Par François Jarraud
La publication par la Société des agrégés (SDA) d’une « enquête » sur le « malaise » de ce corps interroge sur sérieux de cette association.
Selon l’enquête publiée par la Société des agrégés, 74% des agrégés souhaiteraient changer de métier et près de la moitié seraient tentés par la démission pure et simple. Les raisons de cette éventuelle démission seraient le stress, le manque de reconnaissance et le besoin de renouvellement intellectuel dans des proportions à peu près égales (71%). « La raison la plus souvent avancée pour justifier un départ, une demande de congé ou expliquer la lassitude des professeurs en exercice est le manque de reconnaissance, durement ressenti », écrit la SDA. « Ils en attribuent les causes : à l’absence de reconnaissance de leur travail par les personnes qu’ils côtoient tous les jours ; au reproche qui leur est souvent adressé d’être des privilégiés alors qu’ils ont le sentiment d’avoir au contraire prouvé leur mérite par le concours exigeant qu’ils ont passé… Autre raison importante, un sentiment d’infantilisation qui naît d’une gestion des mutations et des nominations sur lesquelles les professeurs pensent ne posséder aucun moyen de peser… ; du sentiment qu’on leur en demande plus qu’à leurs élèves et que leur travail est surveillé davantage que celui de ces derniers ; de l’impression qu’ils n’ont plus aucune marge de manoeuvre en terme de liberté pédagogique ».
A vrai dire sur plusieurs points, ces commentaires n’ont rien de surprenant. Le « malaise enseignant » existe bien. Le ministère l’évalue régulièrement et la dernière étude, en 2008, montrait une nette progression avec 67% d’enseignants vivant cette situation. L’absence de reconnaissance professionnelle était bien le premier motif de mécontentement. Un tiers pensait à la démission et on notait une nette dégradation de l’image de la relation avec les élèves : seulement un prof sur trois jugeait que les élèves travaillent suffisamment dans leur discipline. L’enquête de la société des agrégés semble assise sur une réalité bien établie.
Pourtant cette enquête, largement relayée dans la presse, a des bases dont la fragilité ne devrait pas permettre à des responsables « d’un haut niveau intellectuel » des commentaires aussi aventurés. L’enquête a été portée par les seuls relais de la SAD. Elle s’appuie sur 400 déclarations, un nombre qui est à à mettre en rapport avec le nombre total d’agrégés : 46 727, c’est-à-dire que moins de 1% des agrégés ont répondu. Ce taux pourrait être suffisant si le panel était représentatif du corps mais la façon même de collecter les réponses indique que non. Certaines réponses éclairent d’ailleurs ces insuffisances. Ainsi quand 38% des sondés se déclarent en danger ! Mais le summum est atteint par le commentaire de Jean-Michel Léost, président de la SDA. Il nous dit : » notre rapport révèle que l’essentiel est ailleurs : un projet concerté de longue date et menant à la disparition prochaine de la portée intellectuelle de l’enseignement secondaire… Les professeurs se plaignent de la défiance qu’on leur témoigne…; défiance qui conduit à faire peser sur eux une surveillance accrue…; défiance aboutissant à une condamnation sévère du caractère intellectuel de leur profession considéré comme une sorte de ferment d’indiscipline alors qu’il est la seule raison véritable de leur existence. » Rien n’atteste ces propos. Où est le complot « concerté de longue date » contre « le caractère intellectuel » du métier ? Qui sont ces personnes qui surveillent les agrégés de façon accrue ? De telles interprétations venant de personnes revendiquant un si haut niveau intellectuel laissent pantois !
La vérité est ailleurs. Elle transparait de certaines réponses. Ainsi cette collègue qui écrit « etre agrégée et enseigner toujours en collège. C’est tuant ». Ce que montre l’enquête c’est que les aigreurs exprimées viennent du fort écart entre le métier rêvé et le métier réel. En effet à quoi bon avoir poussé aussi loin la spécialisation disciplinaire pour tenter de transmettre des connaissances basiques ? Plus qu’un portrait exact des agrégés, l’enquête de la SAD nous met en garde contre les retombées négatives de la masterisation et de la nouvelle formation des enseignants.
L’enquête
http://www.societedesagreges.net/r-malaise.pdf
Sur le malaise enseignant
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2009/107_[…]
Sur le site du Café
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