Par François Jarraud
Sous-titré « Des idées pour enseigner », ce livre nous offre en quelques pages la synthèse des principaux ouvrages pédagogiques sur les apprentissages, l’enseignement, la relation pédagogique et le métier d’enseignant. Sur chacune de ces questions il confronte les points de vue des grands auteurs : Meirieu, Astolfi, Develay, Houssaye, Lévine, de Peretti, Perrenoud etc.
Autorité, échec scolaire, aide aux élèves, compétences : voilà quelques mots qui encadrent le débat actuel sur l’Ecole. Chacun bénéficie d’un chapitre dans cet ouvrage qui présente les réflexions de 28 grands pédagogues francophones. Une bible de la pédagogie ? Certainement pas car si la pensée y est riche, elle est aussi diverse, contradictoire parfois, en tous cas elle s’enrichit de ces confrontations.
Et l’ouvrage vaut ce que vaut son auteur. Danielle Alexandre « est tombée dans la pédagogie toute petite ». Elle nous a confié son avidité à se nourrir des travaux de sciences de l’éducation. Elle est passée par l’école normale d’institutrice. Elle a toujours enseigné dans des établissements considérés comme difficiles, par choix délibéré. Elle a enseigné de la maternelle au lycée et partagé son temps avec la formation. Tout cela lui a donné la possibilité de confronter théories et terrain. Et aussi une grande expérience de l’enseignement et des théories pédagogiques.
Alimenté à de telles sources, c’est dire que l’ouvrage pourra intéresser aussi bien l’enseignant que l’étudiant. Etudiants et débutants découvriront avec facilité et gain de temps la pensée des grands auteurs des sciences de l’éducation et ainsi mieux préparer les concours et examens. Les enseignants se plongeront dans l’ouvrage pour se former ou pour réfléchir aux difficultés de parcours qui émaillent ce métier. Les plus méchants feront une lecture comparative avec les discours officiels…
Grâce à ce livre, le lecteur pourra lire Astolfi sur le rôle de l’erreur, Perrenoud sur les compétences ou la différenciation, Meirieu sur la relation pédagogique, Peretti sur l’évaluation, Houssaye et le fameux triangle pédagogique, Hameline et les objectifs pédagogiques… Chacun pourra ainsi revenir aux sources. Pour le Café pédagogique, cet ouvrage est le livre de l’année.
Danielle Alexandre, Anthologie des textes clés en pédagogie. Des idées pour enseigner, Paris, ESF, 2010, 160 pages, 12,90 euros.
En savoir plus :
http://www.esf-editeur.fr/detail/644/anthologie-des-textes-cles-en-pedagogie.html
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Entretien avec Danielle Alexandre : Quelles limites pour une anthologie ?
Proposer une « anthologie de la pédagogie » à une époque où ce mot est presque devenu une insulte n’est pas anodin. Qu’attendez vous de cet ouvrage?
Si anthologie est un gros mot, je le revendique avec plaisir ! Les sciences de l’éducation se sont considérablement développées au cours de ces 30 dernières années. Mais comment s’y retrouver dans le foisonnement de publications ? Les bibliographies pléthoriques proposées aux jeunes enseignants sont souvent décourageantes et tous les ouvrages ne sont pas aisés d’accès, certains sont épuisés. Et puis il faut oser affirmer que tout ne se vaut pas ! Cette anthologie veut faciliter l’accès et le retour aux sources parce qu’une démarche intellectuelle exigeante ne peut se contenter d’un discours de seconde main.
Peut-on dire qu’il constitue une sorte de remède à une formation des enseignants qui devrait largement ignorer les questions pédagogiques ? Ou est-il plutôt destiné aux enseignants en poste ?
Pour moi, il n’y a pas de formation digne de ce nom sans un aller retour constant entre théorie et pratique avec des espaces prévus pour en discuter avec des professionnels, autrement dit des centres de formation et rien ne peut les remplacer ! Réduire le métier à un apprentissage sur le tas est un désastre annoncé ! Quant à l’anthologie, elle vise un public large, étudiants préparant les concours, tout enseignant soucieux de compléter sa formation, qu’il soit débutant ou non.
On trouve dans votre anthologie une sélection d’auteurs que l’on aime bien au Café : Meirieu, Develay, Peretti, Astolfi, Perrenoud, Houssaye, Lévine et encore bien d’autres. Certains sont dans une position un peu délicate par rapport à certains courants pédagogiques. Comment avez vous fait votre sélection ? Où passe la frontière ?
Il n’y a pas de liste ou de zone noire ! J’ai sélectionné des textes et non pas des auteurs. Ce qui compte, c’est ce que disent les textes, ce qu’ils peuvent apporter à l’enseignant d’aujourd’hui dans sa pratique quotidienne, dans sa compréhension du métier, comment ils peuvent l’aider à évoluer. L’idée était aussi de mêler des voix célèbres à d’autres moins connues.
L’anthologie n’est pas un dictionnaire. Les 13 thèmes abordés ne suivent pas l’ordre alphabétique : apprentissage, erreur, difficultés, compétences, pédagogie, autorité etc. Quelle logique suivez vous dans cet ordre ?
Peu de lecteurs lisent un ouvrage théorique du début à la fin. J’ai pensé cet ouvrage pour qu’on puisse l’ouvrir à n’importe quelle page et s’y retrouver quand même. Il y a évidemment une organisation linéaire tracée par la table des matières pour le lecteur assidu, mais je souhaitais aussi favoriser une lecture vagabonde qui permette à chacun de tracer son parcours de lecture selon ses besoins ou ses désirs. Chacun des 13 mots clés constitue une unité autonome, sous mots clés, corrélats et index facilitent une navigation personnelle parmi les textes.
Il y a des thèmes qui surprennent (objectifs pédagogiques) beaucoup d’autres que l’on s’attendrait à trouver. Pourquoi ne pas aborder le pilotage du système éducatif ? Pourquoi dans « évaluation » ne pas poser la question des évaluations internationales et de leurs poids normatif ? Pourquoi ne trouve t-on rien sur le socle commun ? Ou les Tice ?
Les enseignants et les cadres intermédiaires du système subissent une pression très forte de l’institution : injonctions, réformes ou résultats d’évaluation nationales ou internationales se succèdent à un rythme soutenu. J’ai souhaité justement prendre de la hauteur pour interroger la réalité des pratiques dans la classe et leurs présupposés théoriques. L’ouvrage s’adresse à des enseignants et vise à les aider dans l’exercice quotidien du métier. Il est centré sur la question fondamentale des apprentissages. Comment les élèves apprennent –ils ? Comment peut-on les aider à apprendre ? Comment aider un élève en difficulté ou mieux encore comment éviter qu’il ne le soit ? Comment expliquer que des enseignants très consciencieux n’obtiennent pas les progrès escomptés chez leurs élèves ? Pour moi, l’important n’est pas de s’intéresser à tel ou tel dispositif institutionnel plus ou moins volatile ou imposé dans la précipitation comme la dernière lessive miracle, mais de comprendre où sont les freins ou les blocages, chez les élèves autant que chez les enseignants? Mes choix ont été orientés par ce que je sais, grâce à mon expérience de la formation continue, des représentations qui chez les enseignants font obstacle à l’efficacité de leurs pratiques. Il y a des réponses, par exemple, on continue à confondre apprendre et enseigner ou à pointer toutes les erreurs dans les copies sans projet particulier. Que d’énergie dépensée souvent en pure perte alors que la charge de travail des enseignants ne cesse de s’alourdir. Ces aspects là ont été particulièrement approfondis. Un autre souci a été de ne s’enfermer dans aucune chapelle, de faire dialoguer les chercheurs à travers leurs textes pour déployer une palette de propositions au sein de grands thèmes.
Quant au fameux « socle commun » ce n’est que la partie visible de l’iceberg, la question de fond est celle de l’enseignement par compétences et cela, bien sûr, est l’un des 13 mots clés de l’anthologie. Et si l’on trouve aussi une entrée « objectifs pédagogiques » c’est que ce sujet a suscité beaucoup de malentendus et de polémiques. Il m’a paru intéressant de faire le point mais aussi de montrer que des auteurs comme Daniel Hameline ou Jean Pierre Astolfi mettaient fermement en garde contre certaines dérives. Cet exemple illustre bien l’intérêt de s’intéresser aux sources mêmes et de ne pas se contenter de la rumeur ou d’avatars divers.
S’il est un article qui est à la mode c’est bien celui sur l »autorité. Vous donnez la parole aux grands auteurs sur cette question. Ne mériterait-elle pas une ouverture polémique ?
La question de l’autorité n’est qu’un aspect d’un problème beaucoup plus vaste qui est une indiscutable évolution sociétale face à laquelle l’école a du mal à s’adapter. Le sujet est particulièrement sensible pour les enseignants et les polémiques particulièrement mal vécues. Faute de pouvoir aborder la complexité des problèmes dans le cadre limité de cette anthologie, j’ai choisi de façon très pragmatique de fournir quelques repères et points d’appui.
N’y a t-il pas le risque sinon d’avoir à la pédagogie un peu ce que le Lagarde et Michard a pu être à la littérature : pas tant un outil de découverte qu’un moyen d’éviter le rencontre avec les oeuvres ?
Quelle est la situation actuelle ? Le lectorat des ouvrages de sciences de l’éducation est essentiellement constitué de chercheurs, thésards et formateurs. Peu d’enseignants lisent des textes issus de la recherche. Si certains ne lisent que ces extraits, c’est mieux que rien du tout, mais l’espoir est vraiment que ces morceaux choisis donnent envie d’en savoir plus. Les textes de sciences de l’éducation sont souvent considérés comme jargonneux, rébarbatifs et nombre d’enseignants ne se sentent pas concernés… J’ai l’espoir que ces extraits apprivoiseront de nouveaux lecteurs. Comme professeur de Lettres j’ai toujours, à l’opposé du Lagarde et Michard, recherché avec enthousiasme comment favoriser l’accès aux oeuvres intégrales, et je suis convaincue que des morceaux (bien) choisis restent un tremplin efficace vers d’autres lectures !
Une telle anthologie aura-t-elle une suite ? Une mise à jour ?
Oui bien sûr, on pourrait envisager justement de rassembler des textes sur le pilotage du système éducatif et pouvoir développer la question de la violence à l’école. Quant aux mises à jour, elles vont de soi. Les sciences de l’éducation sont une matière vive !
Danielle Alexandre
Entretien : François Jarraud
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