Par Jacques Auxiette
Bouclier ou parachute ? Les deux sans doute. Les régions vont au-delà de leurs obligations pour assurer le droit à l’éducation. Président de la région Pays-de-la-Loire, Jacques Auxiette en donne un exemple concernant la formation professionnelle. Il montre ainsi les difficultés que créerait la réforme des collectivités territoriales qui sous prétexte d’économies déshabillerait aussi l’Ecole.
Pour les jeunes souhaitant suivre une formation professionnelle, la rentrée se déroule dans des conditions difficiles. En raison de la crise économique, ceux qui souhaitent signer un contrat d’apprentissage ont plus de mal à trouver un employeur prêt à les embaucher. La région des Pays-de-la-Loire va ainsi connaître cette année près de 2000 jeunes en moins en contrat d’apprentissage. Certains secteurs souffrent plus que d’autres tels que la mécanique, le travail des métaux ou la logistique, qui sont au cœur de l’économie ligérienne. En ce temps d’incertitude l’Education nationale et les lycées professionnels jouent légitimement le rôle d’une valeur refuge : le nombre d’inscriptions de jeunes dans les établissements est en augmentation. Cependant, là aussi, les incertitudes sont grandes quant à la capacité des entreprises à offrir aux lycéens professionnels autant de stages que l’an passé.
Toujours prompt à ajouter le brouillage des repères à la crise, le Gouvernement a choisi cette rentrée 2009 pour généraliser la réforme du bac professionnel en trois ans. Dans la région des Pays-de-la-Loire ce sont ainsi près de 120 formations au BEP qui disparaissent dans les CFA. Le résultat dans le secteur de l’apprentissage ne s’est pas fait attendre. Plus d’un tiers des nouveaux bacs professionnels envisagés n’ouvriront pas faute de jeunes et de contrats d’apprentissage : en ces temps difficiles, il était pourtant facile de prévoir que nombre d’entreprises hésiteraient à embaucher un jeune à former via un contrat de travail de trois ans au lieu de deux !
Malgré la hausse spectaculaire du chômage des moins de 26 ans, la défiscalisation des heures supplémentaires, qui ne peut qu’entraver l’accès à un premier emploi des jeunes ayant terminé leur scolarité, a été maintenue. La généralisation du bac pro en 3 ans est un autre exemple de cette « politique à l’envers » chère au Gouvernement. Cette mesure, décidée d’en haut, pour de seules raisons d’économie budgétaire et sans prendre le temps de l’expérimentation, ne peut qu’insécuriser un peu plus les jeunes et leurs familles et ébranler la cause de l’éducation.
Face à cette situation, les pouvoirs locaux réagissent avec pragmatisme. Ainsi dans la région des Pays-de-la-Loire, le Conseil régional et le Rectorat ont créé dès l’été une cellule de veille commune. Son objectif : faire en sorte que dans cette situation exceptionnelle de crise, aucun jeune souhaitant suivre une formation professionnelle ne se retrouve sans solution, faute d’employeur ou de place pour l’accueillir dans un établissement. Deux mesures ont été mises en œuvre : un partenariat CFA/lycée dans chaque bassin afin que les jeunes sans contrat d’apprentissage puissent trouver une place en lycée professionnel dans une formation équivalente ; deuxième mesure : la possibilité pour un petit nombre de jeunes de démarrer, en CFA, mais sous statut scolaire, une formation dès ors que celle-ci n’existe pas en lycée.
On le voit à travers cet exemple : la collectivité régionale est un échelon de décision de proximité et un vecteur d’innovation qui permet de trouver des réponses individuelles aux difficultés concrètes de nos concitoyens. Toute entière engagée dans la sécurisation des parcours des personnes et le renforcement des services publics elle fait plus que servir de rempart aux politiques à l’envers du Gouvernement. C’est pourquoi, en cette rentrée, le projet de réforme des collectivités territoriales qui veut briser la marge de manœuvre des Régions, et la suppression de la taxe professionnelle qui va rogner leurs ailes, ne doivent pas être considérés comme un simple débat entre spécialistes de la décentralisation ; il s’agit d’un enjeu républicain dont l’issue aura des répercussions sur la vie quotidienne de chacun et l’avenir de nos jeunes.
Jacques AUXIETTE
Président de la Région des Pays de la Loire
Président de la Commission Education de l’ARF
Sur la réforme territoriale ;