L’Expresso du 28 décembre 2009
Le « oui » circonspect d’Education & Devenir
L’association Education & Devenir accueille avec prudence la réforme du lycée. Elle appuie ses aspects intéressants mais estime qu’elle nécessite « une volonté politique forte et durable » pour réussir.
« Les objectifs initialement annoncés tels que le rééquilibrage des séries, une orientation accompagnée et choisie, l’autonomie des établissements passent désormais, au mieux, au second plan » estime Education & Devenir dans un communiqué du 22 décembre. « La série S reste privilégiée, les options de seconde ne diffèrent que marginalement de la situation actuelle ». Mais l’association relève également « quelques avancées ». « L’accompagnement répond aux besoins des élèves de découvrir d’autres méthodes de travail et d’apprentissage… Il induit une autre conception du métier d’enseignant dépassant la seule transmission. L’orientation pourrait être reconsidérée et devenir prioritaire. L’autonomie des établissements pourrait y trouver des moyens accrus de se développer ».
Mais pour cela, Education & Devenir exhorte à une action politique continue. « Le contexte politique et budgétaire (réduction de postes) entretient les plus grands doutes sur la possibilité de succès. Les menaces sur la formation et le recrutement des maîtres ne créent pas un contexte favorable à l’évolution du métier d’enseignant. Le développement de l’autonomie des établissements et du conseil pédagogique ne peut être abandonné à la seule bonne volonté des équipes motivées ».
L’Expresso du 14 décembre 2009
Le détail des votes et modifications du CSE
Comment ont voté les organisations de l’Ecole au CSE ? Quelles modifications ont été apportées aux projets de décrets et arrêtés sur le lycée ?
Le Conseil supérieur de l’éducation (CSE) a adopté le 10 décembre la réforme du lycée. Les votes se sont établis ainsi. Le décret sur l’organisation du lycée (décret EPLE) a été adopté par 32 voix pour et 26 contre (12 abstentions et refus de vote). Le décret sur l’orientation a été adopté par 35 vois pour , 20 contre (13 abstentions). L’arrêté sur les horaires de 2de a eu 32 voix pour, 19 contre. L’arrêté sur les horaires de terminale et première a eu 22 voix pour et 22 contre (13 abstentions et 7 refus de vote).
Parmi les modifications apportées aux textes originaux nous soulignons celles-ci. Dans le décret EPLE, l’article 4, sur la procédure du vote de la répartition de la dotation horaire en conseil d’administration (CA), renforce le rôle du CA. La nouvelle rédaction stipule que « dans l’hypothèse où la première proposition relative à l’emploi des dotations en heures est rejetée par le conseil d’administration, la commission permanente procède à une nouvelle instruction avant qu’une nouvelle proposition soit soumise au vote du conseil d’administration. Le second vote du conseil d’administration doit intervenir dans un délai de 10 jours suivant le premier vote. Dans le cas où le conseil d’administration rejette la seconde proposition relative à l’emploi des dotations en heures qui lui est soumise, le chef d’établissement en qualité de représentant de l’Etat en arrête l’emploi ». Par rapport à la rédaction originale le poids du CA et de la commission permanente sont affermis. Pour le conseil pédagogique, la nomination en revient toujours au chef d’établissement mais il doit consulter les équipes pédagogiques : les profs auront leur mot à dire. Les délégués lycéens au CVL seront élus au suffrage universel.
Dans le décret sur l’orientation, l’accompagnement individualisé a été modifié à la demande de la FCPE. La nouvelle rédaction précise que l’accompagnement personnalisé prend la forme « d’activités de soutien, d’approfondissement et d’aide à l’orientation et d’aide méthodologique dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de l’éducation nationale et, le cas échéant, du ministre chargé de l’agriculture. Il prend notamment la forme de travaux interdisciplinaires ». Sont ajoutés « l’aide méthodologique » et les travaux interdisciplinaires, ce qui ouvre la voie à des travaux de type TPE en 2de et terminale. Le décret fixe un délai d’un mois au chef d’établissement pour motiver sa décision concernant une réorientation d’un élève.
Par ailleurs le tutorat « est proposé à tous les élèves pour les aider à construire leur parcours de formation et d’orientation ». La rédaction initiale prévoyait seulement « les élèves qui le souhaitent peuvent bénéficier d’un dispositif de tutorat ».
Les arrêtés sur les horaires de seconde, première et terminale, consolident les heures globalisées. L’enveloppe horaire laissée à disposition des établissements pour assurer des enseignements en groupe à effectif réduit est « arrêté par les recteurs sur une base (…) par semaine et par division, ce volume pouvant être abondé en fonction des spécificités pédagogiques de l’établissement ». La rédaction initiale prévoyait « une base moyenne (…) pouvant être modulée… « . Concrètement cela oblige le chef d’établissement à donner à chaque division (classe) son volume horaire et le rectorat à donner les moyens aux établissements qui perdent des élèves.
Le CSE adopte les textes de la réforme du lycée
Rénover le lycée : Le discours programme de Philippe Meirieu
Candidat aux élections régionales en Rhône-Alpes, Philippe Meirieu signe avec Cécile Duflot et Marie-Christine Blandin une tribune qui sonne comme le programme éducatif d’Europe Ecologie et qui pourrait séduire les pédagogues.
« La société française a mal à son lycée et peur de ses lycéens » affirment les trois auteurs. Mal à un lycée « qui, loin de combler la fracture sociale, l’accroît… Elle maintient un baccalauréat final qui favorise le bachotage et où, contre tout bon sens et toute véritable exigence, un treize en mathématiques peut rattraper un sept en français… ou vice versa ! Elle propose la mise en place de deux heures d' »accompagnement » hebdomadaires sans toucher à l’organisation traditionnelle « une heure, une classe, un professeur, une discipline, une note »… Le pire est à craindre car cet « accompagnement individualisé » risque d’encourager un système de déversoirs successifs vers des soutiens-prothèses de toutes sortes ».
Cette pique envers la réforme Chatel les conduit à vouloir « changer de logiciel scolaire… Il faut être résolument ambitieux et, dans les perspectives ouvertes par Condorcet et Jean Zay, faire des lycées de véritables « maisons des savoirs, de la citoyenneté et de la formation tout au long de la vie ». Une collaboration étroite entre l’éducation nationale et les régions s’impose pour cela. Elles doivent travailler ensemble au décloisonnement entre la formation initiale et la formation continue, inventer des passerelles entre elles pour que nul ne soit jamais assigné à l’échec. Sans une articulation étroite entre ces deux dimensions gérées aujourd’hui de manière complètement étanche, l’orientation restera un système de tri plus ou moins sélectif et les élèves exclus continueront à se vivre comme des déchets ».
L’Expresso du 11 décembre 2009
Le CSE adopte les textes de la réforme du lycée
Le CSE a adopté les quatre textes ministériels avec des amendements acceptés par l’administration qui renforcent la dimension pédagogique de la réforme et confortent ses moyens.
« De véritables échanges ont eu lieu » nous confie Jean-Jacques Hazan, président de la FCPE à la sortie du CSE. « Il y a eu de vrais débats sur les textes présentés. On n’avait pas vu cela depuis longtemps » ajoute-il. En effet c’est un Conseil supérieur de l’éducation tout à fait exceptionnel qui s’est tenu jeudi 10 décembre. Il a duré longtemps (de 14h à 22h30). Le ministre y a participé en personne longuement. Mais la vraie exception c’est l’adoption des décrets et arrêtés avec par exemple 35 voix pour contre 28 pour un décret. Il faut remonter loin en arrière pour voir un projet ministériel adopté ainsi par les représentants de l’Ecole. Rappelons qu’en 2005 la loi Fillon avait obtenu 39 voix contre et 4 pour. En 2007 la réforme Robien sur le primaire comptait 41 contre et 6 pour. Une majorité s’est dégagée au CSE pour que la réforme se fasse.
Le CSE commence par un échange de déclarations qui aurait pu figer les positions. Luc CHatel présente sa réforme et pose ses engagements envers les lycéens et les enseignants. Pour les premiers, il fixe trois objectifs : « mieux orienter chaque lycéen pour en finir avec l’orientation couperet, avec le délit d’initié, avec une voie exclusive d’excellence. Mieux accompagner chaque lycéen pour éviter les décrochages, pour développer l’autonomie, pour permettre d’atteindre l’excellence. Mieux adapter le lycée à son époque pour que chaque lycéen maîtrise les langues étrangères, accède à la culture, se prépare aux responsabilités de l’âge adulte ». Pour cela il y a par exemple les heures d’accompagnement personnalisé. « Quand un élève se trouve en difficulté, l’accompagnement personnalisé lui permet de surmonter à temps les difficultés avant qu’elles ne se cristallisent, ne s’enracinent et ne conduisent à l’échec, aux sorties précoces, au décrochage. Dorénavant, l’école sera son propre recours ». Aux enseignants, il promet que, s’il a été conduit « à redéfinir les horaires par discipline,… il est clair que le temps d’enseignement n’est pas réduit. Il est simplement organisé différemment ». Il répond ainsi aux remarques des associations disciplinaires. Il fait de même à propos de l’autonomie. » Je suis, comme vous, très attaché au caractère national de l’éducation, avec des horaires, des programmes et des examens nationaux. Je ne vais pas créer le lycée à géométrie variable ou le lycée à territoire variable. Pas plus que le baccalauréat à géométrie variable. Mais il n’y a aucune contradiction entre le caractère national de l’éducation et une plus grande liberté d’initiative locale. En effet, c’est au plus près des élèves que se construisent les réponses pédagogiques adaptées à leurs besoins pour conduire chacun vers la réussite ».
G Aschiéri rappelle la demande de la FSU d’un report du texte et critique particulièrement l’autonomie accordée aux établissements. » Les dispositions que vous proposez accentuent l’autonomie des établissements et risquent ainsi de creuser encore les inégalités entre établissements et leur mise en concurrence, déjà à l’oeuvre avec la libéralisation de la carte scolaire. Elles renvoient à l’établissement la répartition suivant les disciplines des heures dévolues aux TP, TD et travaux en groupes avec un volume horaire ainsi géré localement qui représenterait près du tiers de l’horaire d’un élève de seconde ». Le Sgen Cfdt annonce « se saisir des leviers de changements positifs qui.. sont proposés, avec vigilance et dans un esprit revendicatif ». Le Sgen juge positifs l’accompagnement personnalisé et l’autonomie pédagogique. Le Se-Unsa estime que les mesures proposées « vont dans le bon sens. C’est pourquoi , malgré un contexte politique et budgétaire difficile, il fait le choix de soutenir la nouvelle architecture du lycée ».
Des avancées pédagogiques. Alors qu’on a vu ces derniers jours les associations disciplinaires mobiliser au profit de leur matière, les nouvelles grilles horaires ont été adoptées par le CSE. Mais un amendement précise que les heures globalisées (jusqu’à un tiers de l’horaire total) sont accordées « par division » et non de façon globale à l’établissement ce qui conforte leur utilisation. Leur gestion reste confiée au conseil pédagogique mais le contrôle du conseil d’administration est renforcé. Le chef d’établissement ne pourra pas imposer sa répartition en cas de désaccord avec le CA. Il devra proposer une autre répartition dans un délai court. L’accompagnement personnalisé est redéfini. Il « prend notamment la forme de travaux interdisciplinaires » , c’est-à-dire qu’il pourra prendre la forme de TPE.
De nouveaux droits lycéens. Plusieurs amendements renforcent les droits des lycéens. Le tutorat « sera proposé à tous les élèves ». Les lycéens souhaitant utiliser leur droit à la réorientation devront avoir reçu une proposition du chef d’établissement dans un délai d’un mois.
L’Expresso du 04 décembre 2009 : Editorial de F Jarraud
Choisir l’autonomie ou pas
La publication par le Snes, opposé à la réforme, des projets de décrets qui seront soumis au Conseil supérieur de l’éducation le 10 décembre a l’avantage de donner à chacun l’occasion de se faire une opinion éclairée. Deux types de textes encadrent la réforme : l’organisation générale de l’établissement et les horaires par cycle et filière.
L’organisation générale du lycée est modifiée par la définition précise du conseil pédagogique. Ses membres sont désignés par le chef d’établissement sur la base du volontariat. Il comprend un professeur principal de chaque niveau d’enseignement et un professeur par champ disciplinaire (éventuellement ces deux fonctions conjuguées en une seule personne), le CPE, le chef de travaux, sous la présidence du chef d’établissement. Le conseil est consulté sur « la coordination des enseignements (par exemple la répartition du volant d’heures de mi-groupe), l’organisation de l’accompagnement personnalisé, les modalités de changement d’orientation. Car celui-ci est l’autre innovation forte de la réforme : sur demande écrite des responsables légaux de l’élève, un changement d’orientation peut être accordé par le chef d’établissement après avis du conseil de classe. Elle peut être liée à une remise à niveau. Enfin les décrets reconnaissent un rôle au professeur principal dans l’organisation de l’accompagnement personnalisé.
Les horaires disciplinaires sont également connus. La répartition des pertes et profits reste délicate car il y a des rééquilibrages entre séries et niveaux. Enfin un volume important d’heures est globalisé : 10 heures 30 élèves en seconde, 6 à 10 heures en première et terminale. Globalement l’enveloppe horaire reste la même mais inclut deux heures d’accompagnement personnalisé et un volume à déterminer d’heures de TP « globalisées ».
Ainsi en seconde, les élèves gardent 23h30 de cours et 10h30 d’heures en groupe. Il n’y a pas de changement sensible sauf sur les enseignements d’exploration. Les jeunes auront le choix entre SES ou économie-gestion (un des deux devra être pris) (1h30), puis un autre enseignement : SES, éco-gestion, santé et social, biotechnologies, sciences et laboratoire, littérature et société, sciences de l’ingénieur, méthodes et pratiques scientifiques, création et innovation technologiques, arts, langues et cultures antiques (qui bénéficient d’un volume horaire important).
En première et terminale la spécialisation passe du faible au fort. Des options nouvelles apparaissent : littérature française et littérature étrangère en L, informatique et sciences du numérique en terminale S.
Qui y perd et qui y gagne ? L’histoire-géographie perd son enseignement obligatoire en terminale S (une option subsiste) ce qui fait grincer l’APHG mais l’enveloppe horaire a été augmentée en 1ère S de façon équivalente. Plus qu’une réduction horaire, c’est un éclatement que vivent les sciences économiques. La place de l’économie est renforcée mais pas forcément les SES et la sociologie est nettement mise à part en terminale. La baisse des horaires scientifiques en S, qui mobilise l’APBG, est réelle : 3,5 heures disparaissent en première. Mais c’est compensable par utilisation des heures de groupes globalisées qui sont plus importantes dans cette section.
C’est dire que l’opposition ou le soutien au projet de réforme se décide par rapport à deux questions plus profondes que des variations horaires inexistantes. La réforme considère que l’accompagnement personnalisé des élèves fait partie des missions des enseignants. Elle leur demande de développer leur professionnalité. Mais c’est surtout l’autonomie accordée aux établissements dans la gestion des moyens qui oppose partisans et adversaires. Elle permettra aux établissements de mieux adapter l’offre éducative aux besoins des élèves. Au risque de faire la différence.
L’Expresso du 07 décembre 2009
Editorial de F Jarraud : J’ai passé le week-end au lycée
Le lycée peut-il m’ignorer un week end ? Pas sûr ! Vous avez été nombreux à écrire au Café pour manifester vos inquiétudes ou votre révolte devant la réforme du lycée. Et la discussion a aussi eu lieu en interne, à l’intérieur de la petite équipe du Café particulièrement sur la question de l’autonomie.
« Que vont devenir les sciences expérimentales ? » demande un collègue de Bordeaux qui constate que la réforme « ne fait plus aucune référence au travail expérimental de TP ». Les craintes portent généralement sur les horaires. Il faut dire que les « heures globalisées », qui effectivement ne sont pas fléchées sur une discipline, sont souvent omises dans les tracts qui circulent. Le volume total horaire est à peu près équivalent à l’ancien volume mais avec un flou qui restera forcément puisque environ un tiers de l’horaire hebdomadaire sera attribué par l’établissement. « On va se battre entre disciplines » craignent des collègues qui observent la montée des lobbys disciplinaires.
C’est cette question de l’autonomie élargie des lycées qui a occupé l’équipe du Café. L’autonomie des établissements est déjà une vieille histoire avec la création des EPLE. La réforme lui donne plus d’importance puisque chaque établissement disposera à sa guise de 7 à 10 heures hebdomadaires à redistribuer aux disciplines. D’un côté les sceptiques. Que se passe-t-il quand on donne plus d’autonomie à des établissements qui n’en veulent pas ? On risque fort d’avoir un nouveau lycée qui développe tous les défauts de l’ancien. D’autant que la réforme reconnaît un rôle au conseil pédagogique, aux profs principaux et à la direction d’établissement dans la distribution des moyens mais ne donne aucune facilité matérielle aux deux premiers pour exister. Les profs principaux, dont on attend pourtant de plus en plus pour l’orientation comme pour la répartition des moyens, n’ont aucun moyen d’exercer ces tâches.
Inversement les optimistes regardent autour d’eux et observent des forces vives. « Pour ce qui est des jeunes collègues, je suis optimiste. Ils sont meilleurs sur le plan éthique, connaissances, perspectives ». Un autre témoigne des expérimentations en cours autour de lui : il y a déjà des établissements qui exploitent l’autonomie offerte par l’article 34. « Les marges d’autonomie de la réforme vont dans le bon sens. Il est temps de les assumer. Il y a des perspectives intéressantes dans les textes si l’on pense vraiment aux élèves ». A quelques jours du CSE du 10 décembre qui votera sur la réforme, cette réforme ressemble finalement aux précédentes : un art d’application.
Montée des pressions disciplinaires
Après l’UdPPC, l’APBG, l’Apses, voilà les historiens géographes au premier rang de la contestation anti-réforme. C’est d’abord un appel lancé par des historiens (Azéma, Kaspi, Rioux, Tulard, Stora, Winock etc.) avec A. Finkielkraut contre la suppression de l’histoire-géographie en terminale de la série S. « Au moment où le président de la République et son gouvernement jugent urgent de lancer un grand débat sur l’identité nationale qui doit mobiliser le pays, cette mesure va priver une partie de la jeunesse française des moyens de se faire de la question une opinion raisonnée grâce à une approche scientifique et critique, ouvrant ainsi la voie aux réactions épidermiques et aux jugements sommaires » écrivent-ils.
Cette action reçoit l’appui, curieux, du CVUH (une association qui combat les pressions politiques sur l’histoire) qui s’inquiète du contenu des futurs programmes. « Cette réforme, mal ficelée et vendue par une opération de marketing politique », écrit le CVUH, « ne tient pas compte du réel… En imposant à toutes les Terminales un programme allant de 1989 à nos jours (propositions ministérielles), on prononcerait tout simplement l’arrêt de mort de l’histoire-géographie, ainsi ravalée au mieux à l’étude du temps présent, au pire à un simple commentaire d’actualité. Ce projet masque à peine la volonté du gouvernement de transformer l’enseignement de l’histoire en didactique d’un passé le plus récent possible, afin d’ôter la distance nécessaire à toute réflexion sur l’organisation du savoir historique où temps et espace sont étroitement mêlés. D’où une hémorragie à craindre dans le supérieur en termes d’effectifs et de vocations ! »
Luc Chatel se défend en rappelant que la suppression horaire en terminale est compensée par l’augmentation des horaires en première S et l’ouverture de deux options en L et… en terminale S. L’Histoire-géo reste au bac S mais l’épreuve est avancée en première. « L’histoire-géo va garder la place éminente qui a toujours été la sienne » affirme-t-il. L’histoire-géographie était absente des programmes de terminale scientifique (série C) avant 1976. Elle est aujourd’hui absente dans plusieurs séries technologiques.
L’Expresso du 08 décembre 2009
L’histoire-géo monopolise le débat sur la réforme du lycée
Qu’est-ce qu’être français ? La réponse est simple : c’est être pour l’enseignement de l’histoire-géo en terminale S. Voilà la grande croisade qui réunit les Français. Du Front National au PCF, en passant par le PS, le Modem et des députés UMP, c’est à qui défend cet enseignement « pour transmettre les valeurs » (J Myard, Ump) ou « pour donner sens à la vie » (PRG). Comme en 14, cette Union Sacrée a sa traduction syndicale. Le Snes, FO, le SNCL, la CGT, le Snalc, Sud appellent à une journée de mobilisation le 10 décembre, jour de la réunion du CSE, contre la réforme du lycée.
Une voix s’élève pour dénoncer une « désinformation » ; celle du SE-Unsa, sous la plume de Claire Krepper. Elle estime que « l’histoire-géographie sort confortée du projet de réforme » compte tenu de la hausse de l’horaire en 1ère S et de la création d’une nouvelle option en terminale S.
Alors, si les horaires ne sont pas le problème c’est qu’il y a un autre enjeu. « La question sous-jacente, c’est celle de la place de la série S dans la formation » poursuit Claire Krepper. « Doit-elle rester la formation d’excellence polyvalente dont le programme de formation doit continuer à coloniser la totalité des formations du supérieur ? » interroge le Se-Unsa. « Ce qui se joue là, c’est la question de la formation des élites. Elites qui se projettent et défendent ce qu’elles jugent bon pour leurs enfants au détriment du bien commun et qui disposent des relais médiatiques pour le faire ». C’est peut-être pour cela que ceux-là même qui s’indignent de l’absence d’histoire-géo en terminale S n’ont jamais protesté contre son absence dans plusieurs séries technologiques.
L’Expresso du 09 décembre 2009
Parents et lycéens en soutien critique à la réforme du lycée
« Les lycéens ne sont pas intéressés par les débats purement disciplinaires ». Ces propos de l’UNL illustrent la position prise par les deux mouvements lycéens à un moment particulièrement critique pour la réforme de Luc Chatel.
Dans une déclaration commune, la Fcpe, l’UNL et la FIDL mettent en avant la dimension pédagogique. « Pour nous, la réforme doit être pédagogique » écrivent-ils. « En ce sens, l’instauration de deux heures d’accompagnement nous intéresse dans la mesure où elles ne se résument pas à de simples heures de soutien mais contiennent des accompagnements méthodologiques, de l’aide à la construction du projet d’orientation et des heures permettant des approches, projets et enseignements pluridisciplinaires type TPE… En outre, il reste indispensable d’affirmer que la pédagogie doit évoluer au lycée. Il ne doit pas être envisagé que les deux heures servent de « réparation » à la situation actuelle mais qu’elles soient bien une des manières de faire évoluer la pédagogie au lycée ».
A cette ambition, ils ajoutent d’autres vœux : associer les parents et les élèves à la réforme à travers le Conseil d’Administration des établissements, développer la démocratie lycéenne, une promesse d’ailleurs de R Descoings. « Vos réponses à nos demandes seront de nature à préciser nos positions » terminent-ils. Ce qui laisse dans l’immédiat de l’air à Luc CHatel. L’UNL a fait savoir qu’elle serait présente au rassemblement organisé le 10 décembre, jour du vote de la réforme au CSE, « afin de demander au ministre de revenir sur la politique de suppression de postes… ainsi que sur la réforme de la formation des enseignants ». L’UNL ne soutient pas les anti-réforme.
La Peep est également gagnée par l’esprit pédagogique de la réforme. L’association « condamne les coporatismes disciplinaires » et demande « une refonte totale du système d’évaluation des élèves basée sur les compétences acquises et non plus sur les résultats ».