Par Martine Ramos
Dans le numéro 105 du Café Pédagogique, rubrique CDI documentaiton, un point était fait sur la lecture notamment à partir d’une étude de la « bibliothèque rose ». Question pratiques voici quatre exemples de motivations fortes et d’implications sincères.
La lecture ? Un vaste programme ! Il existe autant de lecteurs que de livres et d’auteurs. A chacun d’y trouver son cheminement, sa « pépite ». J’ai donc pris mon carnet et mon crayon et je suis allée à la rencontre de 4 hommes et femmes. Nous avons partagé des moments de complicité. Focus sur eux. Regards croisés : saveurs de lecture
Un coffre à trésors à lire avec Jocelyne
Derrière ses petites lunettes rondes, son sourire généreux et ses cheveux bouclés, voici Jocelyne. Elle est professeure-documentaliste depuis 10 ans dans un petit lycée horticole aux abords de la Loire. Elle y est parfaitement intégrée. Elle adore lire. Mais que fait-elle avec ses élèves ? La réponse tarde à venir tellement les projets sont nombreux et l’envie de les raconter tous est trop forte… mais il faut choisir et n’en sélectionner qu’un, c’est le jeu. Ce sera l’aventure toute jeune du « Club-café-lecture » qui sera sous les projecteurs. Cette animation s’est posée à côté d’autres anima-lectures réalisées au niveau de la ville comme le Prix Roblès ou le prix du Mangawa.
le Prix Roblès
http://www.ville-blois.fr/robles/ et au niveau du territoire
le prix du Mangawa
http://www.animeland.com/news/voir/971/Prix-Mangawa-200
Café Pédagogique : Peux-tu revenir pour nous sur les étapes de ton animation ?
Jocelyne : Le mercredi après-midi, je donne rendez-vous à des élèves et nous nous retrouvons à la bibliothèque municipale (notre partenaire local). Là ensemble pendant environ deux bonnes heures nous cherchons les romans que nous aimerions lire. Rapidement nous nous rendons compte que notre panier est rempli et bien rempli ; nous en emporterons une trentaine ! La bibliothécaire est une partenaire de choix. Nous emportons ces trésors pour une durée de sept semaines. Nous sommes ravis comme à chaque « récolte ». De retour au CDI les romans sont placés dans une grande boîte type coffre de pirate que seuls les membres du club peuvent ouvrir!
CP : Que contient ce coffre?
Jocelyne : « en plus des livres, j’y ai placé, dit Jocelyne, un classeur de prêt, un crayon, la liste des membres et la liste des romans ».
Cette année, le club accueille 18 lecteurs et « en plus, nouveauté, cette année il y a des garçons! »
Le rendez-vous est fixé par quinzaine le mardi de 18à19h. L’ALESA, l’association des élèves du lycée a accordé un budget à cette animation ; les membres du club ont acheté une bouilloire, du café, du thé et du sucre.
CP : Comment se déroule un rendez-vous de membres ?
Jocelyne : C’est simple : les rendez-vous se déroulent toujours en trois étapes. La première c’est le temps des choix. La deuxième c’est celle du partage et enfin la troisième c’est l’étape du bilan-achat. L’étape qui est décisive est la 1ere bien sûr d’autant que je présente les romans sélectionnés à ma manière! Oui j’insiste pour que la première de couverture ne leur fasse pas un appel du pied trop important et ne prenne pas le dessus sur la « pépite » qu’est l’histoire racontée et son message. « Je voudrais les faire grandir dans leur choix de lectures…je voudrais qu’ils osent dépasser l’attrait visuel de la couverture…je voudrais qu’ils s’arrime au sens. L’important c’est toujours le coeur, non ? pas l’enveloppe ».
La seconde étape est magique : les élèves parlent de leur roman et tentent de convaincre leur auditoire car si les élèves ont aimé, ce roman sera acheté lors de la troisème étape. Et puis sept semaines plus tard nous revoilà à la bibliothèque partant à la découverte d’autres histoires à partager.
Les petites bulles d’André s’envolent…
André est professeur d’éducation Socio-culturelle. Comment est-il venu à la lecture avec les jeunes? Le raccourci est simple. André aime les livres (catégorie : gros lecteur). André aime Jocelyne.
Avec sa classe de 4ème EA, il a vite fait le constat que la lecture de roman n’était pas une pratique naturelle, que ce mode d’expression ne faisait pas partie intégrante de leur épanouissement. Par contre la BD oui… ce sera là sa planche de salut! En cours, André leur présente le projet « Créer de A à Z une BD ». Les élèves ont travaillé l’écriture de scénario avec un scénariste. Ils ont dessiné les planches avec un professionnel du dessin. Ils ont même choisi l’éditeur qui publierait leur création. Le pari est audacieux. Le projet est une réussite qui verra sa concrétisation finale courant novembre sur le Stand de l’opération « BD BOum » pour les dédicaces.
Pour réaliser ce travail André a banalisé une semaine de cours c’est à dire que de la direction a joué le jeu, les enseignants ont joué le jeu pour que ces jeunes accèdent à une création dont ils n’auraient même pas imaginé en rêves.
Les polars de Yannick
Yannick est ingénieur de l’agriculture et de l’environnement. Ses lectures le mènent davantage sur les horizons professionnels « La prospérité du vice, une introduction inquiète à l’économie » de Daniel COHEN plutôt que sur des chemins imaginaires…enseignements obligent. Toutefois, un lecteur averti de polars sommeille en lui. Après les lectures savantes et structurantes de Meirieu, M Fabre, JP Astofi et autre Alain Lieury pour une meilleure appréhension des sciences de l’éducation et des concepts pédagogiques, Yannick navigue dans un autre monde celui de l’autre côté du miroir. Et là, la liste peut être très longue : QIU (Chine), MANKELL (Suède), UPFIELD (Australie), PETERS (Moyen Age), INDRIDASON, VAN GULLICK… ZOLA…sans oublier « Le pendule de Foucault » lu et relu cinq fois. Le roman, contrairement au « livre sérieux » est pour lui un moment feuilleton pour le plaisir de la détente et un documentaire pour les apports civilisationnels et culturels. Suggestions à lire sans tarder.
François-Xavier : livre-objet-sujet
« Quand on me parle CDI et livre, je dis… » ou un playdoyer pour le livre-objet-sujet selon François-Xavier, inspecteur d’aménagement
« J’ai toujours fréquenté les bibliothèques! Etudiant j’y passait toujours beaucoup de temps. Pour y rester un long moment je choisissais finement le lieu de mon installation. Pas trop près de livres tentateurs afin de conserver intacte ma concentration, de préférence au milieu de rayonnages aux ressources pointues pour le calme ». Le CDI est pour ce lecteur averti un espace particulier où le savoir est à son aise, c’est un trésor ouvert accessible par tout un chacun. A l’heure où l’internet parcellise, découpe et décontextualise aussi les informations en petites pièces isolées et sans lien parfois, le livre a toute sa place. Le livre est essentiel, ajoute-t-il le doigt pointé vers le ciel. Le livre permet de se construire pas à pas des concepts. Le livre permet de suivre le déroulement de la pensée de l’auteur, graduellement, réflexivement, chemin faisant. Le livre est tout à la fois objet de contextualisation et objet-sujet, c’est un concentré de Savoirs.
La lecture dans le numéro 105 du Café Pédagogique