Par intérim
Pionnière dans l’utilisation en classe des systèmes d’information géographique (SIG), Cécile de Joie montre comment les TICE peuvent faire le lien entre la culture scolaire et celle de la société.
Il y a eu deux grandes innovations dans les usages géographiques de la société en général c’est l’apparition des SIG et des globes virtuels Google Earth / Google Maps. Dans quelle mesure te semblent-ils avoir fait leur apparition dans les salles de classe?
J’ai croisé les SIG lorsque j’étais étudiante en géographie, à la toute fin de mon cursus, en 1995 et alors que l’informatique arrivait péniblement à toucher le 3e cycle universitaire. Lorsque je suis devenue enseignante, l’année d’après, l’idée d’employer un logiciel de SIG en classe ne me serait jamais venue à l’esprit ! Mais lors d’un stage de formation continue en 2000 dans l’académie de Dijon, j’ai rencontré Jean-Marc Bonnefoy. Il était alors l’auteur de Wincarto, mais surtout pensait que les SIG devaient avoir une place dans l’enseignement. Compte tenu de mes compétences acquises à l’Université, j’ai intégré le groupe de réflexion sur l’usage des SIG dans l’enseignement de l’hist-géo en 2001. De 2001 à 2005, nous avons défriché le terrain, essayé de développer des applications pour la classe, mais nous avions beaucoup de mal à convaincre en dehors d’un petit cercle de passionnés : prise en main complexe des logiciels de SIG, poids des données qui s’ouvraient avec peine sur les ordinateurs des salles infos de nos établissements, problèmes d’acquisition des données. A partir de 2005, avec l’arrivée d’applications faciles à utiliser comme Google earth ou Google maps, mais aussi Géoportail, les choses ont changé. D’un seul coup l’information géographique était à la portée de tout le monde.
Mais ces outils ne permettent pas la même réflexion sur l’espace qu’un logiciel de SIG. Jean-Marc Bonnefoy s’est alors consacré à la production d’un logiciel de SIG, libre de droits, et conçu dès le départ pour une utilisation en classe et la manipulation par des élèves. Wingis permet aujourd’hui à tout enseignant d’hist-géo qui le désire de se lancer dans l’aventure du SIG. Localement, nous avons conclu des accords avec le Grand Dijon et le Grand Chalon pour acquérir des données. Nous avons constitué cette année des groupes de travail à Dijon et à Chalon pour utiliser ces données et produire des séances, au niveau lycée surtout, car les programmes intègrent davantage la France et le local. Pour la 1ère fois dans l’académie, nous avons le sentiment de dépasser le stade des défricheurs pour aller vers un élargissement de l’usage.
Quelle connaissance un élève de lycée peut-il avoir de Google Maps (/earth) ? Celle-ci peut elle être mobilisée pour la géo ?
En seconde, je m’aperçois que les élèves ont une connaissance très vague de ces outils pour la majorité d’entre eux. Ils savent trouver un lieu, mais ne connaissent en général pas les outils de croquis, ou la possibilité de créer des placemarks. Ils ont beaucoup de difficultés à lire les images de Google earth, passer de la vue aérienne ou satellitale, à la vue au sol, à identifier des objets géographiques. Ne parlons pas de l’identification de la source des images, qui pose aussi de gros problèmes aux adultes et aux enseignants comme on peut le constater en formation ! Les globes virtuels donnent à voir, et il est tentant de multiplier les vues pour illustrer le cours au videoprojecteur, mais il s’agit d’images complexes à lire, interpréter, contextualiser.
Quelle utilisation un professeur expérimenté comme toi peut en faire ?
Pour initier les élèves de seconde aux globes virtuels Geoportail est plus intéressant, parce qu’il permet de sélectionner les couches d’informations (routes, bâti, chemin de fer, hydrographie, etc.) qui donnent du sens à l’image. Si l’établissement est abonné à Edugeo, on peut ensuite passer facilement au croquis d’interprétation, c’est possible aussi gratuitement avec Google Maps. Exemple avec ce module sur le Cap d’Agde. :
http://histoire-geographie.ac-dijon.fr/spiphistoire/sp[…]
Il est possible aussi de faire apporter aux élèves du contenu pour expliquer les images de Google earth, leur faire fabriquer des repères, enregistrés en fichier kmz. Cet exercice demande de disposer d’au moins deux heures de suite en salle info, car il y a des acquis techniques à maîtriser pour les élèves. Voir cet exercice réalisé en classe de seconde :
http://www.lycee.clionautes.org/article.php3?id_article=291
Plus classiquement, on peut faire travailler les élèves sur des parcours réalisés par le prof, comme le montre le site de Jean-marc Kiener consacré à ces voyages virtuels pédagogiques. Mais attention à ne pas utiliser Google earth comme prétexte à « enfermer » les élèves dans la démarche du prof, en oubliant totalement de poser des questions qui concernent l’espace…
Les SIG permettent ils d’introduire une façon différente de faire de la géo ? Par exemple des raisonnements différents ?
Le fonctionnement du SIG par couches que l’on peut ajouter successivement, enlever, combiner, permet une approche hypothético-déductive. Donc une démarche qui se construit étape par étape en vérifiant chaque hypothèse par la prise en compte de tel ou tel niveau d’analyse spatiale. Il est particulièrement intéressant de solliciter le SIG dans des problématiques liées à l’aménagement du territoire, à la prise en compte des risques ou des nuisances. Les séances élaborées aujourd’hui vont dans ce sens. Ainsi, cette année en classe de 1ère, j’ai réalisé dans le cadre du chapitre « Peuplement et urbanisation en France », une séance intitulée « Dijon : la ville reconquise ». Partant d’un article paru dans un journal local qui faisait la part belle au « retour au centre » à Dijon à propos du recensement de 2006, les élèves ont tenté de comprendre où se faisait ce retour au centre, pourquoi, comment ? Par la manipulation de Wingis, ils ont pu localiser les quartiers construits ou modifiés depuis 2002 (données Grand Dijon), que ces quartiers correspondaient pour une bonne part à des friches militaires (superposition du scan 25), particulièrement bien situés par rapport aux zones d’activités et principaux pôles d’emploi (données Grand Dijon). En faisant apparaître les espaces verts, les équipements collectifs publics, la desserte par stations velodi et futur Tram, la classe a pu avoir une réflexion sur le projet de ville durable, de mixité sociale… suppositions qui ont pu être confrontées au site internet du Grand Dijon. A partir de cette étude de cas, la confrontation à l’exemple du Mans traité dans le manuel, a pu montrer que le cas dijonnais était assez représentatif des dynamiques actuelles des métropoles régionales. Grâce au choix des couches d’information pertinentes, c’est l’élève qui construit le raisonnement sur l’espace, et se met dans la peau des acteurs-aménageurs.
Ils ont encore assez peu pénétré l’Ecole. Comment l’expliquer ? Faut il encourager leur utilisation et comment faire ?
Il me semble que les globes virtuels ont largement pénétré l’école, surtout cette année avec la mise en œuvre du nouveau programme de 6e. Pour les SIG, il faut encourager une utilisation raisonnée et raisonnable : mettre à disposition des enseignants un logiciel libre et de prise en main aisée, des données facilement intégrables, dans un format répandu. C’est ce que propose aux collègues le groupe TICE/SIG dans l’académie de Dijon. Mais cela suppose de pouvoir accéder facilement à une salle informatique, au moment où le besoin s’en fait sentir… et en lycée, cela reste un frein majeur ! Edugeo sera peut-être aussi l’occasion d’élargir la pratique des SIG en classe.
Finalement quels gains attendre des tice en géographie ?
Depuis les 1ers logiciels de cartographie ou de croquis, les tice ont largement fait leur preuve dans l’enseignement de la géographie. Elles permettent de pratiquer une géographie moderne, attrayante, et ancrée dans le quotidien des élèves, contrairement à ce que certains pensent de la géographie scolaire…
Cécile de Joie
Fabricarto
http://histoire-geographie.ac-dijon.fr/spiphistoire/sp[…]
Wingis