Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs
AIDE AUX PROFS animera le samedi 21 novembre au Salon européen de l’Education la première conférence-débat sur les secondes carrières des enseignants :
Nous y évoquerons avec Georges Fotinos (MGEN) les souffrances des enseignants et qui les poussent à quitter un métier qu’ils ont pourtant apprécié de longues années, nous aborderons avec Alain Bouvier (AFAE) la question des secondes carrières envisageables au sein des EPLE, le problème crucial des fins de carrière après 55 ans en raison de la pénibilité croissante du métier d’enseignant, nous évoquerons avec François Muller (Académie de Paris, mission Innovation) l’importance de la formation continue et des projets pédagogiques dans la vie professionnelle pour diversifier ses compétences, nous écouterons aussi Bernard Criner (Ligue de l’enseignement) qui nous dira pourquoi il était essentiel de sauver tous ces postes en détachement et en MAD que Xavier Darcos souhaitait supprimer à la rentrée 2009 : http://www.pourleducation.fr/
Enfin, Christophe Fabre viendra expliquer le véritable « parcours du combattant » qu’a été la création de son entreprise ( http://www.20minutes.fr/article/354177/France-Chri[…]), et, plus récemment, l’obtention de son Indemnité Volontaire de Départ avant de démissionner, puisqu’il a créé EXATICE (www.exatice.com ), une société de formation en bureautique et informatique en pleine expansion.
De nombreux anciens enseignants qui ont créé leur entreprise dans de nombreux domaines, et que nous avons rencontrés durant ces trois dernières années, seront présents ce jour là pour vous renseigner bénévolement sur le changement de cap qu’ils ont su réussir, en vous indiquant aussi les difficultés qu’ils ont rencontrées dans leurs démarches face à l’administration : vous y apprendrez ainsi les erreurs à ne pas commettre, et ce qui vous permettra de convaincre vos interlocuteurs que votre projet est bon.
Vous pourrez y rencontrer deux des bénévoles d’Aide aux Profs, qui vous feront partager leur enthousiasme et leur motivation pour ce dispositif associatif intraprofessionnel solidaire que nous bâtissons au fil des jours pour que le Ministère de l’Education Nationale comprenne que les « secondes carrières » constituent un enjeu important dans un parcours de carrière pour un enseignant. Malgré les récentes annonces de Luc Chatel, nous demeurons très pessimistes sur les secondes carrières proposées actuellement aux enseignants, car tous les enseignants ne sont pas prêts à endosser les importantes responsabilités que supposent les fonctions de chef d’établissement ou d’inspecteur, même si l’objectif de ces 5 à 10 prochaines années est de combler le déficit de cadres en raison du papy-boom :
http://www.educinfo.info/page.php?article_id=4795
Cette année, Aide aux Profs accueille sur son stand deux anciens professeurs qui ont connu de multiples secondes carrières :
– Pascal Bouchard, journaliste, co-fondateur de l’Agence Education Formation (AEF) et depuis peu fondateur de Touteduc (www.touteduc.fr),
– Stéfanie Gicquel, qui anime l’association ART MILES
Le vendredi 20 novembre au matin, ART MILES réalisera une toile avec AIDE AUX PROFS dans le cadre du grand projet international qui vous est exposé ici : www.multiculti.fr Toutes les bonnes volontés son attendues pour participer à cette peinture de 1,80 x 3,80 m.
Vous pouvez voir des exemples de réalisation ici : http://www.multiculti.fr/equipes.html
Du nouveau sur l’IDV : sur le « terrain », l’application des textes est très inégale
En cette rentrée scolaire, Aide aux Profs est de plus en plus contactée par de jeunes enseignants de plus de 10 ans d’ancienneté, qui ont entre 35 et 45 ans, et qui souhaitent tout simplement obtenir leur indemnité volontaire de départ (IDV) qui leur est normalement accessible par la circulaire n° 2009-067 du 19-5-2009 parue au BOEN le 29 mai 2009 : http://www.education.gouv.fr/cid28286/menh0911417c.html
Dans la circulaire, tout paraît très simple…
Mais voilà, dans la réalité, c’est nettement moins évident d’obtenir l’IDV selon les rectorats, car dans l’application de ce texte il y a « deux poids et deux mesures », et chaque académie n’a pas la même interprétation des choses…
Comment connaître le détail des sommes pouvant être allouées à des enseignants certifiés ou agrégés de 10 ans, 15 ans, 20 ans, 25 ans ou 30 ans d’ancienneté : il nous semble quand même étonnant que le Ministère de l’Education Nationale, quand cette circulaire a été publiée, n’ait pas songé une seconde à diffuser des montants types plutôt que des pourcentages :
http://www.ac-clermont.fr/academie/circulaires/pdf/Circulai[…]
Le service de DRH d’une académie que nous avons interrogée à ce sujet nous a renvoyés purement et simplement à « la lecture des décrets », qui ne disent rien de plus que ce que vous venez d’y lire. Il nous manque l’essentiel : combien ? Combien d’euros peut espérer un prof qui souhaite créer son entreprise en fonction de son grade et de son ancienneté ?
Pourquoi faut-il obligatoirement mettre en œuvre une demande d’IDV pour connaître ce montant ? Pourquoi cette rétention d’information, qui laisse libre cours à l’arbitraire au niveau de l’application des textes ?
Le Ministère de la Défense, lui, a agi en toute transparence avec beaucoup de pédagogie en détaillant le montant des sommes en fonction de l’ancienneté et du grade :
http://www.cfdt-feae.com/articles/1244192816ACTU.pdf
Et là aussi:
http://213.139.102.176/modernisation/layout/set/print/cont[…]
Comparaison : pourquoi touche-t-on au ministère de la Défense une IDV après 6 années, alors qu’il en faut 4 de plus dans l’Education Nationale ? Pourquoi au bout de 10 ans d’ancienneté dans le ministère de la Défense l’IDV est-elle de 61 470 euros alors qu’un enseignant ne touchera que 15 000 euros s’il veut créer son entreprise et le double s’il a un « projet personnel » ? Pourquoi les ouvriers du Ministère de la Défense peuvent-ils bénéficier de l’IDV jusqu’à 2 ans avant leur retraite alors que pour les enseignants c’est 5 ans avant pour la dernière limite ?
Pour l’instant, voilà la typologie des cas de demande d’IDV qui ont été portés à notre connaissance :
– Dans 4 académies : le professeur avait adressé sa demande par la voie hiérarchique avant la parution de la circulaire, et son rectorat l’a rappelé de manière sympathique pour lui indiquer le montant de ce à quoi il avait droit. Par exemple, un certifié dont l’ancienneté est de 14 ans et qui a atteint l’indice 531 touche environ 32 000 euros pour un projet personnel, donc une somme intéressante pour envisager une reconversion ailleurs. S’il avait indiqué vouloir créer une entreprise, il aurait reçu la moitié de la somme avec présentation du K Bis, et l’autre moitié un an après. On en conclue qu’il vaut mieux déclarer un projet personnel que d’indiquer vouloir créer une entreprise. L’IDV est calculée sur le traitement brut des 12 derniers mois de l’année. Si la personne est en disponibilité au moment de la demande, l’IDV est calculée sur le traitement brut de la dernière année travaillée. Cependant dans la circulaire l’administration a le droit d’utiliser une fourchette très large pour évaluer le montant de l’IDV : 50 à 100%…quels sont donc les critères établis ? Il semble que ces critères varient selon les académies, et nous sommes donc au cœur de l’opacité.
– Dans 3 autres académies : dans d’autres cas, les personnes ont écrit une fois la circulaire parue. Comme ces personnes étaient déjà en disponibilité, leur courrier n’a donc pas pu passer par la voie hiérarchique, ce qui leur a été reproché… Ce faisant, soit c’est la DPE qui reçoit le prof, soit la cellule de seconde carrière, soit le DRH…il n’y a pas de règle vraiment bien établie, chaque rectorat fait comme bon lui semble. Les cas les plus dramatiques au niveau de l’accueil nous ont été rapportés par des professeurs qui justement ont créé leur entreprise. Une personne indique qu’on l’a considérée comme « en difficulté psychologique » pour avoir osé demander l’IDV, considérant ainsi que, dans cette détresse supposée, elle ne pouvait pas démissionner, donc l’IDV lui a été refusée…est-ce une manière de décourager les gens pour réaliser des économies ? Une autre personne indique avoir été reçue à peine deux minutes par un service de DRH qui lui a signifié qu’il n’y avait pas droit. L’enseignant ne s’est pas laissé impressionner, car après avoir menacé de saisir le tribunal administratif et d’en faire état dans la presse, miraculeusement le service de DRH lui a accordé la somme à laquelle il avait droit, soit 15 000 euros pour 10 ans d’ancienneté.
– Dans 2 autres académies : dans d’autres cas enfin, l’entretien qui a lieu au rectorat est littéralement fait pour dissuader les personnes de demander leur IDV, en leur faisant peur : « rendez-vous compte, vous perdrez la sécurité de l’emploi, avez-vous bien réfléchi, etc ». Dès lors que la personne a un projet et demande en son âme et conscience à bénéficier d’une indemnité prévue par une circulaire publiée, pourquoi assiste-t-on encore à de telles entreprises de découragement des bonnes volontés ?
Nous relations dans l’une de nos récentes rubriques le référentiel d’accueil « Marianne » que le MEN mettait en place. Sans doute la formation n’a-t-elle pas encore commencé dans toutes les académies :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/P[…]
Aide aux Profs espère cependant beaucoup du « signal » très fort qui vient de se produire avec la nomination au poste de DGRH de l’Education Nationale de Madame Josette Théophile, ancienne DRH de la RATP, qui avait obtenu en 2008 le titre de «DRH de l’année 2008», ce qui augure bien d’un changement majeur, qui est appelé à se diffuser vers le bas…donc dans les académies et les inspections académiques, nous l’espérons : http://www.lesechos.fr/info/france/020157451966-la-drh-[…]
Comme les rapports appelant à « une rénovation de la GRH dans l’Education Nationale » ont débuté avec le rapport n°324 du Sénat en 1998, et qu’il aura fallu 11 ans pour en prendre conscience au plus haut niveau, nous espérons qu’en 2020, la révolution de la GRH dans l’Education nationale que semble vouloir engager Monsieur Luc Chatel, lui-même ancien DRH, sera devenue effective. Rémi Boyer, DRH d’Arcelor-Mittal, nous avait donné son avis sur la question dans le n°105.
Aide aux Profs a eu connaissance des statistiques de la DEPP sur le nombre de démissions en 2008-2009 parmi les enseignants titulaires et non titulaires :
Dans le 1er degré public : 145 professeurs (sur 321 739 personnes).
Dans le 2nd degré public : 183 professeurs (sur 393 860 personnes).
Ces chiffres nous semblent sous-estimer ce problème, puisque des centaines d’enseignants chaque année prennent une disponibilité pour démarrer une reconversion professionnelle.
Pour changer de vie, nous vous signalons un site :
www.toutpourchanger.com Son auteur, Yves Deloison, a publié récemment un guide pratique de la reconversion très polyvalent.
Le métier de Conseiller Mobilité Carrière doit devenir une seconde carrière pour les enseignants : nous vous indiquons pourquoi.
Jeudi 1er octobre, Monsieur le Ministre a évoqué « dès 2010 » un accompagnement personnalisé des projets professionnels des enseignants.
Notre association peut témoigner que c’est loin d’être gagné, car ceux qui nous contactent (1500 professeurs depuis trois ans, l’équivalent d’un bon sondage national, puisque nos contacts proviennent des 30 académies) sont assez déçus de l’accueil des cellules « d’aide aux enseignants » ou « de ressources humaines » ou « de seconde carrière ».
La formation des personnels chargés d’accueillir les projets des professeurs, quelle qu’en soit la nature, nous paraît clairement insuffisante, puisqu’elle se résume à quelques journées de stage organisées par la MIFOR :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/[…]
En effet, accueillir un professeur en difficulté de santé et coacher un professeur pour l’accompagner dans son projet de seconde carrière, ce n’est pas le même métier. Dans les cellules d’aide aux enseignants en souffrance, on aura toujours besoin de « Co-Psy », alors que le nombre de postes mis en concours ne cesse de diminuer. Dans les cellules de « seconde carrière », pour réaliser un suivi de qualité et des prestations d’out-placement, on a besoin de professionnels de l’accompagnement, pas d’amateurs formés « à la petite semaine ».
Nous avions évoqué dans le n°101 du Café où en était la « seconde carrière des enseignants » après 3 années d’efforts tous azimuts :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme/[…]
Nous pensons que les personnes les mieux à même d’accompagner les projets professionnels des enseignants, que ce soit en mobilité interne ou externe, ne sont ni des conseillers psychologues (car ils n’ont jamais enseigné, et ont eu jusqu’ici à accueillir des professeurs en difficulté de santé, ce qui n’est pas la même problématique), ni des DRH (car ils n’ont jamais été profs non plus sauf exception, et ont une vision budgétaire de la seconde carrière : ils regardent d’abord ce que va leur coûter le départ du prof…un poste ou une IDV « salée »…), ni des professeurs non formés (des TZR sans affectation sont parfois nommés comme CMC provisoirement…), mais :
– des enseignants formés à l’ingénierie et au conseil en formation,
– des enseignants formés aux ressources humaines (volet « accompagnement », car la gestion financière des salaires n’a pas grand-chose à voir avec le suivi des projets de mobilité),
– des enseignants diplômés en coaching,
– des enseignants diplômés en psychologie du travail,
– des enseignants diplômés en out-placement.
Pourquoi seulement des enseignants : qui d’autre qu’un enseignant est le mieux à même de comprendre ce que vit, de l’intérieur, un de ses collègues face aux élèves, et pourquoi il a envie d’une mobilité hors de la classe ? Ce serait sortir de la culpabilisation des personnes qui ont un projet, et que l’on tente souvent de contrecarrer en leur indiquant « les voies naturelles d’évolution du métier d’enseignant » : inspecteur ou chef d’établissement.
Le métier de CMC doit devenir une seconde carrière pour les enseignants, qu’il est indispensable de former à l’accueil et à l’accompagnement de personnes de tous horizons et aux personnalités et sensibilités très différentes, car ils permettront ainsi de réduire le fossé de méfiance qui perdure entre les enseignants et ceux chargés de les gérer, alors qu’actuellement, le fossé continue à s’élargir et à se creuser : les récents échos des demandes d’IDV d’enseignants auprès de leurs rectorats respectifs en constituent l’une des preuves.
Depuis la rentrée 2009, l’académie de Créteil devient le fer de lance de toutes les expérimentations, telle une locomotive pour les autres wagons :
L’Académie de Créteil, sous le pilotage du Recteur Jean-Michel Blanquer, est très versée dans l’expérimentation tous azimuts, montrant un fort dynamisme de ses équipes, et un gros investissement financier à moyen terme : en sera-t-il de même à l’avenir pour toutes les autres académies ?:
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/education[…]
Pour éviter des situations difficiles aux primo-arrivants dans l’académie, Créteil a mis en place un dispositif destiné à faciliter l’intégration des jeunes enseignants, mais tous n’auront pas cette chance : http://www.educinfo.info/article/Management/carr[…]
L’indemnité proposée par le DRH de Créteil réussira-t-elle à les fixer durablement dans cette académie ? Les syndicats sont sceptiques :
– le FSU 93 :
http://www.fabula.org/actualites/article30166.php
– la CGT-Educ’action 93 :
http://cgteduc93.free.fr/?Aides-au-logement-de-6000-euros-un
Tandis que ce site taxe cette innovation de « prime de risque » :
http://www.nationspresse.info/?p=36612
Pour les jeunes enseignants qui ne connaissent pas encore ce dispositif novateur, qui est une idée comme une autre de tenter de les stabiliser, en voilà les modalités exactes :
http://www.ac-creteil.fr/jahia/webdav/shared/admini[…]
L’argent est aussi utilisé pour inciter les élèves à aller en classe, mesure très controversée ces derniers jours :
http://www.lepoint.fr/actualites-societe/2009-10-02[…]
L’académie de Créteil s’inquiète aussi des effets du papy boom et lance un dispositif « accélérateur de carrières » pour toutes les bonnes volontés prêtes à relever le défi :
http://www.educinfo.info/page.php?article_id=4795
Est-il aussi prévu de débloquer des fonds pour accompagner les enseignants qui souhaitent réaliser une seconde carrière en dehors des voies de mobilité interne que leur propose l’institution ?
Pour mieux vous expliquer ce que signifie être Conseiller mobilité carrière en 2009, c’est justement cette académie versée dans l’expérimentation tous azimuts que nous avons retenue pour le témoignage du mois : Créteil. C’est la 2e de France avec 80 000 personnels dont 65 000 enseignants. 60% des néo-titulaires y sont affectés et le taux de rotation des postes y est important, car la majorité des enseignants ne souhaite pas y rester. Le témoignage récent de Christophe Fabre dans la rubrique seconde carrière nous a permis de comprendre pourquoi :
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lesysteme[…]
Hélène Bordier, professeur de Lettres Modernes devenue Conseillère Mobilité Carrière (CMC)
Quel a été votre parcours avant d’amorcer cette seconde carrière ?
« Après une licence de Lettres Modernes à l’université de Poitiers en 1996 puis une maîtrise à Poitiers et à Manchester en 1996-98, j’obtiens le CAPES de Lettres modernes en 1999. J’ai fait mon stage dans un collège rural des Deux-Sèvres et j’ai ensuite demandé ma mutation dans l’académie de Créteil où j’ai exercé dans des collèges ZEP et en RAR. A partir de 2003, alors que je regrettais de ne pas avoir fait des études de psycho, je découvre le coaching et me lance dans une formation. Cet outil, qui devait au départ constituer un plus dans ma fonction d’enseignante, devient vite une passion. Je complète mon cursus avec des études en PNL (Programmation Neuro Linguistique) jusqu’en 2007 où j’obtiens un Master dans cette spécialité ainsi qu’avec d’autres formations plus ponctuelles sur des techniques spécifiques comme l’énnéagramme (profils de personnalité), l’analyse systémique, la gestion des émotions, etc. »
En 2007, Hélène décide de prendre une disponibilité pour amorcer sa seconde carrière, pensant dans un premier temps créer une entreprise. Elle réalise toutes les démarches nécessaires pour cela, mais se ravise pour se joindre à des amies qui créaient, justement, leur entreprise de coaching et de formation. Durant une année, elle s’investit dans ce projet mais le quitte finalement en juin 2008 : « La création d’entreprise en réseau est une belle idée, mais sans leadership clair et assumé, ça devient compliqué ! » explique Hélène.
Aussi, après avoir réalisé en parallèle de multiples expériences dans le domaine du coaching et de la formation (pour collégiens, jeunes sans emploi, adultes), Hélène souhaitait utiliser ses nouvelles compétences pour un public qu’elle connaissait bien : les enseignants. Elle adresse donc à tout hasard un courrier et un CV à la Direction des Ressources Humaines du rectorat de Créteil pour se renseigner sur les structures travaillant sur ce type de missions et pour proposer ses services. Elle est convoquée et, à sa grande surprise, on lui propose un poste, qu’elle refuse… cela supposait en effet qu’elle renonce à sa disponibilité et à une forme d’indépendance pour reprendre un statut d’enseignante et occuper le poste en question, en « mise à disposition auprès du recteur ».
« Finalement, je me suis laissée tenter, la mission m’intéressait à 100%, j’ai rappelé en indiquant que j’étais disponible, et fin septembre 2008, le rectorat m’a proposé le poste. En Janvier 2009, j’ai su que je devenais Conseillère Mobilité Carrière ».
En quoi votre parcours de carrière vous a-t-il préparée à devenir CMC ?
« Je m’intéresse aux personnes, j’ai la volonté d’agir pour que les gens se sentent bien, pour qu’ils soient bien orientés professionnellement. De plus, je suis la preuve vivante qu’une reconversion est possible, alors pourquoi ne serait-ce pas possible pour les autres ? J’ai expérimenté moi-même ce long processus de changement et peux témoigner sur les avantages et les difficultés. » Avec sa formation en PNL, Hélène a acquis de nombreux savoir-faire et savoir-être : « entrer en relation de manière efficace, avoir un positionnement juste, éviter les projections tout en accompagnant les personnes, les aider à se mettre dans une dynamique de changement, pratiquer l’écoute active. Grâce à mon expérience de création d’entreprise, j’ai appris à travailler en bureau et j’ai développé mes compétences en gestion du temps, en organisation, en définition de priorités et en prise d’initiatives. »
En quoi consistent les différentes missions d’un CMC ?
« Au début, j’étais nommée chargée de mission, CMC, c’est depuis peu, je suis en train d’apprendre ce nouveau métier en le pratiquant. Je réalise des accompagnements individuels à la mobilité en recevant des enseignants, en les informant sur les différents métiers qui peuvent leur être accessibles. Ma mission consiste aussi en développement de partenariats. Je me vois comme une personne ressource sur laquelle les personnes peuvent s’appuyer pour amorcer un virage professionnel ou pour se remobiliser sur leurs fonctions. J’ai par ailleurs un rôle de conseil auprès du DRRH (sur les métiers, la conduite du changement de manière individualisée,…). Un CMC fait l’interface entre l’institution et les personnels».
Quels sont les moyens et les outils mis à votre disposition ?
« Je dispose d’un bureau personnel, d’un ordinateur de bureau avec imprimante, d’une ligne téléphonique fixe, et d’une secrétaire qui est chargée de prendre les rendez-vous et de transmettre des documents aux personnes dont je suis le projet. Je peux programmer des formations dans l’une des salles disponibles au rectorat de Créteil, et mon supérieur hiérarchique, le Directeur des Relations et des Ressources Humaines (DRRH), Philippe Reymond, est à l’écoute de mes propositions, de mes idées. Il me laisse libre d’organiser les choses telles que je les ressens. Je dispose de documents comme le Répertoire Interministériel des Métiers de l’Etat (RIME), et quelques ouvrages sur les compétences des enseignants. J’ai la possibilité de me rendre aux différents salons de l’emploi pour collecter de l’information, de faire une veille documentaire sur le web et d’aller rencontrer des partenaires. Je bénéficie aussi d’une formation au métier de CMC, puisque c’est un nouveau métier. De plus, les CMC de toutes les académies travaillent en réseau : nous nous échangeons nos documents, des informations diverses et des retours d’expériences. »
Cet emploi est-il une seconde carrière pour vous ?
«Oui car j’ai changé de mission. Je ne me sens plus enseignante même si je puise fréquemment dans mon expérience passée lors des entretiens. Aujourd’hui, je suis coach. Je ne savais pas à quoi m’attendre quand j’ai accepté le poste. Pour l’instant, j’apprends chaque jour et c’est très motivant. Je suis heureuse de faire un pont entre mon activité précédente et mon rôle actuel. Je n’ai pas de plan de carrière, je m’investis au jour le jour. Comme c’est un métier très prenant, je pense qu’il ne faut pas l’exercer très longtemps. De plus, quand on accompagne les autres dans leur mobilité, je crois qu’il est important de la vivre régulièrement aussi soi-même, de se renouveler, de sortir de sa zone de confort pour progresser et découvrir de nouvelles choses. Je tenterai peut-être un concours d’attaché administratif si je décide de rester dans l’Education nationale sur des missions liées à l’orientation, ou alors j’irais travailler comme CMC dans une autre structure. A plus long terme, j’ai toujours le projet de créer mon entreprise. Le contact avec les jeunes me manque et j’aimerais pouvoir renouer avec eux. Toutes les options sont ouvertes pour le futur. »
Quelles doivent être, selon vous, les qualités d’un CMC ?
« D’abord, de très grandes qualités d’écoute. Avoir le sens de l’innovation, être créatif, être toujours dans l’échange, l’ouverture, savoir partager ses sources, ses références. C’est un métier où la qualité de la relation aux autres est essentielle, en étant accessible, disponible. Il n’y a pas vraiment d’horaires. Il m’arrive de rester plus tard que prévu pour une réunion par exemple. Avec les personnels que je reçois, je dois demeurer d’une grande neutralité, car je suis en quelque sorte un pivot entre les personnels qui agissent sur le terrain et les personnels qui ont le pouvoir de décision. Ma fonction requiert beaucoup d’organisation, avec un champ vaste de travail. Etre CMC, c’est aimer les autres, les guider, les aiguiller. Etre un bon communiquant, savoir aller à la rencontre des partenaires, savoir négocier, être curieux et tenace sont également des qualités importantes pour ce poste.»
Quelle est la taille de la cellule de seconde carrière de l’académie de Créteil, qui gère 80 000 personnes dont 65 000 enseignants, et quelle est en moyenne votre capacité d’accueil ?
« Actuellement la cellule de seconde carrière qui est pilotée par le DRRH comprend son adjointe et 4 personnes qui réalisent comme moi l’accueil et l’accompagnement de personnels de l’académie. Une secrétaire nous apporte son aide. Depuis que j’ai pris mes fonctions, je me suis occupée de 150 personnes environ, tandis que mes collègues, plus expérimentés dans la fonction, en ont accueillis un peu plus. »
Vers quelles secondes carrières se réorientent les enseignants que vous suivez ?
« Les reconversions sont extrêmement variées : chaque personne a son projet personnel (événementiel culturel, bâtiment, création d’entreprise, ouverture de commerce,…). Dans le cadre précis de la seconde carrière, cette année, il y a eu des orientations vers le CNED (responsable de formation), le rectorat (contrôle de gestion), les IA, les ministères, des missions interministérielles, des associations en lien avec la pédagogie, des centres culturels ou encore des collectivités territoriales (postes de chargés de mission), dans les écoles primaires (psychologue scolaire) et bien sûr les classiques évolutions de carrière intra Education nationale (postes d’encadrement). Les enseignants sont demandeurs de congés de formation professionnelle (nous en accordons entre 150 et 200 par an). Par ailleurs, nous ajoutons tous ceux qui sont motivés par une reconversion dans notre vivier de compétences. Dès que je repère des offres d’emplois qui peuvent leur correspondre, j’appelle les enseignants que je suis et je les leur transmets, pour qu’ils puissent y postuler. Parfois, si c’est nécessaire, j’oriente l’enseignant vers une VAE. Nous avons eu cette année le cas d’un professeur qui s’est orienté vers une formation d’horticulture. Si la formation est possible en interne, elle peut être prise en charge par la DAFOR, mais si c’est une formation extérieure, c’est souvent à l’enseignant de la financer. »
Actuellement, comment doit procéder un enseignant qui souhaite s’adresser à la cellule de seconde carrière ?
« D’abord, il dispose d’informations sur notre site web :
http://www.ac-creteil.fr/jahia/Jahia/accueil/academie/[…]
Ensuite, l’enseignant peut écrire directement par mail à la cellule GRH en demandant un rendez-vous. Il l’obtient en général dans un délai de 8 jours à un mois, selon l’affluence. Il reçoit une convocation par mail, par courrier ou par téléphone, selon les délais et les coordonnées qu’il a indiquées dans son premier contact. Le rendez-vous a lieu au Rectorat et dure environ une heure. Le premier entretien a pour but de cerner la demande, d’identifier les besoins. Certains enseignants souhaitent seulement des informations pratiques, d’autres indiquent qu’ils en ont « marre d’enseigner », d’autres encore ont déjà un projet professionnel de reconversion. Si la personne est prête à s’engager dans une démarche de changement, alors nous lui proposons un accompagnement individualisé. Tantôt, nous fixons le prochain rendez-vous ensemble, tantôt, je demande à la personne de me recontacter quand elle a fait les recherches nécessaires ou quand elle a suffisamment mûri sa décision : c’est elle qui est acteur de son changement et qui tient les rênes. Je ne fais que guider et suivre son rythme. »
Qu’est-ce qui vous passionne dans ce métier ?
« Je me lève tous les matins avec le cœur à l’ouvrage. Certes, j’accueille parfois des gens en colère, d’autres frustrés ou désespérés, mais je suis là pour leur fournir de l’information, les aider à clarifier ce qu’ils veulent et à identifier des solutions potentielles. Les entretiens génèrent un peu de soulagement, de motivation quand les gens se sentaient dans une impasse. Je considère que mon rôle est d’apporter de la flexibilité, de l’humanité dans une structure qui manque quelquefois de souplesse. J’exerce mon métier avec passion, c’est fondamental. J’ai envie de rendre service aux autres, et je suis heureuse que cette innovation se déroule au sein de l’ Education Nationale. »