Ce week-end, des élèves et des profs ont choisi de prendre le chemin de l’école pour participer au premier festival des journaux télévisés scolaires à Salies de Béarn, des heures supplémentaires sans aucune gratification juste celle d’avoir réalisé, appris et partagé.
La naissance d’un festival
Orthevielle est au journal télé scolaire ce que la gare de Perpignan est (selon Dali) pour le monde : son centre. L’expérience développée par Annie Girard dans le village landais est devenu une référence avec 100 numéros réalisés par les élèves. A partir de l’actualité ou en regardant tout autour d’eux, les richesses de la nature, du patrimoine, en écoutant les histoires de vie et de métiers de leurs voisins, parents et même de personnalités reconnues comme les frères Bogdanov ou Joël de Rosnay, les enfants d’Orthevielle ont inventé semaine après semaine leur version du journal télévisé, le journal des bonnes nouvelles.
Annie Girard n’a pas créé le JT scolaire, avec d’autres enseignants elle a remis au goût du jour une idée qui semble être née en même temps que la télévision. Les nouvelles technologies, les caméscopes légers, les processeurs rapides, les logiciels de montage, ouvrent des possibilités immenses à cette approche active de l’éducation aux médias où la réalisation est la base des apprentissages. Marie Soulié, enseignante de français, au collège de Sauveterre, a adopté la démarche et souhaite tout comme Annie, la partager et la promouvoir. Toutes les deux, elles ont imaginé d’organiser une manifestation où élèves chevronnés et débutants accompagnés de leurs profs se côtoieraient pour réaliser des reportages et les projeter devant un jury, comme dans un vrai festival. Faute de place, Orthevielle la landaise n’a pu accueillir le premier festival du JT scolaire alors, sa voisine des Pyrénées Atlantiques, Salies de Béarn a ouvert son collège, son cinéma et les richesses de son patrimoine pour accueillir les festivaliers.
Des reporters dans la ville
Plus de soixante élèves, répartis dans douze équipes, se sont ainsi retrouvé samedi matin dès neuf heures. Les consignes étaient simples. Après avoir choisi un sujet parmi la liste proposée lors de l’inscription par les organisatrices, les élèves, encadrés par un ou plusieurs adultes, sont partis réaliser prises de vue et interviews dans la ville. Ils bénéficiaient de l’appui et des conseils de Gladys Cuadrat, journaliste reporter d’images à France 3 Aquitaine. L’après midi était consacrée au montage et aux enregistrements de plateau. A 18 heures 30, le journal devait être fini. Là encore ils pouvaient bénéficier d’un appui technique d’adultes. Quelque soit leur âge et leur classe, qu’ils soient en primaire, au collège ou au lycée, les contraintes étaient les mêmes pour tous les concurrents : aboutir à un journal télévisé avec un générique, un lancement de sujet et un reportage n’excédant pas une minute 30.
Pendant cette journée, le socle des compétences a été visité et revisité. Avant de se lancer dans le recueil d’informations, les équipes ont exploré le sujet pour trouver un angle d’attaque, déterminé les lieux de tournage et les témoignages à recueillir, préparé les questions. Elles ont du ensuite utiliser un camescope, un micro pour enregistrer, se diriger dans la ville, communiquer, présenter leur sujet, interroger des personnes. Puis, elles ont sélectionné parmi les éléments récoltés ceux qu’elles allaient retenir, écrit les commentaires, les voix off, créé un générique, scénarisé, fait le montage en veillant à la concordance des images et du son. Elles ont surtout du s’armer de patience, faire face aux problèmes techniques, ne pas se décourager quand la séquence a disparu, lorsque le son que l’on pensait réussi est brouillé par les bruits de fond, aller donner un coup de main à l’équipe d’à côté qui est à la peine, aller chercher de l’assistance lorsque soi même on est un perdu dans les aléas de la technologie, penser à s’aérer, se nourrir, rire aussi, et finalement terminer dans les délais ; tout cela un samedi.
Un camaïeu d’équipes
Pour certaines équipes, il s’agissait d’une première. Céline, institutrice à l’école de Port de Lanne est venue avec six élèves de sa classe de CE1, et son mari pour assistant. Pour elle, le festival est l’occasion de se lancer dans l’expérience en étant entourée de collègues plus expérimentés. Le petit groupe attire rapidement la sympathie des plus grands, ceux du lycée Gaston Phébus d’Orthez notamment. Les collégiennes de Pouillon, débutantes également sont épaulées par Florence Delcher du CDDP 64. Un groupe du collège de Sauveterre a perdu dans une mauvaise manipulation ses enregistrements. Les larmes jaillissent dans la panique, un des équipiers prend les choses en main, va chercher Christophe Soubeyran, rédacteur en chef du Moniteur 92 pour qu’il les aide à trouver une solution. Finalement, l’équipe repartira faire une partie des interviews et des prises de vue et le reportage finalisé ne portera aucune trace de l’incident. La réalisation d’un JT est source d’erreurs, et donc d’apprentissages.
A 18 heures 30, les JT sont quasiment terminés, certains réglages restent à faire mais les adultes prendront le relais car pour les enfants, la journée a été dense. Des élèves repartent chez eux. D’autres sont hébergés à l’internat. Un repas est offert, une délicieuse blanquette de veau et des éclairs au chocolat concoctés par la cuisinière d’Othevielle. Car la réussite de l’opération tient à cela aussi, à cette dose d’engagement individuel et de convivialité. Le principal du collège, Jean-François Liaudois, court d’une salle à l’autre, veille à ce qu’il ne manque rien, de la brioche du goûter à l’organisation des chambres. Patrice Girard conseille, explique des astuces techniques pour que les montages soient réussis. Des parents organisent les co-voiturages ou restent pour encadrer le repas et dormir à l’internat.
Ceux qui n’ont pu venir parce qu’ils habitent trop loin ont envoyé leur JT avec un sujet libre mais les mêmes contraintes de temps. Quatre établissements ont choisi ce mode de participation, d’autres n’ont pu envoyer leur production dans les délais.
Un vrai festival
Le lendemain matin, pour le concours, les JT sont projetés au cinéma de Salies, un cinéma des champs. Le jury est composé en partie de professionnels : une journaliste de France 3, une productrice de M6, l’animatrice du Clémi, une conseillère pédagogique et une représentante du Café Pédagogique. Car, comme dans tout festival, un palmarès sera décerné tenant compte à la fois de la qualité de réalisation et du traitement du sujet. Entre les JT, il y a bien entendu des disparités, principalement au niveau technique. Sur le fond, le sérieux des sujets, le respect des consignes sont partout appliqués. C’est sans doute cela le plus étonnant, malgré les différences d’âge, d’expérience dans la réalisation de reportages, on retrouve une certaine unité dans la qualité de l’approche. Chaque JT apporte des informations nouvelles sur la ville, son patrimoine, son histoire.
Le clap d’or a été attribué à l’école de La Garenne de St Médard en Jalles. L’équipe s’est intéressée à la navette gratuite de la ville, en s’appuyant sur des interviews et des données pour montrer l’apport pour le quotidien des habitants de ce mode de transport. Le clap d’argent revient au Collège de Pouillon. Les élèves ont choisi de traiter le thème du sel (repris par plusieurs équipes) avec un angle original, celui du Système d’Echange Local, un système de troc de services. Le JT s’est également distingué par sa qualité artistique et sa scénarisation. Le Collège de Sauveterre de Béarn a reçu un clap de bronze avec un JT consacré au cinéma de Saliès, une structure associative qui favorise l’accès à la culture en milieu rural.
Les reportages envoyés se sont également révélé d’une grande richese. Le collège de Dammarie les Lys, par exemple, a réalisé un JT consacré à l’intégration des élèves handicapés au collège en interviewant tous les acteurs concernés (la principale du collège, un assistant de vie scolaire, des collégiens dont deux collégiens handicapés) et en proposant des images à la fois distanciés et sensibles.
Les prix décernés, le dernier repas partagé, les équipes sont reparties chez elles après s’être promis de se retrouver l’année prochaine. Cette première édition, imaginée et mise en œuvre par des passionnées, avait le goût des initiatives pionnières avec peu de moyens, peu de soutien institutionnel mais un fort engagement des participants. Les usages de la vidéo à l’école sont encore peu développés et sont promis à un bel avenir. Les réalisations des élèves, leur implication, les témoignages des enseignants et des parents, constituent un véritable plébiscite pour le JT scolaire. Alors à l’année prochaine, pour un deuxième festival, avec encore plus de participants et un soutien plus fort de l’institution? Le clap de fin ne serait alors que provisoire.
Monique Royer
Les journaux télévisés scolaires
http://web.me.com/ecole_orthevielle/Festival_des_JT_scolaires/Bienvenue.html
L’ensemble des JT sera prochainement mis en ligne sur le site du festival.