Par François Jarraud
Toute augmentation est-elle forcément une revalorisation ? C’est la question qui est déjà posée alors que Luc Chatel vient de promettre, pour la rentrée 2010, une augmentation pour les enseignants débutants.
190 000 profs revalorisés. Lors du Grand Jury RTL – Le Figaro – Lci, dimanche 28 mars, le ministre de l’éducation nationale a annoncé une augmentation de 157 euros nets par mois des professeurs des écoles et certifiés et 259 euros pour les agrégés en début de carrière à compter du 1er septembre 2010. Cela concerne environ 20 000 enseignants. Pour les enseignants déjà en fonction, il est prévu, sur les 7 premières années d’enseignement, une revalorisation de 660 euros nets annuels. Cela concerne environ 170.000 enseignants.
La mobilité en perspective. Luc Chatel avait annoncé dès sa prise de fonctions sa volonté d’instituer une véritable gestion des personnels. Il en résulte une série de mesures concernant la formation, la santé et la gestion des carrières. Le ministre permettra à partir de septembre 2010 le bénéfice du droit individuel à la formation. Chaque enseignant pourra bénéficier de 20 heures de formation par an, prises lors des vacances scolaires et rémunérée 50% du salaire horaire. Concernant la santé, le ministère proposera un bilan de santé à tous les enseignants l’année de leur 50 ans. Un effort est fait pour la gestion des carrières. Chaque enseignant bénéficiera de deux entretiens sur la mobilité professionnelle dans sa vie professionnelle, un après deux ans et un autre après 15 ans de carrière. En ce qui concerne la seconde carrière, un portail internet recensera les postes à pourvoir hors éducation nationale.
Un accueil mitigé. Les syndicats ont réagi à cette annonce. Ils relèvent d’abord qu’elle a lieu deux jours avant la réunion avec eux. « Il y une certaine déception », a déclaré Gilles Moindrot, secrétaire général du Snuipp à l’AFP. « On espère que davantage d’enseignants seront concernés ». Thierry Cadart, pour le Sgen Cfdt, constate que le ministre s’en tient « à l’hypothèse basse ». La critique la plus sévère vient de la CGT qui parle « d’arnaque de la communication ministérielle ». « La réalité, est que le ministre supprime l’échelonnement indiciaire de début de carrière (1er et 2ème échelon actuel), qui correspond à l’année de stage de l’enseignant recruté jusqu’à présent après la licence », note la Cgt. « Si effectivement, les enseignants débutants seront revalorisés, la comparaison avec la situation actuelle montre qu’en réalité les nouveaux enseignants vont y perdre ! En effet, avant le concours, « l’enseignant revalorisé » ne touchera au mieux que les 3000 euros s’il effectue des stages en responsabilité puis, une fois le concours obtenu, il entrera dans la nouvelle grille « revalorisée ». En supprimant ainsi l’accélération de début de carrière obtenue par les enseignants en 1990 et en reculant l’entrée dans le métier, le ministère fait perdre plus de 13 000 euros aux « enseignants revalorisés » sur les 10 ans suivant leur année de M1 par rapport aux enseignants actuels ! ». La Cgt estime que « le gouvernement va engranger le bénéfice de la masterisation ».
L’émission Grand jury RTL Figaro LCI
http://www.rtl.fr/fiche/5937271781/invite-du-grand-jury-[…]
Comment une revalorisation peut-elle refroidir l’atmosphère ?
Après des années de relations très tendues entre les syndicats et le ministère, l’annonce ministérielle d’une revalorisation salariale aurait du être accueillie avec chaleur par les syndicats. Ce n’est pas le cas et il faut s’interroger sur ce paradoxe.
L’accueil aurait du être d’autant plus favorable que le niveau de salaire des enseignants est bas. Si l’on en croit les chiffres de l’Union européenne, dans 13 pays européens les salaires sont supérieurs aux chiffres français pour le salaire minium du primaire. Au niveau lycée, c’est le cas pour 15 pays. La situation n’est guère plus enviable en ce qui concerne la gestion des carrières.
A vrai dire, même si elle progresse, celle-ci ne fait qu’émerger si l’on en croit les propos de L Chatel. S’occuper de la santé du personnel qu’une fois dans toute une vie professionnelle (bilan à 50 ans) est évidemment dérisoire. Proposer deux entretiens dans une carrière qui dure plus de 30 ans c’est évidemment peu de choses. Et ce n’est pas non plus la mise en place d’une vitrine internet qui pourra faire décoller la seconde carrière des enseignants.
Ce n’est pas par hasard que ces avancées sont si mesurées. Pour pouvoir offrir un vrai suivi de carrière il faudrait disposer de véritables corps intermédiaires, reconnus par les enseignants et en nombre suffisant. Or ni l’inspection, peu nombreuses et pas toujours acceptée, ni les directions, au rôle limité, ne peuvent aider substantiellement le ministère à gérer près d’un million de personnes. On touche là à une crise structurelle.
Mais cet accueil froid résulte aussi des positions ambiguës prises par le ministre. Annoncer ses décisions 48 heures avant une rencontre syndicale programmée illustre le sens du dialogue social à l’éducation nationale. Mais il y a pire encore. Luc Chatel brandit comme un étendard le fait que les 196 millions distribués pour la revalorisation salariale correspondent à la moitié des économies faites du fait des réductions de postes à l’éducation nationale. Or c’est un bien curieux raisonnement que de faire participer financièrement les enseignants à ce qui est considéré par la majorité d’entre eux comme la destruction de l’Ecole. Inconscience, naïveté ou mépris, cette position est indéfendable.
Car ce que le gouvernement n’arrive pas à faire c’est se positionner sur le terrain de l’efficacité. Pourtant il n’est pas illégitime à un gouvernement de faire des économies et les enseignants étant également contribuables, peuvent l’entendre. Celle ci est confondue au ministère avec l’économie ce qui sous-entend que l’Ecole ne peut pas gagner en efficacité. Pourtant les exemples existent, du niveau local, les écoles Freinet du Nord-Pas de Calais par exemple, à des filières entières qui ont su remonter le niveau sans laisser des élèves à la traîne (la filière STG par exemple) et en étant moins coûteuses. On pourrait encore citer le coût exorbitant du redoublement (3 milliards par an). C’est cette absence de projet pour l’Ecole, ce déni répété de leur métier qu’entendent les enseignants en même temps que le son atténué des écus.
Les salaires enseignants
http://eacea.ec.europa.eu/education/eurydice/documents/[…]
Revalorisation : Pour les syndicats le compte n’y est pas
Sgen, Se-Unsa et Snes donnent rendez-vous au ministre mardi 30 mars pour manifester leur mécontentement. Le Snes a calculé que sur une carrière la revalorisation Chatel représenta 30 euros par mois. « Ces annonces n’ouvrent aucune perspective de revalorisation d’ensemble des personnels d’enseignement d’éducation et d’orientation du second degré », note le Snes. « Elles ne donnent pas de détail sur le montant précis des mesures et font craindre que ces mesures soient en retrait, suites aux arbitrages budgétaires de l’Elysée, par rapport à celles déjà rendues publiques. »
Le Sgen manifeste » son opposition farouche à la logique de la revalorisation de salaires financée par les suppressions d’emploi » et note que la promesse de revalorisation de tous les enseignants du candidat Sarkozy n’est pas tenue.. Quant au Se-Unsa, il évoque « le goût amer » du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Le syndicat craint aussi pour l’avenir. « Il y a fort à parier qu’à niveau de recrutement identique, de nombreux étudiants préfèreront se tourner vers l’emploi privé, nettement mieux rémunéré à diplôme égal. La question de la réduction des viviers de recrutements, induite par la mastérisation, se pose donc avec acuité ».
Communiqué Se-UNsa
http://www.se-unsa.org/spip.php?article2123
Communiqué Snes
http://www.snes.edu/Revalorisation-au-rabais.html
Communiqué Sgen
http://www.cfdt.fr/rewrite/article/25475/actualites/revalo[…]
Sur la revalorisation
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2010/03/2903[…]
Sur le site du Café
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