Par Gabrielle Lamotte
Quand on a appris l’existence de ce projet de l’académie de Créteil, les titres de la presse n’ont pas été tendres et ont volontiers maintenu le flou:
«Payés pour aller en cours» (TF1.fr)
«Lycée, qui veut gagner des euros?» (Europe1)
«Absentéisme: un cagnotte pour motiver les lycéens» (Le Figaro)
«Créteil innove avec la cagnotte collective contre l’absentéisme» (L’Express)
Comment se définit cette expérience qui est menée depuis le début de mois dans trois lycée professionnels de l’académie de Créteil?
Le Figaro explique:
« Il ne s’agit pas de distribuer des chèques aux élèves ayant fait l’effort de se lever toute l’année, mais tout de même, la méthode ne manquera pas d’en surprendre certains. Dans une nouvelle tentative pour enrayer l’absentéisme important frappant les établissements professionnels, le rectorat de Créteil propose à six classes de CAP et de Bac pro de financer un projet commun, s’ils respectent collectivement des objectifs d’assiduité et de sérieux fixés en début d’année. »
Le projet commun à la classe peut consister en des cours de code ou un voyage scolaire, ou encore en achat de matériel informatique. La mise de départ, 2000 euros, pourra grimper jusqu’à 10 000 euros en fin d’année si la classe atteint ses objectifs:
« Dans l’une des deux classes de première concernées au lycée Alfred-Costes de Bobigny, ceux-ci ont été fixés à moins de 5% d’absents (contre 10,9% habituellement dans les lycées pros selon le ministère de l’Education) et 11/20 de moyenne pour 75% des élèves. » (Le Figaro)
L’expérience financée par le Haut Commissariat à la jeunesse pourrait, en cas de succès, être étendue à d’autres lycées professionnels de l’académie de Créteil.
Syndicats enseignants et associations de parents d’élèves s’élèvent contre cette «innovation»:
– La FCPE dénonce une «Drôle de conception d’une société où même les élèves seraient à vendre», tandis que la PEEP exprime son désaccord «On ne veut pas que l’argent soit le levier pour motiver les élèves» en liant l’absentéisme des lycées professionnels par une orientation subie: «Pour ces élèves, l’école n’est pas un lieu agréable. Ont-ils été bien orientés ? Ne se trouvent-ils pas là par défaut, se demandant à quoi les mènent leurs études, ne voyant pas de projet au bout qui les motive?»
– Les syndicats enseignants (Snuep, Snes et Snep) les rejoignent en dénonçant: « Comment motiver des élèves qui arrivent après la rentrée dans des sections non choisies? Avec une prime! C’est déraisonnable et c’est présenter aux jeunes une société où l’argent est roi. »
Philippe Meirieu, interrogé par le Monde et Le Parisien, ne dit pas autre chose: il se dit «viscéralement horrifié»:
“Ce qu’on devrait faire entendre aux élèves, c’est qu’ils ont la chance de pouvoir faire des études et que la collectivité paie pour cela.”
Et il ajoute très justement:
“Payer pour obliger les élèves à aller en cours, c’est exonérer l’école de son travail d’intéresser les élèves. ”.
Martin Hirsch, attaqué de toute part, défend vigoureusement l’initiative: «Il faut arrêter les fausses pudeurs » (…) « Nous ne payons pas les élèves, il n’y a rien d’immoral » mais un soutien à « des projets collectifs lorsqu’il y a des engagements collectifs.»
Curieusement, on a moins parlé et moins attaqué une autre expérimentation.
Nous ne sommes en effet pas au bout de nos surprises. Du côté de Marseille, une autre méthode a été choisie pour venir à bout de l’absentéisme: pas de cagnotte qui financerait un « projet éducatif » de la classe ayant atteint ses objectifs, mais des tickets pour aller voir des matchs de l’OM: ça se passe dans un lycée professionnel de Marseille.
La Provence explique:
« Dans cet établissement de 600 élèves, la plupart venant des quartiers Nord, formant aux métiers de l’automobile, du secrétariat et de la comptabilité, le proviseur, Pierre Glutron, a décidé de récompenser, tous les mois, la classe ayant le taux le plus faible d’absentéisme (et bientôt aussi la classe qui progresse le plus en assiduité), en donnant aux élèves concernés des places pour aller voir l’OM au Vélodrome.»
Le proviseur est satisfait , même s’il reconnaît:
« Ça motive les élèves qui doivent jouer collectif pour se classer premiers… C’est un peu dommage d’en arriver là, surtout que dans d’autres pays, comme au Vietnam, les enfants rêvent d’aller à l’école mais ne peuvent pas car c’est payant. Mais ce qui compte, c’est le résultat. »
L’Expresso du 6 octobre en parle:
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2009/[…]
Le Monde, Philippe Meirieu, « Galvauder la notion de présence et de projets »:
http://www.lemonde.fr/archives/article/2009/10/03/gal[…]
A propos de l’expérience menée dans l’académie de Créteil:
TF1, «Payés pour aller en cours»:
http://tf1.lci.fr/infos/france/societe/0,,4827440,00-[…]
Europe1, «Lycée, qui veut gagner des euros?»:
http://www.europe1.fr/Info/Actualite-France/Societe/Lyce[…]
Le Figaro, «Absentéisme: une cagnotte pour motiver les lycéens»:
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/10/02/01016-2[…]
L’Express, «Créteil innove avec la cagnotte collective contre l’absentéisme»:
http://www.lexpress.fr/actualite/societe/education/cret[…]
A propos des places de l’OM:
La Provence, « À Marseille, les élèves les plus assidus ont des places pour l’OM« :
http://www.laprovence.com/articles/2009/10/03/92800[…]
Le Figaro, « Absentéisme : des places de foot pour motiver les élèves« :
http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2009/10/03/0[…]
Le Parisien, « Absentéisme au lycée : après la cagnotte, des places pour l’OM ! »:
http://www.leparisien.fr/societe/absenteisme-au-lyce[…]
OMplanete, « L’OM motive les lycéens« :