Président du Mouvement contre la constante macabre, André Antibi écrit à Didier Migaud, qui vient de publier le rapport de la Cour des comptes sur l’éducation nationale, pour lui demander « d’inciter à la mise en place d’autres types d’évaluation ».
Professeur André Antibi,
Président du Mouvement Contre La Constante Macabre
à Didier Migaud, Président de la Cour des comptes,
Objet : rapport sur l’Ecole
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous informer que j’ai lu avec intérêt le rapport de la Cour des Comptes sur l’Ecole. Je pense effectivement qu’il y a un certain nombre de points à améliorer, et que la position du système éducatif français sur le plan international est anormale.
Je me permets toutefois de signaler qu’une des causes importantes de l’échec scolaire n’est pas dénoncée. Plus précisément, il n’est fait aucune allusion à un dysfonctionnement très grave de notre système éducatif.
Il s’agit en réalité d’un véritable phénomène de société dont les élèves, mais aussi leurs enseignants sont victimes. Plus précisément, dans notre pays, imaginons un professeur excellent en présence d’élèves excellents. Dans un tel contexte toutes les notes devraient être bonnes. S’il en est ainsi, le professeur est montré du doigt et passe pour un professeur laxiste, peu sérieux. Ainsi, sous la pression de la société, les enseignants, inconsciemment, sont des sélectionneurs malgré eux.
En d’autres termes, il faut toujours qu’il y ait un certain pourcentage d’échec, une constante macabre en quelque sorte, pour que la situation paraisse normale.
Dans ces conditions, il est clair que les solutions qui sont proposées dans ce rapport ne suffiront pas à améliorer notre système éducatif.
Ce phénomène de constante macabre est actuellement reconnu par pratiquement tous les partenaires de notre système éducatif : associations et syndicats d’enseignants, de chefs d’établissement, d’inspecteurs d’académie, de directeurs diocésains, de parents d’élèves, d’élèves et d’étudiants. Il en est question dans le rapport de la commission parlementaire « Grosperrin » sur le socle commun. Un colloque sur ce thème a eu lieu au Sénat ; Richard Descoings en fait état dans un entretien au Nouvel Observateur en septembre 2009.
La constante macabre est la principale cause de plusieurs graves dysfonctionnements qui sont mis en évidence dans votre rapport ; par exemple le nombre élevé d’élèves en échec scolaire, l’influence des inégalités sociales dans la réussite scolaire ; en effet, concernant ce dernier point, il convient de préciser que tous les élèves français sont victimes de ce dysfonctionnement, mais les premières victimes de ce phénomène sont les enfants de milieu défavorisé qui se retrouvent souvent en situation d’échec artificiel malgré leur travail et l’assimilation des connaissances de base ; en effet, comme dans un concours, le nombre d’élèves qui réussissent doit être limité.
Il existe évidemment d’autres points de notre système éducatif qui doivent être améliorés ; mais aucune mesure ne pourra être vraiment efficace tant que la constante macabre sera présente dans les mentalités. Ainsi, l’objectif de ma démarche n’est pas de remettre en cause le rapport de la cour des comptes dans son ensemble, mais d’éviter que ce rapport, comme d’autres rapports précédents sur ce thème, soit d’une efficacité très limitée.
Au nom du MCLCM (mouvement contre la constante macabre), je me permets de vous demander de bien vouloir prendre en considération ce déplorable dysfonctionnement, et d’inciter à la mise en place d’autres types d’évaluation des élèves, par exemple le système d’évaluation par contrat de confiance qui encourage les élèves à travailler beaucoup plus, en confiance (voir site mclcm.fr)
Je me tiens à votre disposition, Monsieur le Président, pour tout complément d’information sur ce sujet, et vous prie de croire à l’expression de mes sentiments respectueux.
Toulouse le 15 mai 2010,
André Antibi