Rendre compte des pratiques sur le terrain, comprendre les interprétations des acteurs sur le socle commun… André Robert précise plusieurs interprétations possibles du socle : réorganiser le système scolaire pour répondre aux besoins des élèves les plus en difficultés ? Intrument de l’Etat pour prévenir les effets de concurrence à l’interne du système éducatif ? Résultat des réflexions de l’OCDE et de la commission européenne sur la notion de « compétences clé » ? Critique de la structure disciplinaire des programmes qui conduit à un savoir trop cloisonné et encyclopédique ? Constat des mutations dans l’organisation du travail exigeant de nouvelles compétences pour la maîn d’œuvre de demain ? Volonté de mesurer la performance des élèves et donc des systèmes éducatifs ? La table-ronde de fin de journée va confronter les points de vue…
Roger-François Gauthier : comprendre la genèse du Socle…
Inspecteur général, R.-F. Gauthier a travaillé dans le cadre d’un projet eurpéen « Kwowledge et Policy », à comprendre le rapport entre la décision politique et les connaissances qui en sont à l’origine. Il s’est centré sur la genèse du socle commue, en cherchant à comprendre à quelles connaissances étaient arrimées les questions qui ont amené le socle français. « Nous avons étudié l’histoire, et les scènes essentielles qui avaient mis en présence les acteurs. Nous avons identifié cinq types de savoirs : les savoirs experts, le savoirs de recherche, les savoir d’états, à partir de ce que disait le ministère et la DEP, les savoirs d’origines étrangères, les savoirs disciplinaires. »
Contrairement à l’usage, le Socle n’est pas une réforme de structure, mais une réforme curriculaire. « Nous avons constaté que le projet du socle avait aussi pour but de déconstruire le désordre des lois antérieures, en «politisant» le débat, au risque que la nouvelle norme posée par le Parlement puisse ne pas cohabiter avec les pratiques, usages, programmes en vigueur, évaluations, traitement de la difficulté des élèves ».
A plusieurs reprises, depuis 1993, des embryons de socle ont commencé à s’élaborer, rencontrant l’opposition des ministres. L’histoire s’accélère avec la commission Thélot, qui voit converger ceux qui pensent que c’était la seule façon de « sauver le collège unique » (Dubet) et le « coup d’état » de Thélot qui pense que les instances habituelles n’étaient pas en capacité de faire avancer le socle (création du Haut Conseil de l’Education qui échappe au ministère). C’est une lutte féroce entre acteurs. « Nous avons constaté les insuffisances, voire l’inculture du ministère sur les questions essentielles, l’absence de la recherche en éducation qui n’a pas été un moteur du socle, ou a été instrumentalisée. Le mot « commun » fut le socle de leur sagesse, avant de se dessaisir de la définition concrète du Socle. Ce qui reste à faire est redoutable à construire, maintenant qu’on semble plus assuré que les acteurs sont à l’œuvre ».
Régis Dupré : questions de terrain sur le socle…
De son point de vue de responsable de formation au Rectorat de Lyon, Régis Dupré, IA-IPR, estime que les enseignants et les chefs d’établissements se posent des questions, pour comprendre l’articulation entre socle et programmes, entre compétences et connaissances, entre l’articulation des différentes disciplines, identifier la progressivité de la maîtrise des compétences aux différentes étapes du socle, modifier les modalités d’évaluations et revoir la place des notes, utiliser des outils harmonisés nationalement ou conserver
« On ne constate pas d’opposiiton majeure au socle, parce que les enseignants semblent avoir compris ce qu’il voulait dire. Mais le socle demande de repenser l’activité de l’élève, l’organisation de la classe, les liens entre disciplines, les modalités d’accompagnement individualisé, l’articulation entre le premier et second degré, des axes stratégiques dans les projets d’établissements, qui demandent de l’impulsion de la part des corps d’inspection. »
Jean-Michel Zakharchouk : « se servir des tensions comme leviers »
Assumant sa position de « militant du socle », le responsable des « Cahiers Pédagogique » refuse de mettre en opposition des tensions qui peuvent devenir fécondes : connaissances et compétences, individuel et collectif, disciplinaire et transversal, norme nationale et appropriation locale.
« Les incontournables du socle, ce sont les compétences, l’activité des élèves, le travail métacognitif, l’oral, le tri d’information, la pédagogie active, une autre évaluation que la seule note… L’élève qui apprend au centre : un cours, c’est savoir à la fin ce que les élèves ont appris, comme le dit Prost.
La manière dont évoluent les contenus et les moyens de formation initiale et continue, le manque de recherche ne semblent pas aller dans le bon sens. Entre le courage et la ruse, soyons stratégiques. »
Denis Paget : « Trois risques, une question et une considération sur la culture »
Pour l’ancien co-secrétaire général du SNES, redevenu enseignant de plein exercice, l’Education est un champ à haut risque, que l’institution peut amplifier ou diminuer. Pour lui, le Socle n’est pas parti d’une réflexion sur la culture, ni sur la culture scolaire, mais d’une recommandation de la commission européenne. « Ce ne serait pas dérangeant en soi, si nous avions pris le temps du débat. La France a francisé le Socle en refusant de prendre en charge la situation de tous ceux qui sortent sans qualification : nous sommes juste avant le Mexique ou la Turquie, avec 15% de jeunes qui ne sont ni en situation d’emploi, ni en situation de formation. La « culture humaniste » est évidemment plus présentable que l’esprit d’entreprise, mais ce n’est pas une compétence parmi d’autres, c’est une attitude fondamentale. Et de quel humanisme parle-t-on quand l’homme devient la première menace de la planète : quelques repères historiques, les droits de l’homme et quelques autres broutilles ? »
Le risque lui semble être le clivage dans les ambitions scolaires : pour quels élèves enseignera-t-on le socle, et pour quels élèves enseignera-t-on les programmes, dans une société qui clive l’espace social, comme vient de le préciser la Cour des Comptes ? « Le risque est d’avoir un curriculum pour les pauvres, et un autre pour ceux qui continueront les études ».
Il ne nie pas que les compétences existent. Mais pour les plus en difficultés, qui se fixent sur la tâche plus que sur l’objet d’apprentissage, le risque est grand de n’apprendre plus que des procédures. La surcharge évaluative sur le collège, lieu de tension du système éducatif avec le lycée professionnel, lui semble grave. « L’augmentation des évaluations charge la coupe pour les élèves et pour les enseignants, alors que j’aspire à des établissements qui passent plus de temps à enseigner qu’à évaluer. »
L’identité nationale du Socle, est-ce un programme pour élèves en difficulté, ou un standard pour tous ? « L’échec d’un grand nombre de jeunes vient d’un décalage grandissant entre leurs pratiques culturelles et les pratiques scolaires. Ce qui pouvait s’identifier comme des pratiques culturelles est aujourd’hui beaucoup plus diffus, troublé par l’usage des nouvelles technologies, sur lesquelles il faudrait sérieusement réfléchir pour les années à venir. Dans notre école, toute une série de jeunes ne se sentent pas à l’aise parce que l’école ne leur envoie jamais de clins d’œil, que les disciplines soient de plus en plus hiérarchisées, que nous continuons à nous penser comme « universalistes » face à des élèves de plus en plus singuliers. »
Pour résoudre les contradictions, et que l’école soit commune à tous, « il faut que l’école soit humaine, et ce qui transpire dans le socle, c’est davantage la performance que l’humanisme… »
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