La circulaire sur la mise en place des masters met-elle un terme au conflit sur la formation des enseignants ? Directeur-adjoint d’IUFM, Jean-Louis Auduc commente pour le Café la réforme depuis ses débuts. Pour lui ce dernier texte est ambigu, contradictoire et installe de flagrantes inégalités entre les candidats. Il met en péril la formation professionnelle au profit du bachotage disciplinaire. Un texte à remettre sur le métier ?
La circulaire « pour la mise en place de diplômes nationaux de master ouverts aux étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement », rejetée massivement par le vote du CNESER du 21 décembre 2009 a néanmoins été adressée le 23 décembre 2008 à tous les recteurs, à tous les présidents d’université et directeurs d’écoles normales supérieures.
Cette circulaire est marquée par beaucoup d’ambiguïtés, de contradictions, et conduit inévitablement à des conflits et des dangers pour la construction d’une formation initiale de qualité pour les futurs enseignants.
Un texte ambigu
Les ambiguïtés apparaissent dès la lettre d’accompagnement du directeur général pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle ( DGESIP), Patrick Hetzel.
En effet, on peut y lire le paragraphe suivant :
« A compter de la session 2011, les étudiants devront justifier de l’obtention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent par le ministère de l’éducation nationale, pour pouvoir être recrutés à titre définitif à l’issue des nouveaux concours de recrutement. »
Si le ministère avait voulu indiquer qu’il était nécessaire de posséder un master (ou son équivalence) pour devenir professeur-stagiaire, il aurait fallu parler de la nécessité de posséder un master (ou son équivalence) pour valider la réussite au concours…. En effet, le « recrutement à titre définitif » des enseignants se situe conformément aux décrets du 28 juillet 2009 à l’issue de l’année de stage, avec la titularisation par un jury défini par l’employeur. La formulation employée ici peut vouloir dire que les reçus aux concours pourront pendant leur année de stage « rattraper » certaines parties du master qu’ils n’auraient pas obtenu avant (par exemple, le mémoire, certains modules, voire le stage !) avant d’être recrutés « à titre définitif » par le jury de titularisation.
Une autre ambiguïté du texte réside dans la multiplicité des tâches fixées l’étudiant pendant les deux années de « master ». Le master en deux ans devrait préparer aux épreuves écrites et orales des concours, donner des compétences professionnelles pour prendre une classe dès la rentrée suivante, rédiger un mémoire de recherche, développer leurs connaissances disciplinaires, suivre des stages sur le terrain, notamment en responsabilité, sans oublier « l’ouverture internationale ( maîtrise et certification d’une langue étrangère, notamment par le biais du CLES, dispositifs de mobilité incluant notamment la possibilité d’effectuer des stages à l’étranger…) indispensable à l’insertion dans l’espace européen de l’enseignement supérieur. » Il est pourtant connu que définir trop de tâches ne peut que conduire au fait qu’aucune ne sera véritablement remplie.
Vouloir toutes les mener relève de la quadrature du cercle et est bien loin de ce que doit être une véritable formation professionnelle initiale.
On en peut d’ailleurs qu’être interrogatif à l’absence quasi totale d’une référence aux conditions de préparation des épreuves écrites des concours. Alors qu’aujourd’hui, la préparation aux épreuves écrites du concours occupe tant pour le concours de professeur des écoles que pour les concours du second degré, autour de 400 heures, rien ne figure dans la circulaire de cadrage concernant cette préparation qui concerne pourtant la partie la plus sélective des concours.
Est-ce que cela indique que la préparation aux épreuves écrites ne doit pas faire partie des obligations concernant le contenu des masters ouverts aux étudiants se destinant aux métiers de l’enseignement alors que ces épreuves ont été annoncées en début de M2 lors de la présentation de « réforme de la formation des enseignants » par les deux ministres concernés (septembre pour les Professeurs des écoles, décembre pour les concours du second degré…) ?
Veut-on laisser à des officines privées qui fonctionneraient pendant les vacances d’été la préparation à ces épreuves écrites ?
Ne pas évoquer le temps qui doit être consacré à la préparation des épreuves écrites d’admissibilité qui éliminent – faut-il le rappeler – la majorité des candidats aux concours de recrutement d’enseignants enlève de la crédibilité à cette circulaire, comme d’ailleurs les seules phrases où figurent les termes « épreuves écrites d’admissibilité » : « Quant aux périodes séparant les épreuves écrites d’admissibilité des résultats, elles pourront être mises à profit pour compléter la formation aux méthodologies de la recherche, favoriser l’ouverture internationale, etc. » ( pendant le mois des septembre, entre décembre et janvier… Tout cela est très crédible !)
De nombreuses contradictions
Les contradictions dans la circulaire abondent concernant, par exemple, le mémoire de recherche. Qu’on en juge par ces extraits :
« Offrir à chaque étudiant une initiation à la recherche qui devra se traduire par la réalisation d’un travail de recherche individuel et collectif. »
« Pour les étudiants ayant effectué un stage en responsabilité, une attention particulière sera portée au mémoire professionnel, travail personnel qui pourra être produit par l’étudiant, en vue de la validation du diplôme national de master. »
« La production d’une recherche, sous forme de soutenance d’un mémoire par exemple, peut intervenir indifféremment au terme du 2e, du 3e ou du 4e semestre… »
A travers, ces formulations, il est clair qu’il paraît difficile à un étudiant de comprendre à quel moment et sur quoi (le stage ou autre chose ?) devra porter le mémoire et comment il s’articule avec le master et la préparation aux épreuves du concours !
Cette circulaire ouvre enfin des zones de conflits sans fin entre la préparation des épreuves écrites et orales des concours et la préparation des contenus du master.
La circulaire parle de la dernière « séquence » qui « sera l’occasion pour les étudiants déclarés admissibles, de se préparer aux épreuves d’admission ». Le terme « séquence », alors que le reste du texte parle en semestres implique la prise en compte par le ministère du fait que pour les professeurs des écoles cette séquence s’étalera d’octobre à mai/juin, alors que pour les professeurs du second degré, elle ne durera que de janvier à mai/juin.
Indiquer, notamment pour les admissibles des concours du second degré, qu’ils pourront dans le court laps de temps imparti « se préparer aux épreuves d’admission, grâce à des enseignements spécifiques et aux stages en responsabilité, parallèlement aux épreuves et travaux permettant l’obtention du master. », c’est les placer devant un choix impossible qui ne peut qu’entraîner des conflits et des différenciations entre les universités.
Des candidats inégaux
Ces conflits ne peuvent en effet que déboucher sur des différences de traitement des étudiants suivant le lieu où ils se trouveront.
C’est alors que l’on veut développer l’éthique et la responsabilisation des enseignants, commencer par leur montrer que suivant le lieu du territoire où l’on se trouvera les conditions pour réussir l’entrée dans le métier enseignant seront très diverses.
Dans un certain nombre de cas, ils serviront de cobayes à tel ou tel dosage dont on ne sera que plus tard s’il est pertinent pour la réussite aux concours et pour l’exercice au profit de la réussite des élèves du métier enseignant.
Ici, l’on choisira de développer la connaissance de l’enfant et de l’adolescent et la didactique des disciplines pour des étudiants placés en situation très difficiles et délicates lors des épreuves écrites et orales du concours. Là, on mettra l’accent sur le disciplinaire et la préparation du concours au risque de placer les reçus en situation très difficiles et délicates lors de leur année de stage.
Pour lier les deux, il faudrait que les épreuves du concours ne soient pas exclusivement tournées vers l’amont, c’est-à-dire, ce qui a été vu à l’université, mais soit tournées vers l’aval, c’est-à-dire vers les postures professionnelles indispensables à l’exercice du métier choisi.
Quelle connaissance du métier ?
Refuser d’écrire que le stage en responsabilité est obligatoire pour les admissibles, c’est le mettre en concurrence avec « les épreuves et travaux permettant l’obtention du master », c’est avoir des épreuves du concours éloignées de la réalité de l’exercice du métier enseignant. C’est rendre possible la réussite au concours et l’obtention d’un master sans avoir eu l’occasion de travailler sur l’exercice réel du métier enseignant.
Dans le climat actuel concernant la culture du résultat, il est prévisible que c’est à l’aune du pourcentage de reçus aux concours que seront évaluées les universités. Force sera de constater que si les épreuves d’admission, notamment des CAPES, n’obligent pas à un stage en responsabilité évalué, bon nombre de parcours universitaires très vite seront organisés pour « bachoter » les épreuves orales et développer une recherche disciplinaire, ce que savent bien faire actuellement les UFR des universités.
On sera très loin de la professionnalisation indispensable du métier enseignant !
La circulaire demande en conclusion que les établissements d’enseignement supérieur transmettent leurs projets de formation « dès le début de l’année 2010 », cela alors même que ne sont pas encore connus les contenus des diverses épreuves des concours de recrutement enseignant… Quel sérieux !!!
Enfin, le texte est muet sur ce qu’il adviendrait aux étudiants qui, dans le cadre défini par la circulaire, échoueront aux épreuves d’admissibilité ou d’admission du concours. Quelles seront leurs possibilités de redoubler, de repréparer les épreuves écrites ?
Il y a des précisions qui doivent rapidement être apportées à des étudiants inquiets pour leur avenir.
Comme devrait rapidement être clarifié ce que signifie « session 2011 ». S’agit-il de la date des épreuves terminales des concours ? Donc mai/juin 2011. Dans ce cas, il est nécessaire de vite annoncer que des épreuves écrites auront lieu en septembre 2010 pour le professorat des écoles et en décembre 2010, pour les concours du second degré. S’agit-il de la date des épreuves écrites des concours ? Donc, septembre 2011 et décembre 2011. Dans ce cas, l’année 2011 serait une année « blanche »… Une économie budgétaire supplémentaire due à la mastérisation, mais qui n’entraînera pas un meilleur taux d’encadrement des élèves ……
J.-L. Auduc dans le Café :
La pédagogie délégitimée
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Lire les articles de JL Auduc dans le dossier Réforme de la formation des enseignants
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S.O.S. Garçons !
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