériences langagières que proposent l’école ? Le Conseil de l’Europe, soucieux de répondre aux préoccupations diverses, met en ligne des ressources multiples à explorer… http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/default_fr.asp