Par Jeanne-Claire Fumet
Après la présentation des différentes méthodes sous forme d’ateliers pratiques, ce moment de confrontation, dirigé par Catherine Halpern de la Revue Sciences Humaines, a permis de formuler les divergences des modèles pédagogiques.
La méthode Lipman, la plus répandue et la plus ancienne, procède par « communauté de recherche » à partir de textes conçus par l’auteur pour susciter des situations de pensée significatives. L’animateur dispose d’un livret d’accompagnement très complet qui lui indique les pistes de réflexion possibles. La répartition équilibrée de la parole et le partage d’un objet commun de discussion y tiennent un rôle majeur.
La méthode Tozzi, reprise des pratiques d’Alain Delsol (café philo et université populaire) émane historiquement de la difficulté d’enseigner la philosophie en classes techniques. Des séminaires d’enseignants ayant défini les compétences requises pour l’épreuve du baccalauréat : problématiser, conceptualiser, argumenter, la méthode reprend le principe d’une communauté de recherches, mais axée sur l’acquisition des compétences et la visée démocratique par organisation institutionnelle du groupe. Les rôles sont distribués : président, reformulateur, synthétiseur, observateurs, de manière que l’organisation de la « discussion à visée philosophique » (DVP) développent les compétences sociales et la maîtrise orale de langue.
La méthode Brénifier, présentée par Isabelle Millon (Institut de Pratiques Philosophiques d’Argenteuil) récuse l’idée de « visée philosophique » au profit d’une pratique philosophique marquée par la rigueur et la cohérence. Sur le modèle de la maïeutique socratique, l’échange vise à évacuer les faux-semblants d’une argumentation mal pensée. L’attention au discours de l’autre et le souci de la vérité doivent primer, au risque de bousculer l’interlocuteur u de le blesser dans ses convictions. Il ne s’agit pas d’avancer dans une discussion, mais de clarifier ce qui se fait et se dit dans les énoncés.
La méthode Lévine, présentée par Michèle Sillam (AGSAS), met en valeur l’expression de la pensée de l’enfant en elle-même, reçue en silence par l’animateur qui s’abstient d’en juger. Plus proche de la psychothérapie, elle s’efforce d’aider à l’expression sans chercher la maîtrise du concept.
Au regard de ses homologues, la méthode Lévine est considérée comme moins philosophique, davantage comme une manière d’habiter l’idée que d’acquérir une méthodologie de la pensée. Au contraire, la méthode Brénifier paraît bien sévère à ses consœurs ; Michel Tozzi la qualifie avec humour de « socratisme cynique ». Isabelle million rappelle alors la nécessité de faire preuve de rigueur et souligne que la méthode Lipman ne parvient pas toujours à appliquer ses propres exigences discursives, tandis que celle de Brénifier apporte de réels outils de pensée.
Les divergences peuvent se rapporter au degré plus ou moins fort de « guidance », mais les disparités d’objectifs et de manières sont reconnus comme réels et significatifs.