Par Blandine Raoul-Réa, illustrations Fred Yvetot
Quelques jours après la ferneture du Salon de la littérature et de la presse jeunesse de Montreuil, Le Café dans sa version « CDI Documentation » s’arrête sur la lecture… Lecture d’adolescents, lectures à partager, lecture et école, lecture pour soi…
Lire en 3ème
« C’est intéressant, ça me fait découvrir les livres du CDI que je ne lisais pas beaucoup avant . J’ai adoré Maïthé Coiffure et Simple. ».
Voilà un exemple de ce peuvent dire des élèves de deux classes de troisième engagés dans un Parcours lecture fédéré par Mme Montarnal (professeur de Lettes) et Mme Perrin-Durand (professeur documentaliste). C’est un vaste projet que ce travail en collaboration sur une liste de plus de cinquante titres de romans d’écrivains français ou étrangers. En avant la lecture ! Les deux professeurs ont bien voulu répondre à nos questions. Rendez-vous donc au Collège Denecourt (77).
Café Pédagogique : décrivez-nous rapidement le projet
Caroline Perrin-Durand : Nous avons constitué conjointement avec Mme Montarnal une liste abondante de romans. Le projet s’adresse à deux classes de troisième.
Hélène Montarnal : Chaque élève de 3e choisit librement sept livres de littérature de jeunesse, qu’il lit d’octobre à avril. La classe prépare ensuite en commun la réception de l’auteur, en réexploitant et transformant les lectures. Chaque élève doit lire au moins deux ouvrages de l’auteur reçu. Nous allons recevoir Xavier Laurent Petit au collège en fin de parcours.
Café Pédagogique : qu’attendez-vous de la mise en oeuvre de ce projet ?
Caroline Perrin-Durand : Redonner aux élèves le goût de lire avant tout. Leur faire découvrir des auteurs qu’ils ne connaissent pas forcément. Arrêter la déperdition de lecteurs entre la 6e et la 3e (baisse des statistiques de prêts qui se retrouvent souvent au collège).
Hélène Montarnal : La mise en œuvre de ce projet conduit à réintroduire la notion de plaisir et de liberté de choix dans la lecture, qui ne fait pas l’objet de leçons de langue, d’orthographe, bref de français.
D’autre part, les lectures individuelles sont une occasion d’échange entre élèves, entre adultes lecteurs et élèves.
Enfin, ce projet veut montrer aux élèves que la littérature n’est pas un objet mort, mais continue d’être produite par des auteurs vivants pour des lecteurs libres de leur choix.
Café Pédagogique : Comment avez-vous procédé pour le choix de tous ces titres ? Quels ont été vos critères ? Avez-vous des coups de coeur dans cette liste de titres ?
Hélène Montarnal : Je consulte les conseils du magazine Je Bouquine, les conseils de littérature de jeunesse de Elle, Le Monde des Livres, le site internet de Gawou la Libraire, lors de mes déplacements, je me rends dans de grandes librairies comme Chantelivre à Paris, le Passage à Lyon, L’autre Rive à Nancy, Mollat à Bordeaux. Je vais fouiner et emprunte régulièrement à la Médiathèque de Melun. Je lis beaucoup et vite, me laissant guider par les éditeurs dont j’ai déjà apprécié l’ouvrage, ou l’auteur.
Lors du choix de la liste, nous nous mettons à la place du non-lecteur garçon, que l’analyse psychologique rebute, qui aime les rebondissements, le suspens et l’action. Nous échangeons nos avis de lectrices adultes et essayons de panacher les genres, la longueur et le poids des livres, le sexe des héros.
Mes deux récents coups de cœur sont La Voix du Couteau de Patrick Ness et Miss Charity de M-A Murail. J’aime l’énergie et l’ouverture des auteurs anglo-saxons en général.
Caroline Perrin-Durand : Les romans sont choisis au gré de mes lectures personnelles. Je ne propose sur la liste que ce que j’ai aimé, voire adoré. Je me fie aussi aux critiques de certains sites (Ricochet, Citrouille, mon libraire à Vaux-le-Pénil, Gawou la libraire…). J’ai aussi des auteurs fétiches, comme Chabas, Mourlevat, Murail… Mon coup de cœur sur la liste : « Je mourrai pas gibier » de Guillaume Guéraud, roman court mais fort sur le thème de l’intolérance.
Café Pédagogique : Comment s’est effectué le choix de l’auteur qui va venir rencontrer les élèves ? Qu’attendez-vous de cette rencontre ?
Caroline Perrin-Durand : Xavier-Laurent Petit est un auteur que nous aimons beaucoup. Nous l’avons contacté au mois de décembre 2008 pour lui présenter notre projet 2008-2009 avec pour auteur « vedette » Anne-Laure Bondoux. Il a été très enthousiaste. Il a été heureux « de se trouver [sur la liste] en compagnie de gens qu’[il] aime et dont [il] apprécie le travail » et a trouvé « que c’est une vraie bonne initiative que d’impliquer les parents dans le projet ».
La rencontre est le moment fort du projet. C’est l’aboutissement de toute une année de lecture. L’échange est très riche entre l’auteur et les élèves, qui découvrent le véritable travail de l’écrivain.
Cette rencontre, nous la préparons environ un mois avant. Les élèves préparent des surprises pour l’auteur. Ils réécrivent des passages de ses romans sous forme théâtrale et jouent ensuite ces saynètes. Ils rédigent un abécédaire à partir des mots-clés, des thèmes-phares des romans. ..
Hélène Montarnal : Le choix de l’auteur se fait un an à l’avance maintenant, car les auteurs que nous avons envie de rencontrer ont peu de disponibilités. Nous essayons d’alterner auteur homme ou femme, nous allons visiter leur site internet qui donne des indications sur leur caractère (nous avons renoncé une fois à cause de cela). Nous échangeons beaucoup avec Mme Perrin-Durand. Parfois nous lançons plusieurs invitations et un seul auteur est disponible…
Année après année, j’attends de moins en moins de la rencontre avec l’auteur, mais j’observe que les élèves sont très investis dans cet échange. Ils cherchent la cause de leurs émotions dans les réponses de l’auteur sur son travail et ses sources d’inspiration. Nous préparons la rencontre un mois à l’avance, notre travail à évolué pour se diversifier en fonction de l’œuvre abordée, du nombre d’élèves, du rythme de la journée. Les élèves reprennent leur lecture pour la transformer en pièce de théâtre, en musée imaginaire, en abécédaire de notions, objet d’illustrations…
Café Pédagogique : Comment inciter les élèves à choisir des romans et à s’y plonger ? Quelles sont vos exigences minimales ?
Hélène Montarnal : Nous lisons le maximum d’ouvrages sur la liste pour pouvoir en parler avec passion et conviction. Ils peuvent changer d’ouvrage si le premier ne leur convient pas. L’exigence minimale est qu’ils aillent au bout de leur lecture.
Ils sont évalués sur cette lecture régulièrement par écrit, le livre à côté d’eux consultable. L’évaluation porte sur un aspect de l’ouvrage : personnages, situation spatio-temporelle, liens entre la couverture et le sujet… L’orthographe n’est pas prise en compte et la compréhension aboutie de l’ouvrage est valorisée.
Caroline Perrin-Durand : Pour aider les élèves à choisir leurs romans, nous faisons au début une présentation de tous les livres devant la classe entière. Nous leur montrons les ouvrages pour qu’ils puissent voir les couvertures et le « poids » des livres. Ensuite, la liste, sur laquelle sont précisés le genre et les thèmes de chaque roman, est consultable sur le site internet du collège. Plusieurs exemplaires de cette liste sont disponibles au CDI. Enfin, les élèves reçoivent des conseils « personnalisés » lorsqu’ils viennent chercher leur ouvrage au CDI : « J’ai adoré celui-ci. Qu’est-ce que je peux prendre maintenant ?
Chaque contrôle a été élaboré de façon à s’adapter à n’importe quel livre. La correction des copies se fait conjointement.
Café Pédagogique : Observez-vos des modifications de comportements vis-à-vis de la lecture ?
Caroline Perrin-Durand : Les élèves empruntent bien sûr les ouvrages du parcours, mais pas uniquement. Ils discutent de leur lecture, échangent autour du livre, se conseillent. Ils font parfois des émules dans d’autres classes.
Hélène Montarnal : Les élèves se sentent plus libres d’exprimer un avis personnel passion ou dégoût.
Ils sont parfois surpris d’avoir lu un livre épais jusqu’au bout avec plaisir : « je ne lis pas souvent normalement mais maintenant je lis beaucoup plus depuis le début de l’année », « j’ai lu le Temps des Miracles en une soirée alors que je ne suis pas normalement une grande lectrice » « Je déteste lire mais pour le moment j’ai dévorée les livre » (sic) « des fois c’est pas ennuyant de lire » (resic).
Café Pédagogique : Ce projet crée-t-il quelque chose de particulier dans la classe ? Dans le CDI ? Dans l’établissement ? Les élèves discutent-ils de leurs lectures ? de leurs choix ?
Hélène Montarnal : .Il semble que les élèves soient fiers de recevoir un auteur vivant. Lors du mois de préparation ils laissent libre cours à leur fantaisie, à leurs talents personnels pour faire plaisir à l’auteur et à la classe devant laquelle ils se produisent, c’est souvent une très heureuse conclusion de l’année. A la fin de chaque évaluation et lors du cours de français, nous évoquons le Parcours, leurs coups de cœur et leurs déceptions mais il reste très difficile de les analyser. Un livre du même auteur sur le même thème recueille rarement les mêmes suffrages, souvent à cause d’une variation dans la narration, mais rien n’est sûr.
Caroline Perrin-Durand : Le projet n’a pas d’effet particulier sur le CDI, si ce n’est que les 3e viennent emprunter plus souvent. Par contre dans la classe, le projet participe à la cohésion des élèves.
Café Pédagogique : Mme Perrin : comment vous êtes-vous organisée pour donner accès à ces titres ? Y aura-t-il un transfert des lectures de la part des élèves de la classe vers l’ensemble des élèves ?
Caroline Perrin-Durand : Les élèves viennent emprunter les ouvrages au CDI. Bien sûr, on essaie de disposer de plusieurs exemplaires d’un même livre. Ces exemplaires sont achetés sur les crédits du CDI et sur la dotation du Conseil général de Seine-et-Marne dans le cadre des PPI (Projets pédagogiques innovants). Mme Montarnal, qui a des enfants de l’âge de nos élèves, fournit ses exemplaires personnels et la bibliothèque municipale nous prête également des livres pour l’année.
Aucun transfert des lectures n’est prévu vers l’ensemble des élèves du collège. C’est à envisager…
Café Pédagogique : quelques moments surprenants ? Mémorables ?…
Hélène Montarnal : Les auteurs évoquent souvent leur enfance de lecteurs et confient parfois des souvenirs intimes qui stupéfient les élèves (l’enfance malheureuse de Janine Teisson).
Un jour de réception d’auteur, l’Inspecteur de Lettres était présent avec la Principale et a posé des questions, a assisté à la représentation mais est parti avant le goûter final : rapport très positif cependant !
Les anciens élèves se souviennent du Parcours et continuent parfois à lire.
Un jour de réception, une scène tirée d’une autobiographie a fait pleurer l’auteur.
Caroline Perrin-Durand : Je me souviens d’une réflexion d’un élève de 5e, en 2007 : je partais chercher l’auteur Claire Mazard, à la gare de Bois-le-Roi. J’explique à l’élève la raison pour laquelle je m’absente et il s’étonne : « mais elle est vivante ? »
Bien sûr les meilleurs souvenirs sont des retours d’élèves, « petits lecteurs », qui tombent sur LE roman, celui qui fait le déclic… la révélation : la lecture peut être plaisir !
Mme Montarnal a fait écrire à quelques élèves « une phrase sur le Parcours Lecture ». Voici ce qu’en disent les élèves « non lecteurs ».
– « C’est intéressant, ça me fait découvrir les livres du CDI que je ne lisais pas beaucoup avant . J’ai adoré Maïthé Coiffure et Simple. »
– « Je trouve que le Parcours de Lecture fait découvrir de nouveaux livres. »
– « Je préfèrerais que cela n’existe pas, cela me prend du temps de lire ces livres ( je pourrais dire presque « vole ») car je ne lis pas vite »
– « Je pensse que le Parcourt Lecture est une bonne idée car il force à lire se qui amélior l’orthographe et tous les livres que j’ai lu était interesant. » (sic)
-« Je ne lis jamais d’habitude mais, les livres proposés sont vraiment bine. J’ai trouvé Be Safe vraiment bien. Car on est tout de suite dedans, et que l’histoire est très prenante.
– « Je suis très surpris de bien aimé lire les livres du parcour de lecture jusqu’à présent. » (sic)
– « Le Parcours de Lecture m’aide beaucoup, j’ai du lire plus de livre en quelques mois, que en 14 ans. »
A retrouver sur le site du Collège : la lettre aux parents
http://denecourt.free.fr/articles.php?lng=fr&pg=417
A retrouver sur le site du Collège : la liste des romans
http://denecourt.free.fr/file/cdi/liste2009.pdf
Quand le CDI incite à la lecture
Il imagine et met en place des dispositifs pédagogiques visant à développer chez les élèves, appétence, compétences et autonomie dans les pratiques de lecture personnelle en problématisant les offres de lecture ». « Il » c’est le professeur documentaliste. Savoirs CDI nous offre un beau dossier sur le rôle du documentaliste comme prescripteur de lecture. Il nous propose une animation Powerpoint en présentation d’une séquence d’initiation à la lecture.
Sur Savoirs CDI
Salon du livre et de la presse jeunesse
Le Salon de Montreuil a fermé ses portes pour un an. Avant de tout remballé il nous laisse le plaisir d’avoir remarqué quelques livres en leur attribuant des prix. le Baobab de l’album 2009 a été attribué à Annie du lac, de Kitty Crowther, Éditions Pastel. Un album qui évoque les peurs profondes. Un conte sensible.A découvrir aussi cet album qui fait la part belle à l’imaginaire et qui est supportée par une illustration graphique très particulière : L’Ébouriffée , de Hélène Vignal et Clémence Pollet, Le Rouergue qui a bénéficié du prix du premier album. Quant à la presse des jeunes, c’est par l’entrée de l’histoire qu’on regarde ce prix qui récompense le documentaire Missak, l’enfant de l’affiche rouge (Daeninckx et Corvaisier, Ed Rue du monde). Copenhague certes, mais le SLPJ inaugure un second nouveau prix littéraire au Salon : le prix Terre en vue (Conseil général de la Seine Saint Denis et Salon du livre de la presse jeunesse. Florence Thinard aux éditions Gallimard jeunesse se voit donc décerner ce prix pour Une seule Terre pour nourrir les hommes.
Le SLPJ sur facebook
http://www.facebook.com/group.php?v=wall&ref=mf&gid=190712161859
Le site du SLPJ
http://www.salon-livre-presse-jeunesse.net/K_01_act.php?num=180
Connaissez-vous l’histoire du premier Noël de Petit Renne ?
C’est une des histoires écrites en commun, par Internet, par des écoliers. En l’occurrence celle-ci a comme auteurs 4 élèves de trois écoles du Calvvados. (Feuguerolles, Vire et Tilly) Au total 9 écoles de cycle 2 et 21 de cycle 3 ont participé à la rédaction de ces histoires.
http://www.etab.ac-caen.fr/scribe-tice/
Les prix littéraires lycéens
A partir de l’exemple du prix littéraire lycéen de la ville de Caen, l’ouvrage montre comment mettre en place des pratiques culturelles en classe. Ainsi, à Caen, dans le cadre du prix littéraire, les lycéens ont pu découvrir ce que c’est que d’être un auteur.
Serge Lureau, Les prix littéraires lycéens : des bouillons de culture, 2009, Sceren, 180 pages.
Comment la littérature change l’homme
Qu’est-ce que la littérature sinon, pour paraphraser Baudelaire, le « meilleur témoignage que nous puissions donner de notre dignité »? On y trouve une exploration de quelques grands noms de la littérature mondiale : Dante, Tagore, Montaigne et Hesse.
Rûmi, Dante, Montaigne, Tagore, Hesse, Camus, Soljenitsyne, Leili Anvar, France Bhattacharya, Roger Dadoun, Claude Dagens, Jean-Charles Darmon, Jacqueline Risset, collection Journées de la solidarité humaine, L’Harmattan, 2009, 184 pages, 17 €