Spécialiste internationalement reconnu de la violence scolaire, Eric Debarbieux revient sur le meurtre commis au Kremlin-Bicêtre. Pour lui il faut investir dans les humains, plus que dans le matériel.
Observe-t-on une croissance des meurtres dans les établissements scolaires ? Cette forme de violence est-elle en expansion ?
Non, absolument pas. Ces faits restent exceptionnels et il faut les traiter comme des faits exceptionnels. Ce n’est pas respecter les victimes que les banaliser. Ce n’est pas vrai en France. Ce n’est pas plus vrai aux Etats-Unis où les meurtres sont en diminution. On est passé d’environ 90 par an au début des années 1990 à 20 par an. C’est 20 de trop.
Le gouvernement a lancé une campagne de « sécurisation » des établissements scolaires et on reparle de mettre en place des portiques de sécurité. Cette mesure est-elle efficace ? Est-ce la bonne politique ?
Malheureusement non. Parce que seulement 2,5% des événements graves viennent de l’extérieur de l’établissement. La violence scolaire en fait c’est une petite violence sans arme, généralement élève contre élève, parfois contre un enseignant. C’est pas du tout les invasions dont on nous parle. Il ne fait évidemment pas laisser les écoles ouvertes à tous vents. Mais le portique n’est pas la solution du problème.
Alors c’est quoi la solution ?
Il faut considérer la violence non pas comme constituée de faits divers mais comme une violence au quotidien, répétitive, usante, où l’on voit la même personne se faire harceler tous les jours. On sait que le taux de victimation est directement lié au climat scolaire. Il ne faut donc pas attaquer la violence en tant que telle mais travailler le climat scolaire. On réglera ainsi 90% des problèmes. On ne pourra pas régler tous les problèmes, notamment ceux qui relèvent de cas pathologiques.
Ce qui peut aider un établissement c’est d’abord du personnel car la vidéosurveillance par exemple ne sert que si quelqu’un regarde. Mais le principal problème de personnel que l’on a dans les établissements c’est son instabilité du personnel. On envoie souvent dans les établissements difficiles des enseignants qui sortent d’IUFM, qui sont sans formation sur ces questions et qui ne s’attardent pas. Enfin, une politique de lutte contre la violence ne sera efficace qu’en fonction de la façon dont le personnel va s’en emparer. Pour cela il faut former les personnels. C’est une condition nécessaire à tout progrès, et trop négligée pour qu’une solution puisse être appliquée.
Eric Debarbieux
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