Faire l’histoire d’une discipline, c’est souvent savoir d’où on vient, pour savoir où on va ! Cependant pouvez-vous nous faire un petit tour d’horizon actuel de l’éducation physique au Maroc : son organisation, ses horaires, ses instructions, ses formations, ses finalités, ses évaluations ?
Je pense que ce sont des thèmes centraux qui peuvent nous aider à découvrir l’histoire de l’EPS au Maroc, et d’expliquer sa réalité dans le quotidien du terrain, ses missions, ses lacunes, ses soucis et également de pouvoir anticiper son avenir.
Toutefois, avant d’aborder l’EPS dans le système scolaire marocain, il semble judicieux de dessiner les contours de cette dernière. Ainsi, L’enseignement au Maroc (l’EPS inclus) est géré par le secteur public gratuit (synonyme de défaillance) et le secteur privé payant (synonyme d’excellence).
L’enseignement est étalé par cycle dont le préscolaire entre (2 et 3 ans), le primaire (6ans d’études jusqu’à l’âge de 11 à 12ans), le secondaire collégial (3ans d’étude) et enfin le secondaire qualifiant (3 ans d’étude)
Concernant l’organisation de l’EPS au Maroc
A l’opposé de L’EPS en France, cette discipline faisait toujours partie intégrante du système d’enseignement, une matière obligatoire (exception pour les dispenses) dans tous les cycles de scolarité.
L’EPS Marocaine sur le plan fonctionnel à double facette d’une part, elle est une matière d’enseignement avec ses lieux, ses horaires, ses « programmes », ses instructions officielles, son évaluation, ses cadres… Et, d’autres par elle tient, la forme du sport de compétition, par le biais de l’ASS (L’UNSS en France) vecteur du sport scolaire au niveau local, régional, national et international.
De ce fait, l’EPS en tant que matière d’enseignement est sous le contrôle de la « direction des curricula », qui a pour missions entre autres : De participer à l’élaboration des curricula scolaires et de la formation des cadres dans les différents disciplines littéraires, scientifiques et techniques ; d’adapter et réguler les curricula scolaire et de formation…
La Direction des curricula est composée de La division de l’enseignement des disciplines littéraires et des langues, de la division de l’enseignement des disciplines scientifiques et de l’éducation physique et de la division de l’enseignement des disciplines techniques et artistiques.
Alors que Le sport scolaire est dirigé par la direction de la promotion du sport scolaire et de l’organisation des compétitions sportives scolaires qui se compose de la division de la promotion du sport scolaire et la division de l’organisation des compétitions sportives scolaires. En plus du rôle de la Fédération Royale Marocaine du Sport Scolaire.
A partir de ce mono organigramme, nous remarquons que l’EPS fait partie des matières scientifiques sous l’égide de la division de l’enseignement scientifique. Cette catégorisation nous laisse supposer plusieurs hypothèses : Premièrement pour les décideurs, l’EPS marocaine à l’étiquète d’une matière scientifique. Deuxième hypothèse, l’EPS est une matière au service des matières scientifiques, c’est-à-dire que l’EPS est considérée comme un moment de récréation et de détente pour les élèves avant ou près les leçons scientifiques. Enfin l’EPS est catégorisée d’une manière aléatoire dans cette division,…
Cependant, dans l’esprit des décideurs (politiques, économiques et éducatifs) l’EPS entant que matière d’enseignement n’a de raison d’être que par le sport qu’elle enseigne. Cette représentation fait que le sport scolaire (ASS=UNSS) a dominé la matière (EPS). Cette dernière est devenue marginale et sans grande importance aux yeux des élèves, d’administration, des parents d’élèves et les agents du système éducatif. Ce qui nous conduit à dire d’un côté, que l’EPS marocaine possède une multitude de représentation et vit une crise d’identité et de l’autre côté, les enseignants d’EPS se trouvent perdus et déboussolés.
En ce qui concerne les horaires,
Pour le primaire : l’EPS est enseignée une séance à deux par semaine (de 45 minutes), mais reste facultative et utopique pour plusieurs raisons et contraintes.
Concernant le sport scolaire et par le biais de L’Association sportive scolaire, l’ASS (l’UNSS) est une occasion pour les élèves de jouer des compétitions interclasses, pour préparer des équipes capables de représenter l’établissement à l’échelon local, régional et national. Cependant au primaire seulement une minorité d’établissement et d’élèves (élites) participent surtout au Cross country, à quelques épreuves athlétiques et aux éliminatoires de la coupe Danone des nations de Foot parrainé par la grande vedette du Foot Français : Zinedine Zidane.
Pour le collège (le cycle de l’enseignement secondaire collégial) l’EPS est dispensée deux séances d’une heure par semaine.
L’ASS deux fois par semaine, le mercredi et le vendredi après midi (6 heures).
Pour le lycée (le cycle de l’enseignement secondaire qualifiant) : idem que le collège, cependant L’ASS est diminuée à trois heures par semaine le vendredi après midi.
Il paraît que le temps imparti à l’EPS et à l’ASS est favorable à l’épanouissement de l’élève sur le plan physique et psychomoteur, mais la réalité du terrain est loin des aspirations attendues.
Concernant les instructions officielles
Je peux dire sur ce point que les instructions officielles qui ont régit l’EPS au Maroc ont connu des perpétuels changements. A partir de 1960, elles étaient soit importées et calquées, ou hâtives et précipitées, ou pour s’inscrire dans un mouvement général de rénovation du système éducatif marocain comme le cas actuel.
D’une manière chronologique, je pense que l’histoire de l’EPS marocaine a été marquée tout d’abord par les Instructions Officielles (I.O)de 1964 qui sont une copie conforme des I.O françaises de 1945. Puis par les I.O de 1971 qui sont inspirée du courant de J.TISSIE et sa méthode sportive de 1966. Vient ensuite les IO de 1977 et 1982, la circulaire n°111 de 1987, les orientations pédagogiques de 1991, les orientations éducatives de 2000. La Charte d’Education sur la formation élaborée par la Commission Spéciale Education Formation (COSEF) en 2000, ayant pour but de promouvoir les activités sportives, l’éducation physique scolaire et universitaire et les activités parascolaire. Puis, le livre blanc en 2001, et en 2007 le programme d’enseignement et orientations éducatives, la lettre royale que SM le Roi Mohammed VI a adressé aux participants des « Assises nationales du Sport » qui se sont déroulées à Skhirat le 24 et le 25 octobre 2008. Enfin le programme d’urgence 2009/2012 (nous rentrerons plus dans le détail, dans la partie suivante).
Vous pouvez constater que l’EPS marocaine n’est pas influencée seulement par ses IO ses OP ou ses notes et circulaires mais aussi et surtout par les rénovations du système d’enseignement en général et du sport national en particulier.
Les Finalités de l’EPS Marocaine
Parler des finalités de l’EPS c’est répondre à la question : A quoi sert l’E.P.S?
Les finalités de l’EPS ont connu une évolution et mutation d’une période à l’autre en fonction des conjonctures économiques, politiques et sociales nationale et internationale.
L’EPS depuis les années 60 jusqu’au début des années 70
A cette époque les finalités se manifestent par des buts tels que « acquérir et entretenir une bonne santé » et « favoriser la croissance tout en recherchant les bonnes attitudes » (I.O 64) « l’acquisition des valeurs morales telle que la volonté, la discipline, l’altruisme, l’esprit d’équipe et l’honnêteté ». Ces buts sont réalisés par trois méthodes (gymnastique fonctionnelle, gymnastique construite, et éducation sportive).
l’E.P, continuera à progresser pour passer d’une matière qui privilégie « la culture du corps » en 1964 à une discipline en 1971 qui prend en compte « les progrès accomplis tant dans le domaine sportif que dans celui des moyens pédagogiques » et « la Maîtrise des déplacements, du corps, des engins, de l’opposition ».
Les I.O de 1971, ont fixé des finalités éducatives à atteindre par les moyens : maîtrise du milieu par les sports individuels (athlétisme, natation) et la confrontation avec les obstacles naturels. La maîtrise du corps par les sports gymniques, gestes sportifs et exercices construits de maintien et le rapport avec autrui par les sports collectifs et les jeux.
Le contenu transmis par les I.O de 1964 et 1971 nous permet de dire que l’E.P était au service de l’hygiène et du bien être physique et moral, et que ces préoccupations éducatives étaient centrées sur le redressement, le développement et la maîtrise du corps. Avec des finalités principalement médico-morales.
Depuis la fin des années 70 jusqu’à la fin des années 80
Les finalités de L’E.P vont s’inscrire dans des enjeux modernes et des préoccupations éducatives de nature sportive.
En effet, du point de vue enjeux éducatifs, l’E.P.S a adopté le sport d’une manière définitive et exclusive à travers les I.O de 1977, où nous trouvons que “l’éducation sportive constituera le support de l’action pédagogique”. La même position a été prolongée par les I.O de 1982 qui stipulent que « le programme général du travail doit s’appuyer sur une pédagogie fonctionnelle dont l’éducation sportive constitue le principal support ».
Les finalités des I.O 1977 et 1982 sont similaires puisqu’ils sont formulés sous forme de : « formation intégrante de l’être en tant qu’individu sain et productif, individu agissant sur l’environnement et individu au sein de la société. »
Dans ce sens les I.O de 1977 et 1982 avaient essayé de proposer des moyens pédagogiques pour enseigner le sport, à travers des progressions pédagogiques dans le cahier vert de 1977, par le biais des situations pédagogiques dans les I.O de 1982, et la formulation technique et éducative des objectifs (I.O 1977 et 1982).
l’EPS a tracé depuis 1982 l’objectif « permettre l’ouverture sur le monde entier afin de consolider la fraternité et la solidarité entre les peuples par la participation aux manifestations sportives internationales ». Cet objectif, grande spécificité des I.O 1982, nous laisse penser que les décideurs de l’E.P.S à l’époque étaient conscients du rôle politique joué par le sport et son impact sur le développement des bonnes relations avec les autres pays.
les I.O de 1977 et 1982, qui visaient à former « un individu sain et productif » « un individu agissant dans l’environnement » et « un individu au sein de la société. »
Dans le même ordre d’idée, les I.O 1982 visent le développement de l’esprit de fraternité et de solidarité entre les peuples à travers les compétitions internationales du sport scolaire.
A partir des années 90 à nos jours,
Les finalités de l’E.P.S vont connaitre des réformes pour éviter la confusion de l’EPS avec ses moyens. Ainsi l’EPS a connu l’apparition des orientations pédagogiques de 1991, puis les orientations éducatives 2000 et le programme d’enseignement et orientations éducatives 2007. Les finalités stipulées par ces orientations ont donné plus de légitimité scolaire et sociale à l’E.P.S, par le changement des préoccupations éducatives qui consistent à préparer un individu épanoui, compétent et responsable.
D’ailleurs l’E.P.S à travers les O.P de 1991, vise « la valorisation de la personnalité de l’apprenant », « Démocratisation de l’enseignement de l’E.P.S sachant que sa pratique est un droit à tous les élèves, qu’ils soient doués ou non, ces derniers en ont plus besoins » et « la prise en considération du milieu environnant ou vit l’apprenant». Ces objectifs se spécifient plus sous forme d’objectifs psychomoteurs, cognitifs et socio affectifs.
Alors que les O.E de 2000, ont rendu l’élève acteur de ses apprentissages : « …élève épanoui, efficace, apte à assumer ses responsabilités et capable de s’intégrer dans la société. », « Accorder tout l’intérêt à l’épanouissement de la personnalité de l’apprenant. » « En tenant compte de ses besoins, ses aspirations, ses possibilités et ses capacités à partir de la réalité concrète de l’environnement où il vit. » « La relation pédagogique repose sur le contrat pédagogique. » « Formation des groupes en fonction du niveau des élèves. »
Donc, l’E.P.S visait l’éducation d’un futur citoyen adulte équilibré, positionné et stable. Ces qualités vont lui permettre de pouvoir s’ouvrir sur le monde par le sport tout en gardant ses spécificités corporelles traditionnelles.
Actuellement, et à partir du programme d’enseignement et les O.Ed 2007, il semble que l’E.P.S s’est engagée dans un processus de modernisation de ses finalités, ses méthodes, et ses moyens qui devrait la conduire à se définir comme une discipline d’enseignement à part entière reconnue utile dans et hors l’école.
Ces O. Ed 2007 inspirées de la charte de l’enseignement et du livre blanc sont devenus spécifiques à chaque cycle d’enseignement, pour répondre aux besoins et intérêt des élèves au collège et au lycée. Elles sont venues au sein des mutations sociales, économiques et des nouveautés éducatives lors de la moitié de la décennie de redressement du système éducatif à une période où l’enseignement est devenu une priorité nationale. C’est pour la première fois que ces orientations ont été accompagnées par un programme national d’enseignement d’EPS.
Les O. Ed 07 s’inscrivent dans le cadre de rénovation du système éducatif en général et le changement et le perfectionnement des méthodes et les stratégies d’enseignements de toutes les matières. Elles viennent avec une nouvelle approche d’enseignement, celle de l’approche par compétence et la pédagogie de l’intégration.
Donc, ces orientations suivent les mutations et les nouveautés éducatives et pédagogiques, elles visent la modernisation du domaine d’enseignement de l’EPS et l’amélioration de son rendement pour gagner les défis d’avenir, en mettant l’élève au centre d’intérêt en le considérant comme un élément actif et agissant dans l’acte d’enseignement apprentissage.
Les finalités stipulées donc, peuvent se résumer dans : L’incarnation de l’identité marocaine ancestrale et ses différentes ressources, l’ouverture sur les acquis et les réalisations de la civilisation humaine moderne, l’amélioration de l’amour de la nation, l’éducation à la citoyenneté et la démocratie, avoir l’esprit ouvert de dialogue, de tolérance et du respect de la différence, le développement du gout de l’esthétique et de l’artistique, le développement de la capacité à participer positivement dans la gestion de la chose locale et nationale…
A travers ces orientations, l’EPS est définit comme matière d’enseignement obligatoire et partie intégrante de l’éducation en général. Elle est une matière scolaire qui participe dans le développent des aptitudes de l’enseigné, et lui permet d’acquérir des habilités motrices et des savoirs spécifiques, lui permettant de s’occuper de sa santé et la qualité de la vie et le rendre capable de s’adapter aux différentes contextes le long de sa vie.
Dans la même perspective, les objectifs de l’EPS sont définit à travers : l’acquisition des habilités et développement des qualités perceptivo-motrices fondamentales, l’acquisition des savoirs liés aux domaines de la santé et type de vie et d’écologie, l’acquisition des attitudes et comportements liés à l’éthique du sport et de la compétition noble et la capacité de ‘autonomie et la responsabilité.
Cependant, la réalité du terrain montre qu’il y’a un très grand gouffre entre le souhait et le possible, entre le vouloir et le pouvoir, entre la théorie et la pratique, entre l’officiel et l’officieux, entre l’institutionnel et le quotidien de l’EPS.
Au sujet de la formation des cadres d’EPS au Maroc
L’histoire de l’E.P.S marocaine, est une série des annales du système d’enseignement et ces reformes perpétuelles et également une image réduite de l’histoire de l’E.P.S française.
Influencés par ces deux paramètres, les cadres d’E.P.S marocaine (qui dépassent actuellement les 9.000) sont à la fois un maître, un instructeur, un moniteur, un suppléant, un instituteur, un enseignant, un agrégé, un inspecteur, un entraîneur, un éducateur, un dirigeant sportif, un arbitre,…Pourquoi cette multitude de taches ? Pourquoi et comment la formation des cadres a évolué ? Comment ces cadres ont-ils été formés ?
Nous pouvons avancez l’idée que la formation des cadres au Maroc était toujours dépendante de la formation et formateurs étrangers. D’ailleurs, même ci le principe de marocanisation des cadres est atteint au début des années 90. La majorité des enseignants d’EPS, agrégés, formateurs et inspecteurs, reste attaché à leur formation initiale sous l’égide des professeurs étrangers et surtout français. Ce qui confirme la dépendance presque totale au système de formation et d’enseignement français.
Dans cette otique, si nous nous referons à l’évolution chronologique de la formation des cadres, lors de la période de la colonisation française (officiellement à partir de 1912) nous allons constater qu’en :
1915 : sortie de la 1ère circulaire ministérielle d’éducation physique,
1918 : apparition de l’éducation physique dans les écoles des colons, enseignées à l’époque par des moniteurs et instituteurs militaires,
1919 : création du centre d’instruction physique à Rabat et qui forme des instituteurs et moniteurs en EP. Ce centre est une filiale de l’école de Joinville crée en 1852 en France. 1920 : la formation est à base militaire et sportive (jeux de ballons)
De 1929 à 1956 : adaptation de l’EP au milieu Indigène et démarquage de la gymnastique militaire.
A partir de là, nous pouvons dire que la genèse de l’EPS marocaine n’a d’autres ressources hégémonique que celle de la France. D’ailleurs, après l’indépendance en 1956, les bonnes relations entre le Maroc et la France ont persisté à travers une coopération générale qui a touché tous les secteurs, en l’occurrence le système éducatif y compris l’EPS.
Cette coopération a été manifestée par la présence des coopérants dans les centres de formation et dans les établissements scolaires dans presque toutes les grandes villes du Royaume.
Ainsi, durant la période des années 60 et 70 et en vue de poursuivre les principes de la généralisation de l’enseignement et de la marocanisation des cadres, les concepteurs de l’EP ont par obligation privilégié la quantité au détriment de la qualité
Plusieurs années après l’indépendance les professeurs sont exclusivement Français,
En 1962, Mr Bachri à la responsabilité de l’EPS au MEN,
Entre 1963 et 1970 : Mr Courne Loup (Inspecteur d’EPS) à lancé le projet de formation et préformation en EPS, par l’ouverture de l’ENS d’EPS à Casablanca.
En 1964 : Création de l’ERI d’EPS à Casablanca qui recrute les niveaux de la 4ème, 5ème et 6 ème année secondaire et subissaient une formation de 3 ou 6 ou 9 mois pour enseigner au secondaire.
En 1970 : l’ENS est transformé en CPR d’EPS à Ain Sbâa à Casablanca, géré par des encadreurs français
De 1974 à 1984 : création du Cycle spécial avec une durée d’étude d’une année.
Le long de cette période, la formation des cadres d’EPS était motivée par les principes de la généralisation de l’enseignement et de la marocanisation des cadres et avait par conséquence, un seul souci c’est de combler au plus vite le vide et le besoin en postes ; Ce qui explique les recrutements continuels des instituteurs suppléants, sans formation ou avec le niveau de 4ème année secondaire, et une formation en cocotte-minute (une à deux semaine), surtout en 1964, 65, 66, 67 et 1972 pour remplacer les partants à l’UFRSTAPS en France.
Cependant, en 1979, nous avons enregistré la naissance d’un projet de réorganisation de l’EPS, élaboré par une commission nationale, sous les directives royales, recommandant l’obligation de tracer une stratégie pertinente et ciblée pour développer et renforcer l’EPS scolaire et universitaire, à travers entre autres, l’amélioration de la qualité de la formation des cadres.
Ce qui peut expliquer l’ouverture de plusieurs centres de formation, a fin d’améliorer la quantité et la qualité de l’enseignement de l’EPS. Le centre pédagogique régionale (CPR) à Casa : de 1970 à 1984, le centre pédagogique régionale (CPR) à Fes : de 1978 à 1991, le centre pédagogique régionale (CPR) à Taza : de 1981 à nos jours avec d’autres modalités de recrutement (sa mission principale c’est de lutter contre le chômage des étudiants en biologie) ; le centre pédagogique régionale (CPR) à Rabat : de 1980 fermé en 1988 et le centre pédagogique régionale (CPR) à Marrakech fermé en 1988
Au niveau des contenus de formation, le programme est passé de l’anatomie, physiologie, méthodologie, techniques sportives, des années 70 vers un programme plus riche en y ajoutant la biomécanique, la psychopédagogie, la psychologie humaine et la pédagogie spéciale lors des années 80. Dans la même perspective, 1985 a connu l’ouverture de l’école normale supérieur (l’ENS) à Taza et à Fès pour absorber les deuguistes et les licenciés en biologie qui risquent de chômer après la fin des études universitaires. En 1986 : ouverture du centre de formation des inspecteurs. Et en 1989 : ouverture de l’ENS à Casa sous 2 formule : bac plus 4ans, ou sortant su CPR plus 2ans.
Actuellement, la formation des cadres prétend répondre à la qualité plus que la quantité, dans ce sens: 1990 a connu le démarrage du cycle d’agrégation à l’ENS d’EPS de Casa avec un stage de formation en France ; Le CPR de Taza continu a recruté les deugistes en biologie et uniquement avec des mentions. L’ENS de Casa continu de recruter des bacheliers avec plus de 13 en moyenne de réussite au bac.
Grâce à cette mosaïque des modalités de recrutement, de formation et de provenance, puisque plusieurs cadres sont allés chercher leurs diplômes à l’étranger et surtout en France, en Belgique et au Canada, l’EPS marocaine se veut à la fois multiple et unique, à la fois confuse et clair, à la fois moderne et traditionnel, à la fois Française et Marocaine.
En France, la question de la mixité et de la place des filles en EPS est souvent posée. Qu’en est-il au Maroc, où la place des femmes a énormément évolué en peu de temps ?
Contrairement à la France où les établissements scolaires (ZEP) accueillent des élèves de nationalités différentes, donc des cultures, des valeurs et des croyances différentes, voir même opposées, Au Maroc, ce problème ne se pose pas, car dans les établissements publics, il n’ya que la nationalité marocaine. Ce qui nous laisse dire que la mixité est un obstacle surmontable et ne biaise pas les leçons d’EPS. D’autant que le statut social de la fille a évolué grâce à plusieurs paramètres nationaux et internationaux, en l’occurrence l’école qui est mixte et à qui à une grande responsabilité dans l’acquisition de nouveaux rapports et valeurs concernant la femme.
Dans ce sens, l’E.P.S en tant que matière scolaire a pu contribuer à la redéfinition des rapports féminins/masculins à travers la mixité dans les leçons d’E.P.S.
Cependant, malgré, la volonté de l’E.P.S de valoriser la fille marocaine, cette discipline n’échappe pas aux tabous liés au corps féminin, car elle est représentée comme un moment et un lieu de transgression du corps féminin social.
De ce fait, la mixité en E.P.S est en fonction du milieu (urbain/rural) des APS (de contact/ non contact) est un phénomène qui limite la participation de la fille surtout l’adolescente. Cette discipline est conçue comme un moment et un lieu de d’exhibition du corps, d’échanges de signaux, de communication corporelle, de contact direct et sans limite entre la fille et le garçon. Cette transgression est due à la nature des A.P.S qui permettent d’une part, un certain contact corporel entre les garçons et les filles (sport collectif de contact) et les A.P.S qui donnent l’occasion à la fille de s’exprimer avec son corps, sous le regard admiratif du garçon comme la gymnastique.
Malgré cela, l’enseignant d’EPS est obligé de trouver les solutions pédagogiques qui incitent les filles à exercer en mixité. D’ailleurs, le travail par niveau d’habileté avec une pédagogie différenciée met obligatoirement les élèves en mixité, et on constat souvent qu’ils travaillent en une parfaite harmonie et coopération. Il faut seulement qu’un climat de confiance et de respect mutuel reine dans la classe.
Je dois avouer aussi que même si la classe d’EPS est souvent constituée par quelques filles voilées, ces dernières ne sont pas très réticentes ni contre l’EPS, elles s’engagent à fond et exercent leurs motricités convenablement et ne sont pas contre la mixité. Cela peut être expliqué par la contrainte de la notation à la fin du cycle, ou parce que la majorité des filles voilée le font par obligation (parentale, sociale ou économique). D’ailleurs à part des cas isolés, même les filles voilées par conviction ne présentent pas des obstacles au bon déroulement de la leçon d’EPS, seulement, il faut que la relation pédagogique entre l’enseignant et les filles voilées soit positive et constructive. Également, et en l’absence de la natation dans les établissements scolaires, la gymnastique et la seule APS qui pose un problème (à cause du regard, critique, moqueries,…) alors que dans les sports collectifs ce sont les filles qui demandent de jouer avec et contre les garçons et non pas le contraire.
Nous venons d’évoquer les problématiques liées à la question de la mixité ou plutôt la place des filles en EPS, évidemment ce n’est pas le seul problème. En France par exemple, la question du handicap est de plus en plus présente, celle de la notation également. Qu’en est-il au Maroc et y a-t-il d’autres débats qui sont d’actualités ?
Le système éducatif marocain n’échappe pas aux sujets et débats d’actualité que ce soit au niveau local, Africain, Arabe ou International. Les conjonctures liés à ces contextes génèrent et nous exportent continuellement des sujets et préoccupations que les décideurs de la chose éducative prennent au sérieux et mettent au centre d’intérêt du mouvement éducatif. Dans ce sens, le MEN ménage tous les efforts pour le financement et le lancement des projets de réflexions, des formations, des séminaires et rarement par des recherches et études sur le terrain, afin de trouver des solutions adaptées au contexte éducatif marocain.
Parmi les sujets d’actualité dans le secteur d’enseignement nous trouvons : l’approche par compétence, la violence dans les établissements scolaires, l’échec et la déperdition scolaire, la citoyenneté,…
L’EPS en tant que matière d’enseignement est concernée par ces débats en communs avec les autres matières mais, à cause de sa spécificité psychomotrice, elle traite d’autres sujets et préoccupations particulières, en l’occurrence, les dispenses, le programme d’enseignement par l’approche par compétence, la pédagogie de l’intégration, les personnes handicapées (asthmatiques, diabètes…)
Vu l’importance de ces sujets, l’espace et le temps qu’ils demandent pour les traiter je vais me concentrer sur le problème des personnes ou élèves à besoins spécifiques (handicapées) que je juge plus bénéfique.
Personnellement et dans le secteur d’enseignement, je préfère utiliser le terme personnes à besoin spécifique (plus éducatif) que d’employer le terme handicapé (anti pédagogique et ségrégationniste).
En effet, la volonté institutionnelle de prendre en considération les élèves handicapées (non doués) était claire en EPS depuis le début des années 90 à travers les 0P 1991. Elle continue à prendre d’importance par des notes ministérielles. Cette philosophie est devenue à nos jours une priorité politique, sociale et éducative, d’une part grâce à la volonté de la famille royale qui milite pour valoriser ces citoyens et d’autre part, grâce aux ONG spécialisées dans le domaine, qui donnent une éducation spécifique et adaptée aux personnes à besoin spécifiques.
D’ailleurs, lors du premier discours adressé par Sa Majesté le Roi Mohammed VI à la Nation le 30 juillet 1999, à l’occasion de la fête du trône il active le rôle de la Fondation Mohammed V pour la Solidarité, qui voue son action aux affaires des pauvres, des nécessiteux et des handicapés. Ensuite, il lance l’initiative nationale de développement humain (l’INDH) en faveur des pauvres, la femme et les handicapés,…Et en 2008 il adresse un message aux participants aux Assises nationales du Sport, où SM le Roi Mohammed VI et avait montré l’intérêt qu’il porte aux personnes handicapées en stipulant que : « La pratique sportive devient, de nos jours, un des droits fondamentaux de l’Homme. Il est donc nécessaire d’en élargir l’accès aux hommes et aux femmes de toutes les franges de la société sans distinction aucune, aux régions et zones défavorisées et aux personnes à besoins spécifiques… » Et c’est dans ce cadre que le Maroc dispose de plusieurs organismes et association qui veillent sur l’intégration positive des personnes à besoin spécifiques et la promotion des activités physiques et sportives adaptées à leurs besoins. Dans ce sens la Fédération Royale Marocaine des Sports pour Personnes Handicapées (la Princesse Lalla Amina, présidente de Special Olympics Maroc,) est un exemple modèle en faveur de cette population Marocaine et qui vise entre autres à introduire les activités physiques Adaptées en milieu scolaire et universitaire et d’eliminer le dispense de pratique sportive des Handicapés en séance d’éducation physique et sportive. Aussi, la nouvelle loi 30.09 relative l’éducation physique et aux sports affirme en préambule que « … Le sport … constitue à ce titre un levier de développement humain et d’épanouissement de toute personne, notamment des personnes handicapées, un élément important de l’éducation et de la culture et un facteur fondamental de santé publique. »
Cependant en EPS, même si les personnes à besoin spécifiques sont valorisées du point de vue humain par les enseignants d’EPS, ils restent sur le plan pédagogique et didactique des cas marginalisés et mal intégrés aux leçons d’EPS. Cette situation négative en faveur de ces élèves spécifiques peut être expliquée par : La défaillance de la formation initiales qui a engendré l’incompétence des enseignants à proposer des contenus d’enseignement adaptés (asthmatiques, diabétiques, obeses et handicapés moteurs,…) et aussi par manque d’initiative et de volonté, par peur d’accidents, par contrainte matérielle et temporelle, etc.
Au cours de cet entretien, on voit que le rapport avec le « sport » est très important ! Pourtant, il reste ambiguë, ou particulier ? Peut on y voir une similitude avec la problématique « française » liée à la question de l’identité de la discipline ?
Puisque le sport Français est en majorité un sport professionnel, bien structuré au niveau fédéral, régional et local. En parallèle l’EPS et l’UNSS sont largement meilleurs du point de vue organisation, formation, conceptions, installations et ressources,… je ne pense pas qu’il y a une ressemblance avec le contexte marocain.
De la sorte, au Maroc malgré la séparation au niveau de l’organigramme du ministère entre l’E.P.S et l’ASS qui se confond avec le sport civil nous pouvons affirmer qu’il y a une sorte d’absorption de l’E.P.S par le sport scolaire d’où cet amalgame entre les deux secteurs qui sont différent mais complémentaires dans les rôles, finalités et missions.
Ainsi, la confusion de l’E.P.S avec le sport est à double tranchant, d’une part, elle lui assure sa légitimité politique, sociale et l’attention particulière accordée par les pouvoirs publics, et d’autre part, elle lui attire souvent des problèmes de rendement externe en l’accusant à chaque fois que le sport civil connait la crise de résultat.
En effet, le déclin du sport national qui a été concrétisé par la mauvaise prestation de la délégation marocaine aux jeux olympique de Pékin et La prestation déshonorante de l’équipe nationale de football, qui n’a pas pu se qualifié au championnat d’Afrique des nations et à la coupe du Monde 2010, en plus de la chute de tous les autres sport en surtout de l’athlétisme et du tennis a poussé S.M le Roi à intervenir directement pour tracer un plan stratégique de redressement du sport et à subventionner le sport de haut niveau et à nommer des nouveaux dirigeants capables de redémarrer le sport national.
Donc, suite aux hautes directives plusieurs séminaires, études, recherches, mesures et suggestions sont proposées pour relancer le sport, et il s’avère que l’EPS est accusée comme secteur qui a participé au déclin du sport marocain. D’ailleurs, le long de l’histoire à chaque fois que le sport national connait l’échec dans les compétitions de haut niveau (1979 et 1994, 2004, 2008, 2009) l’EPS et le sport scolaire sont accusés.
Finalement la reconnaissance de la discipline d’E.P.S au sein de l’école n’a de sens pour les acteurs politiques que par sa contribution à l’alimentation du sport national.
La confusion s’accentue aussi, par le fait que le sport scolaire fait partie des quatre secteurs formels du sport au Maroc et les professeurs d’E.P.S ont une double identité : Enseignant (leçons d’EPS) et entraîneur (séances d’ASS). L’A.S.S dans certaines régions (rurales) a même le statut de club. Egalement, la direction de la promotion du sport scolaire et de l’organisation des compétitions sportives scolaires a pour missions de: Promouvoir et organiser les activités sportives en milieu scolaire public et privé; représenter le Ministère au sein de la fédération royale marocaine du sport scolaire; assurer l’élaboration et le suivi d’une banque de données des athlètes scolaires; assurer les relations avec les différentes organisations sportives nationales, internationales et notamment le comité national olympique marocain et les fédérations marocaines de sport en concertation avec les autorités gouvernementales concernées; assurer la formation continue du personnel d’encadrement des athlètes scolaires.
L’identité sportive collée à l’EPS se justifie également par une convention de partenariat et de coopération entre Le ministère de la Jeunesse et des Sports, le ministère de l’Education nationale, de l’Enseignement supérieur, de la Formation des cadres et de la Recherche scientifique et la Fédération royale marocaine d’athlétisme (FRMA), d’une part, et la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF), de l’autre. Cette convention, signée par Nawal El Moutawakil, l’ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, Latifa El Abida, secrétaire d’Etat chargée de l’Enseignement scolaire, Abdeslam Ahizoun, président de la FRMA, et Lamine Diack, président de l’IAAF, a pour objectif de promouvoir et de développer l’athlétisme dans le milieu scolaire, en tant que discipline fondamentale du programme de l’éducation physique et sportive. Les parties signataires de cette convention s’engagent ainsi à renforcer la formation de l’encadrement technique et pédagogique, l’amélioration progressive des conditions de la pratique de l’athlétisme en milieu scolaire et la mise en œuvre du projet pilote initié par le ministère de l’Education nationale dans les écoles primaires. En vertu de cet accord, le ministère de l’Education nationale s’engage à réaliser un projet pilote au niveau de l’Académie régionale de l’éducation et de la formation du Grand Casablanca et à développer des activités athlétiques dans onze établissements d’éducation et d’enseignement primaires publics relevant de cette Académie.
Cette convention, comme l’a signalé Mme Al Abida, Secrétaire d’Etat à l’enseignement, donnera un nouvel élan au développement du sport national, en particulier l’athlétisme qui constitue une fierté pour le Maroc sur la scène internationale, soulignant que l’importance accordée à l’activité sportive dans le milieu scolaire est dictée par sa contribution notamment à l’insertion sociale. Dans ce cadre, a-t-elle ajouté, le ministère de l’Education nationale a élaboré un plan stratégique visant le développement du sport scolaire, notamment dans les établissements primaires (6.900 écoles), précisant qu’un projet expérimental a été également élaboré en concertation avec l’Académie régionale du Grand Casablanca, qui sera généralisé prochainement à l’ensemble des Académies du Royaume.
Dans cette perspective, parmi les neuf conventions de partenariat, qui ont été signées, devant SM le Roi Mohammed VI, à l’occasion de la mise en place du programme d’urgence pour la réforme du système de l’éducation et de la formation 2009-2012, celle concernant le partenariat avec le ministère de la Jeunesse et des Sports émerge du lot. Elle vise à promouvoir le sport scolaire et l’éducation physique, à travers la promotion du sport dans les établissements scolaires et l’utilisation des capacités communes, humaines, matérielles et organisationnelles, dans le but d’élargir la base de la pratique sportive, sur les plans : local, régional et national.
Cette convention, qui fixe le cadre général de la coopération entre les deux départements, s’inscrit dans la vision dynamique de redonner au sport la place qui lui revient de droit et reflète la mobilisation de l’ensemble, des autorités et des acteurs, pour contribuer, au côté du ministère, à la réhabilitation de l’école publique, levier essentiel pour la réussite du projet de développement, démocratique et moderniste du Maroc.
Encore, parmi les axes stratégiques préconisés lors des travaux de l’assise nationale sur le sport en 2008, il y a l’axe numéro cinq : Instituer des synergies entre le MJS et le MEN. Il recommande de refondre les programmes d’éducation physique dans les établissements scolaires, de mettre en place les cursus sportifs et scolaires adaptés aux talents, de définir les passerelles avec les filières scolaires classiques ou professionnalisantes, d’identification d’établissements aptes à dispenser ces formations ; de renforcer les programmes de compétitions scolaires régionales, nationales et internationales, de mettre en place des partenariats entre MEN et MJS pour l’utilisation croisée d’infrastructures sportives, de signature d’un accord cadre entre le MEN et le MJS, de signature des partenariats entre les délégués des deux entités, de renforcer la participation des professeurs d’EPS au sein du mouvement sportif, de définition des modalités d’intervention des professeurs et de lancement d’une campagne de sensibilisation au sein du corps professoral.
Il s’agit là d’une première réponse apportée à notre lamentable participation aux Jeux Olympiques de Pékin, faisant de l’EPS et du sport solaire la clef de voûte de passage vers l’excellence.
Aujourd’hui et avec le recul, comment jugez-vous l’éducation physique qui est faite actuellement au Maroc ? Et en lien avec ma première question, sur le rôle de l’histoire pour savoir « d’où on vient et où on va » j’aurais envie également de vous demander comment vous voyez l’EPS de demain au Maroc.
Actuellement, le système d’enseignement public marocain (l’EPS incluse) est qualifié de déficient et stérile. Il vit une décadence et un recul sans précédent. Il produit de plus en plus de jeunes incompétents, mal formés, mal adaptés aux nouvelles technologies, perdus et sans identité claire. Le système éducatif est en déphasage avec ses finalités et missions, par manque de formation chez les enseignants, par manque de motivation et de conscience professionnelle et par manque de citoyenneté de la part de tous les agents du système.
Face à la surcharge des classes (une moyenne de 40 élèves par classe), il y a manque de moyens logistiques, didactiques et pédagogiques, d’où, la majorité des enseignants bricolent, font de la surveillance au lieu de l’apprentissage, poussent les élèves aux heures supplémentaires payantes. Par conséquence, la violence, la tricherie, l’indifférence, l’échec scolaire et l’abandon de l’école sont qualificatifs habituels de l’établissement scolaire public. Cette réalité décevante et alarmante pousse la majorité des parents à opter par obligation au recours soit aux heures supplémentaires, soit à l’enseignement privé, malgré les prix flambants qui ne sont pas à la portée de tous les ménages.
Il est temps, donc, de tirer le signal d’alarme pour sauvegarder notre école publique, victime d’un système éducatif faible et stérile. Le problème de l’enseignement public doit être traité d’une façon globale et interministérielle, ce secteur nous concerne tous et c’est à chacun d’entre nous de réfléchir et de se concentrer un peu dans l’affaire pour trouver les meilleures solutions qui sauveront notre avenir du sinistre qui le menace.
En effet, le MEN n’est pas resté les bras croisés, il a fait recours à plusieurs reformes qui n’ont pas donné satisfaction car l’école, le collège, le lycée et l’université baignent toujours dans la crise. Malgré le lancement depuis le début de cette décennie par La commission spéciale de l’éducation et de la formation (COSEF) d’une charte d’enseignement, elle n’a pas pu secourir l’école de ses maux. Cette réalité est confirmée par l’organisation « onusienne » qui cite le Maroc parmi les pays les plus faibles.
L’EPS en tant que matière d’enseignement n’échappe pas à cette crise puisqu’elle fait partie d’un corps malade, handicapé et retardé.
Même si, L’E.P.S institutionnelle (OP 2007 et notes ministérielle) est devenue au service de la société avec des préoccupations éducatives qui consistent à former des élèves compétents, épanouis et responsables, en prétendant éduquer des futurs citoyens adultes équilibrés, positionnés et stables, la réalité quotidienne du terrain fait preuve du grand décalage entre le souhaitable et le réalisable.
Impulsé par une volonté politique de réforme du système éducatif, à travers la charte d’enseignement et un plan d’urgence, l’EPS d’aujourd’hui est régie par les OP 2007, qui sont venue dans le cadre de révision et réformes du système d’éducation et de formsation. Ces orientations sont représentées comme un référentiel de base sur le plan national, permettant la conception et la mise en œuvre des nouvelles pédagogies et démarches didactiques. Ces contenus et formes pédagogiques tirent ressources des recommandations établies lors des différents forums et séminaires liés au redressement du système d’enseignement, durant la décennie (2000-2010). Elles viennent dans la perspective de rénovation et de modernisation du champ éducatif, afin d’améliorer le rendement du système et de gagner les défis d’avenir. Ces orientations mettent l’élève au centre d’intérêt, en tant qu’agent actif dans l’action d’enseignement, d’apprentissage, et disposant d’aptitudes et de qualités qu’il faut prendre en considération.
L’EPS actuelle est une matière d’enseignement obligatoire, elle fait partie intégrante du système éducatif, elle participe par le biais des activités physiques et sportives dans le développement des compétences de l’enseigné et lui faire acquérir des habilitées et des savoirs spécifiques lui permettant de s’habituer à conserver sa santé et s’intéresser la qualité de sa vie.
La spécificité de l’EPS actuelle est l’enseignement par l’approche par compétence. Cette approche poursuit essentiellement trois objectifs principaux : mettre l’accent sur ce que l’élève doit maîtriser, donner du sens aux apprentissages et certifier les acquis de l’élève.
Du point de vue méthodologique, l’EPS à l’école est structurée par un projet d’établissement, un enseignement par modules, un cycle d’apprentissage (constitué de 10 à 12 séances) et former par des séances d’évaluation diagnostique, leçons d’apprentissage avec évaluation formative, des leçons d’apprentissage chapeautées par des objectifs terminaux d’intégration, des objectif terminaux du cycle, des objectifs séquentiels, objectif de leçon et séance d’évaluation sommative… Une armada d’étapes et de concept qui ont rendu la tâche de l’enseignant plus flou, plus complexe et non fonctionnelle.
Pourtant, en manque d’une formation initiale et continue poussée, je suis certain que cette reforme restera dans les armoires et l’enseignant sera toujours centré sur les savoirs plutôt que sur l’élève, même si dans les travaux destinés à cette approche, il paraît, qu’elle est basée sur le principe de l’intégration des acquis, notamment à travers l’exploitation régulière de situations d’intégration et l’apprentissage à résoudre des tâches complexes.
Grosso modo, l’EPS qui fait partie d’un système éducatif en crise, n’échappe pas aux lacunes et contraintes et dysfonctionnement du système du point de vue du recrutement et de la formation des cadres, de la formation continue, du déficit en terrains, en installations et matériel sportif que ce soit aux zones urbaines que rurales, souvent, la pratique de l’EPS est interrompue en raison des aléas climatiques. Le surnombre et la surcharge des classes, induit un temps plus faible d’engagement moteur des élèves à cause de la diminution du nombre de répétition, ainsi, l’enseignant « animateur » à plus le souci de contrôler et gérer les conflits que d’enseigner. Les horaires impartis à l’enseignement de l’E.P.S, ne sont pas bien investis et sont insuffisants, puisque le professeur arrive à peine durant un cycle de 6 ou 12 séances à familiariser ou initier les élèves « éternel débutant » à certains sports.
En ASS (UNSS), le sport scolaire n’est plus rentable, il est devenu folklorique, caduc et bricolé, malgré les milliards de dirhams dont dispose la Fédération Royale Marocaine du Sport Scolaire. L’organisation des compétitions « festivités » scolaires sert plus pour justifier les dépenses abusives de l’argent que pour détecter, sélectionner et orienter les jeunes talents.
Dans les établissements, le sport scolaire souffre entre autres, des problèmes internes de l’organisation et la programmation des cours des matières intellectuelles durant les après-midi réservés au sport scolaire ce qui empêche le recrutement des élèves talentueux, la majorité des classes ne bénéficient pas de ces heures car certains directeurs de lycée programment des cours académiques pour leurs élèves pendant cet après-midi et des enseignants, par manque de motivation ou de contrôle pédagogique de la part de l’inspecteur, considèrent ces heures d’A.S.S, comme des heures facultatives.
Dans le primaire, malgré l’existence de 3 fascicules de l’E.P.S et l’instauration de séances de deux fois 45 minutes d’E.P.S hebdomadaire, les objectifs ne peuvent être atteints du fait que les instituteurs ne sont pas bien préparés et formés pour enseigner cette discipline. Ils n’ont pas les compétences pour détecter les talents. Les professeurs du collège et ceux du lycée présentent une grande hétérogénéité en matière de formation et souvent ils ne maîtrisent pas une spécialité. Ils sont souvent en retard sur l’évolution des techniques et du règlement de quelques disciplines, de ce fait le problème de l’arbitrage surgit souvent lors des rencontres sportives scolaires.
Dans l’enseignement supérieur à l’exception d’une programmation annuelle, des rencontres sportives il n’existe pas de programme précis et judicieux.
Finalement, la réalité du terrain montre que l’EPS comme les autres matières accuse plusieurs problèmes structuraux et fonctionnels, elle ne répond que partiellement aux attentes des décideurs et aux mutations que vit le royaume sur le plan : social, économique et politique. Cette situation reste toujours d’actualité, malgré les réformes « précipitées » par le MEN pour mettre à niveau l’enseignement de l’EPS et l’ASS.
L’EPS de demain…
Je ne suis pas très optimiste sur l’avenir proche de l’EPS marocaine, à cause des dysfonctionnements déjà cités, dont elle souffre. L’EPS qui fait partie d’un système d’enseignement en crise (selon un rapport de la Banque mondiale, sur 14 pays, le Maroc réussit à occuper le 11ème rang, dans la région MENA (Afrique du Nord et Moyen Orient et 126ème sur 177 pays), ce qui montre que c’est un système ancien, mal géré, mal orienté et contrôlé, donc notre matière ne peut pas faire l’exception.
En partant de l’idée que l’enseignement est une question d’avenir et de devenir, les reformes d’avenir doivent viser, une école conforme aux aspirations de tous les marocains. Une école au sein de laquelle l’E.P.S, sera capable de prendre place et aura un rôle social, économique et politique à jouer.
Ainsi, en réaction précipitée, et pour préparer la jeunesse aux défis économiques et technologiques du 3ème millénaire et pallier les problèmes dont le système souffre, le gouvernement marocain a fait de l’enseignement une urgence nationale lors de cette décennie. Par conséquence le MEN a procédé par des reformes du système en rénovant les programmes, la formation des cadres, les orientations pédagogiques, l’évaluation et notation,…
L’E.P.S pour sa part, devra réagir pour préciser et affirmer sa place au sein du système, en impliquant sérieusement tous les acteurs dans les reformes, en partant des attentes des élèves avant tous, puis de l’enseignant qui exerce dans le terrain, et enfin le concepteur qui exerce dans le bureau, bref en inversant les rôles dans la prise de décision.
Elle devra redéfinir ses finalités, ses moyens, ses enjeux spécifiques, ses contenus qui doivent être adaptés aux besoins et intérêts des jeunes marocains.
l’E.P.S de demain doit déterminer des programmes des différents niveaux d’enseignement, une augmentation des horaires d’E.P.S dans chaque niveau, la formation d’instituteurs spécialisés en E.P.S primaire, le recyclage permanent des professeurs d’E.P.S. Elle doit viser l’implication de l’élève dans le choix des APS, dans processus d’enseignement en le rendant acteur de ses apprentissages en se basant concrètement sur les pédagogies recommandées « pédagogie de l’intégration, pédagogie différenciée, pédagogie du contrat ». A travers ces outils d’interaction, il y a une participation continuelle de l’élève qui en collabore avec l’enseignant dans l’élaboration et la construction de ses apprentissages. De ce fait, l’unité pédagogique d’un même établissement doit sérieusement concevoir et mettre en œuvre le projet pédagogique de l’EPS, et le projet d’ASS.
L’E.P.S de demain, doit faire l’objet du même intérêt accordé aux autres disciplines d’enseignement et à ce titre, ses horaires doivent être fixés avec soin, la détermination des objectifs et l’élaboration des programmes tiendront compte de l’âge de l’apprenant et à son développement physiologique, psychologique et cognitif, ainsi qu’aux spécificités régionales, socioculturelles, écologiques et climatiques, les objectifs seront focalisés sur l’acquisition et le développement des habiletés perceptives et motrices de base, des connaissances et des savoirs relatifs à la santé, à la qualité de la vie et à l’écologie des attitudes et des comportements, conformément à la déontologie du sport, préparant à la compétition loyalement dans le sens de l’autonomie et de la responsabilité. Les méthodes d’enseignement et les activités d’apprentissages privilégieront les jeux traditionnels, les activités d’expression corporelles, les activités athlétiques, les jeux collectifs et les activités de plein air, en fonction des spécificités locales. Les professeurs d’E.P.S sont tenus d’accorder un intérêt particulier à la détection et à l’encouragement des élèves doués de talents exceptionnels et à les orienter vers l’excellence dans la compétition sportive. Créer des cellules de recherche pour effectuer des recherches théoriques, techniques et professionnelles, la production d’outils et de critères d’évaluation des capacités sportives des jeunes, la production de supports didactiques utilisables par les enseignants et les entraîneurs, la résolution des problèmes liés à la pratique de l’E.P.S.
Finalement l’EPS de demain doit s’engager dans un processus irréversible qui devrait la conduire à se définir comme une discipline d’enseignement à part entière dotée d’objectifs et de contenus originaux lui permettant d’être intégrée, reconnue utile et ré-investissable. Son identité scolaire semble passer par la construction d’un corpus de connaissances, de savoirs et d’outils méthodologiques permettant aux élèves de s’intégrer dans la société et de gérer leur vie physique ultérieurement.
Les perspectives du sport scolaire peuvent s’ordonner d’un côté, dans la ré-instauration de l’A.S.S de masse dans le lycée, la décentralisation de l’A.S.S de masse par rapport à l’A.S.S d’élite pour recevoir le maximum d’enseignants pour son encadrement, une augmentation du taux des participants par l’élargissement des choix d’activités en se démarquant des activités classiques, une meilleure exploitation des installations sportives et un meilleur rendement du personnel, une meilleure adaptation des activités de l’A.S.S aux réalités et aux spécificités locales, une initiation des élèves à la vie associative, une liaison entre les cours d’E.P.S et les séances d’A.S.S, une participation des élèves comme joueurs mais aussi leur investissement est très souhaitable dans les tâches d’organisation, de managérat et d’arbitrage. L’A.S.S d’élite pourra réfléchir à une révision du planning des championnats de manière à ce que cette activité ne mobilise pas tous les enseignants, ces derniers peuvent se préoccuper de l’A.S.S de masse, la participation efficace des commissions techniques spécialisées au niveau de chaque délégation, qui seront chargées de la planification, de l’organisation et de la supervision de l’élite sportive scolaire, l’opérationnalisation des stages de formation et de formation continue des encadreurs dans chaque discipline, la mise en œuvre des sélections de chaque délégation pour permettre la libération d’un maximum d’enseignants pour l’encadrement de l’A.S.S de masse, l’élaboration des partenariats avec les clubs proches et la commune pour l’exploitation des terrains, la création des centres d’entraînement, d’écoles de sport, des clubs sportifs scolaires, fonctionnant le soir dans un cadre associatif à l’instar des clubs civils, libérer les élèves le mercredi et le vendredi après-midi, multiplier les collèges d’athlètes, les sections sports études, la préformation, impliquer plus les parents dans l’A.S.S, la formation des élèves à l’arbitrage dans toutes les disciplines afin de gérer d’une manière autonome les rencontres sportives, la spécialisation réelle de chaque enseignant dans une ou deux disciplines sportives, la révision des programmes des centres de formation, la programmation de stages pédagogiques d’A.S.S pour les élèves-professeurs le vendredi après-midi, la médiatisation du sport scolaire, la participation régulière avec le maximum de disciplines aux différentes manifestations scolaires et universitaires (maghrébines, arabes, et internationales).
Toutefois, l’avenir de l’E.P.S est déterminé par l’élaboration d’une stratégie multidimensionnelle. Cette dernière, consiste à impliquer les différents acteurs (enseignants, agrégés, inspecteurs, formateurs, administrateurs et parents) dans l’élaboration des O.P et des programmes et guides de l’enseignement relatifs à l’E.P.S.
Ces propositions ne sont nullement des recettes magiques à appliquer à la lettre pour surmonter les handicaps de l’EPS et du sport scolaire. Mais elles représentent des pistes de réflexions, pouvant mettre notre discipline et principalement le sport scolaire sur la bonne voie afin qu’il s’acquitte de sa mission principale qui est d’alimenter le sport civil par des jeunes talent capables d’intégrer les différentes sélections nationales et dans un futur proche permettre à notre pays de concurrencer les grandes nations sportives et voire même de les dépasser.
Pour conclure…
Je vous remercie de m’avoir donné l’occasion à travers votre site, de partager ma vison sur l’EPS marocaine. Je profite de l’occasion, pour exprimer gratitude à mes collègues formateurs, concepteurs et agents de l’EPS français que j’ai côtoyés de près et qui ont marqué ma vie professionnelle, entre autres, M. Volondat, A. Hebrard, G. Klein, J. Fernandez, A. Billat, M. Pradet, J.L.Morier, et tous les enseignants du lycée Belle vue à Toulouse.
J’espère être à la hauteur des aspirations des lecteurs et je souhaite à travers mes réponses pouvoir donner une idée sur l’histoire de l’EPS au Maroc, son présent et son avenir probable. Je pense qu’à travers cet entretien, nos chers lecteurs peuvent faire une étude comparative entre l’EPS marocaine et Française, ils peuvent nous aider à diagnostiquer nos lacunes et nous proposer des solutions palpables pour y remédier. Sans doute et malgré les différences de contextes, ils s’apercevront qu’il y a une similitude historique entre l’EPS marocaine et française, une similitude conceptuelle et théorique et une similitude fonctionnelle et pratique. Bref, l’EPS au Maroc est une image en miniature de celle en France.
J’espère une longue vie à votre site et qu’il restera toujours comme une bouffé d’air pour les acteurs et professionnels de l’éducation physique et sportive et contribuera continuellement à alimenter le champ éducatif par des débats éducatifs intéressants et enrichissants.