Christian Baudelot et Roger Establet sont deux sociologues qui travaillent ensemble depuis plus de quarante ans. Ils ont été les auteurs de plusieurs ouvrages célèbres, dont « Le niveau monte » en 1989, ou « Allez les filles ! » en 1992. Ils viennent à Lalonde présenter le contenu de leur dernier ouvrage, « L’élitisme républicain. L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales »
« Alors que les recherches de Bourdieu et Passeron portaient sur la fin du cursus scolaire, nous avons la volonté de partir du bas de l’échelle, les élèves en difficulté, pour étudier le système éducatif français ».
Dans les années sociante, le système fonctionnait assez mal et générait de nombreux redoublements. Les seuls tests mesurant les connaissances des élèves étaient les tests de militaires à 18 ans (ce qui est devenu la JAPD), qui étaient régulièrement réétalonnés pour faire face à la hausse du niveau moyen des jeunes. Claude Thélot a été un des pionniers à vouloir doter le système éducatif d’un système de mesure efficace, mais les comparaisons internationales n’existaient pas. En 2003, PISA (comparaison internationale à 15 ans) a provoqué une certaine défiance des enseignants. Mais les deux sociologues ont décidé de s’en emparer, avec leur méthodologie et leur point de vue : un système juste est un système qui réduit les écarts sociaux, et la France n’est pas bien placée de ce point de vue. Une part importante et croissant d’élèves (entre 15 et 20%) ne maîtrisent pas les fondamentaux. Se battre pour la réussite des plus faibles, c’est aussi élever la moyenne. Or, depuis 1995, le système semble grippé : la démocratisation est en panne.
« En regardant les pays qui réussissent, on s’est aperçu que les écarts sociaux n’étaient pas une fatalité : on peut parvenir à réduire les écarts entre autochtones et allochtones ou entre garçons et filles. A l’inverse, les résultats français montrent que l’origine de la naissance conditionne largement son destin scolaire. »
Une des particularités françaises est le recours au redoublement : au seuil de la seconde, quatre enfants sur dix ont redoublé au moins une fois. On sait pourtant que les pays qui réussissent ont en commun de ne pas séparer les élèves en filières précoces ou que la suppression de la carte scolaire est un facteur d’aggravation de la situation. On sait que la valorisation des élèves, leur accompagnement dans l’étude ou la moindre importance accordée aux notes contribue à démocratiser l’Ecole. On sait que la compréhension de l’écrit est un facteur de réussite (ou d’échec quand elle est défaillante) dans toutes les disciplines.
L’analyse est implacable, et reprend des résultats proches de ceux de Marcel Crahay (l’Ecole peut-elle être juste et efficace, 2000) ou de l’IREDU. La salle est un peu groggy. Plusieurs questions remettent au premier plan la question des moyens dévolus à l’Education, mais la tribune est ferme sur les prix : « il y a une corrélation, mais elle est faible » estime R. Establet. « Nous avons des raisons de lutter pour ce bien public qu’est l’école. On a l’école que l’on mérite. Pisa nous incite à faire attention à l’orientation générale de notre système éducatif. Le feu est à faire passer au vert. ».
Un ange passe…
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