Par François Jarraud
- Le HCE demande un plan numérique pour l’Ecole
- TICE : L’Appel des Assises de l’éducation et la formation numériques
- Pierre Frackowiak : Le piège du numérique
- Les écoles américaines comptent 4 fois plus d’ordinateurs que leurs homologues françaises
Les appels se croisent pour que l’Ecole puisse bénéficier du Grand emprunt pour sauter le pas du numérique. La réponse ministérielle est attendue début juin. En attendant les projets et les réactions se multiplient.
Le HCE demande un plan numérique pour l’Ecole
Le Haut Conseil de l’Education publie un avis sur le numérique à l’école où il invite à investir massivement sur un niveau : le CM2.
» Pour plusieurs raisons, le Haut Conseil de l’Éducation estime opportun de suggérer la mise en place d’un grand plan TICE à l’école », précise le rapport du HCE. Le Haut conseil estime que les TICE motivent les élèves, qu’elles encouragent les professeurs à mutualiser leurs ressources, qu’elles facilitent le soutien scolaire et qu’un « apprentissage vertueux » des TICE doit faire partie de la formation des jeunes.
Aussi le HCE demande-t-il « une extension du plan Écoles numériques rurales, avec équipement prioritaire d’un niveau de classes, le CM2, de tableaux numériques interactifs et de chariots d’ordinateurs ainsi que des ressources pédagogiques et des aménagements indispensables qui vont de pair avec l’entrée des TICE dans les établissements ». Le HCE a chiffré cet équipement à hauteur de 300 millions.
Le rapport
http://www.hce.education.fr/gallery_files/site/21/56.pdf
Le rapport Fourgous
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/02/Fl[…]
TICE : L’Appel des Assises de l’éducation et la formation numériques
Suite aux Assises nationales de l’éducation et de la formation numériques des 15-16 avril, la « communauté Education et Formation numérique » créée à cette occasion appelle à un investissement massif dans le numérique éducatif.
« Nous ne pouvons pas penser que la société française sera à la traîne des pays européens… Nous avons une seule certitude, il est urgent d’agir ». L’appel de la communauté Education et Formation numérique, née lors des Assises nationales de l’éducation et de la formation numériques des 15-16 avril 2010, est alarmant. Les 400 acteurs de l’éducation présents à cet événement (enseignants, formateurs, syndicats, parents, entreprises, collectivités locales, administration centrale) ont souligné l’intérêt du numérique pour l’éducation. « Nous avons les moyens de réussir si nous sommes aidés et si les acteurs politiques et institutionnels prennent la mesure des enjeux », affirme l’appel. « Nous serons dans les prochains jours et prochaines semaines, en mesure de pouvoir formuler des propositions concrètes et réalistes. Nous comptons aussi peser de tout notre poids sur la consultation nationale annoncée pendant ces deux jours autour du grand emprunt dans le domaine de l’e-éducation ».
Pour la communauté, « l’éducation initiale, impératif de justice sociale, est le principal fondement de la compétitivité des pays développés ». Une conviction portée également par le rapport Fourgous. Elle rappelle l’effort britannique : « l’Angleterre, avec le projet “curriculum on line” a dégagé 160 millions d’euros par an pour doter ses écoles de ressources numériques et 2 milliards d’euros par an pour l’informatique. Ce faisant, elle améliore l’efficacité de son système éducatif tout en donnant un avantage stratégique à son industrie, qui, pour des raisons de langues, est en bonne position pour trouver des marchés à l’exportation ».
Pour elle, «apprendre tout, à tous, partout », est possible. « Les derniers travaux en sciences de l’éducation montrent le potentiel du numérique quand il est bien utilisé… La place des jeunes natifs du numérique doit aussi être repensée dans ce nouveau paysage. Nous nous devons de donner une vraie réponse à leurs attentes dans ce que pourrait être « la nouvelle éducation » et à intégrer des dispositifs très tôt dans les cursus scolaires (école primaire), jusqu’aux cursus universitaires ».
Lire l’appel des Assises
http://www.capdigital.com/educationformation/
Les Assises sur le Café
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/AssisesEd[…]
Le rapport Fourgous
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/02/Fl[…]
Pierre Frackowiak : Le piège du numérique
« L’urgent n’est pas de former les enseignants aux nouvelles technologies, il est d’abord de les former à la pédagogie ». Pour Pierre Frackowiak le numérique ne résoudra la crise de l’Ecole que s’il est au service du pédagogique.
La séduction de la modernité peut conduire à développer les snobismes et à occulter les problèmes fondamentaux de l’école. J’ai déjà évoqué cette question dans une tribune publiée par le café pédagogique et reprise sur de nombreux sites (en France, au Québec et en Belgique), dont le site de l’An@é : «Les obstacles au développement des TICE à l’école ». L’enthousiasme provoqué par le rapport Fourgous, que je partage, peut favoriser la meilleure ou la pire des choses. La meilleure serait de remettre la pédagogie au premier plan des préoccupations du monde de l’enseignement. La pire serait de contribuer à renforcer et à justifier le déni de la pédagogie qui est savamment organisé depuis 2005/2007 pour des raisons à la fois économiques et idéologiques évidentes.. Et, à lire les tribunes et les dossiers, à observer les réalités sur le terrain, je crains le pire.
Beaucoup d’observateurs et d’acteurs du système éducatif ont l’honnêteté de souligner comme le fait François Jarraud dans le café pédagogique du 19 avril que si « l’école sera numérique ou s’épuisera », cela ne sera « sans doute pas à n’importe quelle condition ». La question des conditions est évidemment déterminante, mais les réponses sont toujours très évasives ou simplement allusives. S’il est facile de décliner les conditions financières et techniques, d’autant plus facile pour l’Education Nationale que ces questions seront essentiellement à la charge des collectivités territoriales si elles en ont encore les moyens, il est beaucoup plus complexe d’afficher des réponses sur le plan des pratiques pédagogiques.
La majorité des témoignages et comptes-rendus montrent que les TICE permettent de rendre l’enseignement plus moderne, plus agréable, mieux illustré, plus proche des usages des enfants et des jeunes, qu’au-delà de la classe, elles permettent d’améliorer l’administration et la communication interne et externe. Mais les pratiques, le modèle pédagogique massivement et depuis toujours en vigueur, ne sont pas fondamentalement remis en cause. On reste, voire on renforce, la place du maître. Que l’on prenne enfin en compte dans l’école, les savoirs et les compétences des élèves construits hors de l’école est un progrès incontestable. L’une des causes d’échec du collège est justement le décalage entre les contenus disciplinaires cloisonnés et les pratiques et savoirs sociaux. Les élèves s’ennuient. Rappelons que, au moment où les enseignants revendiquent de la formation pour exploiter les TICE, les enfants et les jeunes maîtrisent remarquablement les outils nouveaux sans avoir été formés à l’école et qu’ils sont capables de former leurs parents et leurs enseignants. Il faut aller au-delà des apparences et de la satisfaction matérielle pour observer les processus d’apprentissage et pour tenter de les améliorer.
Les TICE ne sont qu’un outil. Tout le monde est bien d‘accord sur cette évidence. Le passage du porte-plume au stylo bille n’a pas été un facteur de transformation des pratiques pédagogiques. Le passage du tableau noir ou blanc au tableau numérique n’est pas en soi un facteur de transformation des pratiques. L’utilisation des ordinateurs pour faire des exercices d’application de notions qui n’ont pas été construites et comprises ne change pas grand-chose hors une possible mais éphémère appétence supérieure à l’activité scolaire.
On prétend déjà que les performances des élèves seraient meilleures quand ils ont utilisé les TICE durablement. L’observation des résultats de la recherche de Jean Heutte publiés par le café pédagogique mérite une analyse critique. Dans la mesure où elle s’inscrit parfaitement dans la logique des programmes mécaniques passéistes en vigueur et du pilotage par les résultats promu par le ministère, où l’on est forcément dans le court terme, elle peut pour le moins susciter des réserves et des interrogations et nécessiterait des regards croisés approfondis. Quelle est la place réelle de l’élève dans l’apprentissage ? Agit-il ? Pense-t-il ? Raisonne-t-il ? S’exprime-t-il ? Communique-t-il avec ses pairs ? Est-il acteur de la construction de ses savoirs et de ses compétences ? A-t-on observé son activité avec une grille d’analyse centrée sur lui et pas sur le maître : classe, range, induit, déduit, argumente, tâtonne, propose, s’exprime (je pense que… voilà comment j’ai fait… et pas par réponse à de fausses questions du maître), dialogue avec ses pairs (sans l’intermédiaire ou les reformulations du maître), démontre, compare, analyse une situation, repère les invariants et les variables ? Construit-il des outils mentaux simultanément à ses activités ? Etc… Avec quelle fréquence et quelle densité, ces actions sont-elles effectives ? On pourrait alors se poser la question de la part de l’outil et de la part de l’activité mentale dans l’amélioration des performances. C’est évidemment autre chose que le seul constat factuel qui se limite à valider l’hypothèse du chercheur en n’analysant pas les pratiques qui les produisent.
Quelques extraits récents d’un journal local permettront à la fois d’illustrer la problématique et de mettre en évidence le positionnement de certains élus locaux pour lesquels l’investissement matériel et financier, au demeurant louable, suffit à démontrer la volonté politique sur le plan éducatif. Dans le magazine d’une ville de l’ancien bassin minier du Pas-de-Calais, on peut lire :
« En avant pour une nouvelle vision de l’école
Stylet en main, EE, institutrice à l’école J, était fière de présenter à une délégation d’élus son outil de travail installé récemment dans sa classe : un TBI (tableau blanc interactif). (…). Après huit semaines d’utilisation, la directrice et l’institutrice sont contentes de cette acquisition pour leur école, et en font une démonstration.
Un complément du traditionnel
Cinq petits viennent s’installer face à cet écran géant interactif. Le but de la séance : reconnaître les animaux, puis faire entrer dans un tipi tous ceux avec le son « i ». Et là, la magie commence, même les plus timides sortent de leur coquille et sont fiers d’utiliser le stylet pour mettre les animaux dans le tipi ou écrire leur nom à la fin de la séance. « En effet, on peut écrire sur le TBI, comme avec une craie, s’enregistrer parler ou chanter ou même suivre le sens d’écriture des lettres afin de les accompagner » explique la maîtresse. Une nouvelle technologie qui ne néglige donc pas l’apprentissage traditionnel mais qui l’enrichit.
Le résultat de cette technologie ?
Très satisfaisant. « Même si cet outil reste complémentaire de l’apprentissage traditionnel, les enfants sont plus attentifs et l’impact est incroyable. De plus, grâce à cet appareil, on peut répondre aux demandes en temps réel » se satisfait la maîtresse.
Une ville tournée vers les nouvelles technologies
« La ville sera la seule du département à avoir une école d’expérimentation des TICE ; Tous les enseignants viendront se former ici… » se félicite le maire. La municipalité soutient ces démarches d’avenir et équipera donc l’école X de six tablets PC et d’un nouveau TBI. Démarches soutenues par l’inspecteur d’académie adjoint qui estime que « l’égalité des chances passe par le numérique ».
Conclusion : un bel avenir pour l’apprentissage des petits de la commune. »
Ce court article est parfaitement révélateur des dangers, il est très représentatif à la fois des représentations des enseignants et des positions des élus locaux. On ne commentera pas l’évocation de l’apprentissage de la lecture et des mots où l’on entend avec les yeux, mais on s’interrogera sur l’insistance du rappel du traditionnel, sur la magie, sur la priorité donnée à l’attention, sur la satisfaction de l’élu et sur cette sentence de l’inspecteur d’académie adjoint qui de la hauteur de sa fonction assène sans la moindre preuve ni condition que le numérique va résoudre les problèmes de l’école ! A aucun moment, y compris dans la bouche d’un élu soi-disant progressiste, on n’évoque la pédagogie, la transformation de l’école, la recherche de pratiques fondamentalement nouvelles. L’’idée de réforme est oubliée. On va moderniser en passant du porte plume au stylo à bille…
Le rapport Fourgous est incontestablement intéressant, les assises du numérique sont incontestablement intéressantes et utiles. Mais si l’on en reste là, si l’on contribue, consciemment ou non, à renforcer le déni de la pédagogie, on constatera une fois de plus que l’on dépense beaucoup d’argent public sans améliorer vraiment la réussite scolaire, on cautionnera l’idée de la fatalité de l’échec. On aura tout fait pour eux, les enfants en difficulté : des ordinateurs, des TBI… et même du soutien gratuit… et le système ne progresse pas. Ainsi, pour reprendre une formule de Philippe Meirieu, on trouvera des possibilités nouvelles de transformer des victimes en coupables.
L’urgent n’est pas de former les enseignants aux nouvelles technologies, il est d’abord de les former à la pédagogie. Le stylo à bille ou le TBI n’ont de sens et d’intérêt que si l’on s’est interrogé sur l’apprentissage, si l’on se préoccupe de ses conditions, si l’on s’intéresse à ce qui se passe dans le cerveau de l’enfant, si l’on dépasse les contenus disciplinaires classiques pour prendre en compte, par exemple, les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur d’Edgar Morin et les propositions des pédagogues anciens et contemporains, si l’on admet que le modèle de l’enseignement frontal avec débauche d’explications magistrales et d’exercices d’application doit être remis en cause.
L’école sera pédagogique et numérique ou elle s’épuisera.
Comme elle est déjà épuisée, on pourrait rêver que le numérique réveille le pédagogique. Sinon on continuera comme avant, à compléter ou à enjoliver le traditionnel, avec l’illusion de la modernité. Le numérique, atout ou piège ? Nous n’en ferons un atout que si nous ne tombons pas dans le piège du déni de la pédagogie..
Pierre Frackowiak
Dernières tribunes de P Frackowiak
Piloter l’obéissance
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/04/[…]
L’inspection, un grand corps malade
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/02/Frac[…]
Les écoles américaines comptent 4 fois plus d’ordinateurs que leurs homologues françaises
Alors que le gouvernement se réunit lundi 3 mai pour évoquer l’utilisation du grand emprunt, la publication de l’annuaire américain Educational Technology in US Public Schools illustre le décrochage français.
On savait les écoles françaises moins bien équipées que celles des pays anglo-saxons. La publication de l’édition 2010 de l' » Educational Technology in US Public Schools », un annuaire statistique officiel publié depuis 1994, illustre la fracture. Il révèle que l’on compte 3 élèves pour un ordinateur dans les écoles publiques américaines, 3,2 au primaire, 2,8 au secondaire. Par comparaison, on trouve en France 12 élèves pour un ordinateur au primaire, 7 au collège, 4 au lycée. Seuls les lycées professionnels français peuvent se comparer aux écoles américaines. On compte aussi un videoprojecteur pour 32 élèves, un TBI pour 65 élèves, un système de vote électronique pour 144.
Un tiers des établissements peuvent faire réparer un ordinateur en moins de 8 heures. Un taux qui monte à 90% quand il s’agit du réseau d’établissement. C’est dire que les questions de maintenance, qui pourrissent la vie de nombreux établissements et font hésiter les profs, semblent résolus. Une école sur trois dispose du personnel technique nécessaire. Rappelons qu’en France la maintenance fait l’objet d’un désaccord entre Etat et collectivités locales : c’est une compétence pris en charge en fait tant bien que mal par de nombreuses collectivités locales alors que c’est à l’Etat de l’exercer…
L’enquête montre aussi des usages différents. Ainsi, seulement 27% des ordinateurs sont dans des salles spécialisées, 51% dans des salles de cours. 40% des établissements (primaire et secondaire) proposent un accès wifi sur la totalité de l’école. Deux profs sur trois s’estiment suffisamment formés pour manipuler les outils informatiques, avec une différence intéressante entre établissements des quartiers favorisés , où 3 profs sur 4 se trouvent à l’aise, et populaires, 62% seulement. On retrouve cet écart quand on demande aux enseignants s’ils sont capables d’intégrer les Tice dans leur enseignement : 67% l’affirment dans les établissements favorisés, 62% dans les défavorisés. Mais la grande majorité des écoles disposent sur place d’enseignants qui aident à cette intégration.
Ces données sont publiées alors que des décisions sont attendues en France sur l’équipement numérique des écoles. Peu de temps après sa nomination, Luc Chatel avait fait part de son intention de doter l’éducation nationale d’un plan numérique. En mars dernier, le député Jean-Michel Fourgous a publié un rapport, remis au premier ministre, qui est un efficace plaidoyer pour une intégration massive du numérique dans l’enseignement. Enfin, à la mi-avril , les assises nationales de l’éducation et de la formation numérique ont réussi à réunir sur ce thème des acteurs aussi variés que les syndicats d’enseignants, les associations de parents d’élèves et les collectivités locales. Le grand emprunt constitue une opportunité pour mettre à niveau le système éducatif français et impulser un effort de formation. Lundi 3 mai, à l’issue de la réunion gouvernementale sur cet investissement, en saura-t-on davantage sur cette question importante pour l’Ecole ?
Educational Technology
http://nces.ed.gov/pubsearch/pubsinfo.asp?pubid=2010034
Le rapport Fourgous
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/02/FlashFourgous.aspx
Les Assises du numérique
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/AssisesEducFormNum.aspx
Maîtriser les TICE pour mieux apprendre
Quelle est la place réelle des TICE dans la vie professionnelle d’un esneignnat ? Comment influent-elles sur le devenir de l’Ecole ? Le Se-Unsa propose un dossier clair et synthétique qui balaie les interrogations des enseignants sur la révolution numérique.
L’Ecole et les Tice
http://www.se-unsa.org/spip.php?rubrique530
Enseigner l’histoire avec Facebook
Le web 2 peut-il servir l’enseignement ? Laurent Gayme en apporte la preuve dans une intéressante séance qui concerne le chapitre « bilan et mémoires de la seconde guerre mondiale » du début de terminale. IL invite les élèves à réfléchir à la campagne d’un américain qui demande qu’une rue Pétain , à Milltown, soit débaptisée. Le site qu’il a ouvert dans Facebook porte le débat au niveau international.
Le TP sur le site de Versailles
http://www.histoire.ac-versailles.fr/spip.php?article772
Sur Facebook
http://www.facebook.com/group.php?v=info&gid=250628626879