parents, professionnels… :
à la recherche de l’estime « de soi »… ou
« de chacun » ?
A la
journée
lyonnaise de la secnde « Journée du Refus de l’Echec
scolaire », les organisateurs ont été
jusqu’au bout de leur ambition de mixité : les
participants sont placés par table «
hétérogènes
» pour éviter l’entre-soi
:
une directrice de dispositif réussite éducative
(DRE), un prof des écoles, une principale
adjointe, un coordinateur ASH de l’IUFM, un
éducateur, une animatrice, une assistante sociale, un parent
d’élève…
Le programme est
chargé, et l’après-midi est
mené au pas de charge. Cécile
Casey,
déléguée régionale de
l’AFEV, pose le
cadre : «
l’échec, tout le monde est
contre. Mais quand 150 000 élèves sortent du
système scolaire sans qualification, alors même
que la société demande une plus grande
qualification, nous voulons mobiliser les ressources de tous les
acteurs engagés, et faire des propositions. »
L’AFEV
présente son baromètre annuel : 30% de
collègiens qui se couchent tard ou ne déjeunent
pas, un élève sur deux qui déclare
« s’ennuyer » à
l’Ecole, 20% qui ne comprend pas ce qu’on lui
demande et qui peinent à s’engager dans le
travail, une bonne part des parents qui se déclare peu
compétents pour aider leurs enfants à la maison.
Pourtant, d’arpès l’enquête, peu se plaignent des
professeurs, et considèrent
le collège comme un lieu
d’égalité malgré les
«incivilités » et les
problèmes d’estime de soi. Des chiffres sans doute
à recreuser pour en faire un véritable outil.
Thomas
Rigaud, de
l’AFEV, présente son
expérience
d’accompagnement individualisé : des
étudiants aident, à domicile, les
élèves à s’organiser ou
à découvrir de nouvelles pratiques culturelles,
une à deux heures par semaine. Catherine Bresson,
coordonnatrice
du Réseau Ambition Réussite de la
Duchère, explique comment, malgré
les efforts de
visites et de rencontres, 10% des élèves
explosent au collège alors qu’ils ne posaient pas de
difficulté majeure à l’Ecole. « Comme le cadre du
collège est plus difficile à lire pour ces
élèves, nous avons cherché
à renforcer une présence adulte ferme et
bienveillante, pour les élèves
identifiés dès la fin du CM2, en
réunissant autour de l’enfant leur enseignant de CM2, le
professeur principal et les parents. »
Premier
atelier : le passage entre l’Ecole et le
collège.Chantal
Bouchardon, du PRE de Lyon et Domnique Sénore, de
l’IUFM, ont organisé une aide conjointe par les
étudiants
stagiaires de l’IUFM et les animateurs associatifs, dans des ateliers
menés pendant les « petites vacances », destinés
à montrer aux les
élèves qu’ils sont capables de mobiliser
des
connaissances apprises à l’Ecole. « Nous voulions aussi aider
nos étudiants à entrer dans la formation d’une
autre manière, en comprenant mieux pourquoi certains
élèves n’avaient pas le même rapport
qu’eux aux disciplines scolaires. Mais c’est aussi une occasion
fructueuse d’installer des complémentarités
métier, entre différents acteurs, si le
dispositif est co-construit, et s’il n’entre pas en concurrence avec
les autres dispositifs de l’Education Nationale ».
Faire que les
partenaires puissent se parler, et avoir les formations pour le faire,
un premier défi identifié. La salle
opine. Surtout
les enseignants qui ont insisté sur les formations qui
diminuent
dans leur plan de formation…
Chaque
table est invitée
à
échanger et à construire une ou deux
propositions. Pas facile de s’écouter parler, de
se comprendre tant les « points de vue », au sens premier, sont
différents. Les bons sentiments cotoient les
préoccupations institutionnelles : « faire
une place aux
parents au collège », « apprendre à parler le
même langage », « créer des temps d’espace communs
entre professionnels », »installer des
parents-référents », « former en commun les
professionnels », « travailler l’estime de soi » (des
élèves ou des professionnels !) », « favoriser le
tutorat », « valoriser les talents plutôt que les lacunes »,
« avoir
des formations et des outils qui viennent nous aider face aux
élèves décrocheurs ». On
rappelle (ou découvre) que de nombreuses structures existent
:
les coordonnateurs Education Prioritaire (éducation
nationale)
ou PRE (pour la politique de la ville), le centre Michel Delay
précise qu’il peut répondre aux demandes de
formation, le
GIP du Conseil Régional informe qu’il peut être un
ingénieur de projets… Un parent ose dire sa
difficulté
à rencontrer les enseignants du collège de son
enfant.
Trivlal.
Philippe
Meirieu et Yves Fournel, adjoint au maire de Lyon,
tentent un point d’orgue : P. Meirieu rappelle
l’efficacité du tutorat et de l’entraide, vieille tradition
de
l’Ecole Républicaine à
réexplorer, dans les
classes comme à l’extérieur ; la place des
parents
toujours à réinventer, y compris pour leur donner
le
moyen de pouvoir parler de ce qui se pase en classe, du travail
scolaire, pour mieux faire la différence entre « faire un
exercice » et « apprendre quelque chose ». D’autres pistes sont sans doute
plus « subversives » : échanges de services entre enseignants
de
collège et d’école, par exemple, ou
décharge de
service pour que le professeur principal puisse être un
véritable interlocuteur pour les
élèves et les
parents… « Le socle
commun,
prévu par la loi, indique que l’Ecole et le
collège font
partie du même cursus…Mais le métier de
collégien
s’acquiert avec dex aides… ». Y. Fournel rappelle la
difficulté des débuts des PRE et la
défiance
mutuelle : veut-on construire des partenariats pour mieux se
comprendre, ou pour assurer le suivi individuel des
élèves ? « L’Education
à la réussite ne doit pas se jouer exclusivement
sur le
temps scolaire, et chacun doit trouver son temps et sa place, sous des
formes différentes ». Second atelier : l’accueil au
collège
Une expérience
locale est présentée par Christophe Durousset, professeur
au collège de Tournes à Fontaine sur
Saône.
Il évoque les valeurs partagées de
l’équipe
d’enseignants, mais surtout leur souhait de
s’interroger sur
ce qui se passe à l’intérieur de la
classe : ne pas
pas se contenter d’enseigner, mais chercher davantage à
vérifier ce que les élèves apprennent,
à
davantage mesurer les progrès que sanctionner les
manques.
« La motivation des
élèves dépend toujours de l’estime
d’eux-même qu’ils ont sur leur capacité
à
réussir à apprendre »…
Ils ont donc
cherché, en prenant le temps modeste de la construction,
à ne pas achopper sur l’écueil des « groupes de
besoin »,
mais à organiser une structure systémique :
classe
à effectif réduit en 6e, classes
hétérogènes en 5e, liens plus fort
avec l’Ecole,
contact étroit avec les familles. travail commun des
enseignants
sur les démarches pédagogiques, attention
particulière sur les compétences
méthodologiques,
mais aussi sur les contenus d’enseignement, notamment pour rendre plus
explicite ce qui est attendu. Toute une série de
micro-attentions et de chantiers qui s’entrecroisent : « On leur donne le temps de se
mettre en réussite, et l’appui qui va avec ».
Les enseignants ont développé la
co-intervention,
mais aussi la co-préparation. Cela ne va pas de soi,
manifestement. Mais les valeurs aident à se tenir
à
l’ouvrage… Et le travail collectif permet de mieux vivre son travail.
Et améliore les résultats, tout simplement.
Laurence
Potie, de la mission
Régionale d’information sur l’Exclusion, accompagne
la ville de Pierre-Bénite sur les questions
éducatives et
les familles de milieux populaires. Du dialoge qu’elle a
noué
avec les parents, elle retient le risque que parfois on
cherche
à « éduquer les parents », ou à les
ramener à
la place de leurs enfants sur les bancs de la classe, parfois avec le
sentiment d’une mise en accusation. « On
est souvent dans une relation dominant/dominé, alors que les
parents des classes populaires font spontanément confiance
à l’Ecole. Changer de regard sur les
catégories
populaires, ça ne va pas de soi quand on fait partie des
classes
moyennes... L’humiliation
et la culpabilisation sont souvent vivement ressenties. »
Miser sur le collectif, conclut-elle en catastrophe, pressée
par
le gardin du temps, « nos associations servent à cela ».
Avant-dernier temps du marathon, une nouvelle salve de
« propositions concrètes »
est réclamée aux tables de la salle.
L’hétérogénéité
des bonnes
résolutions est toujours là :
« savoir ce qu’on vient faire à l’Ecole », « faire un moment
d’accueil convivial », « donner du temps pour
l’intégration »,
« faire des passerelles flexibles entre le CM2 et la 6e »,
« partir en stage deux jours en gîte avec les
6e »,
« axer le projet d’établissement sur l’analyse collectives
des
besoins des élèves », « supprimer la fiche qui
demande la
profession des parents ». Une fois encore, un parent
réagit avec ses tripes : « Les
petits carreaux et les fiches de consignes, les convocations quand
ça ne va pas… Il faudrait aussi que les profs se remettent
en
cause avec leurs remontrances morales. »... On sourit,
vaguement
gênés… Une dame de la PEEP intervient pour
demander
qu’on prenne en charge les « troubles » : « La dyslexie touche 20% des
élèves ! ». Un murmure gronde dans la
salle. On sent la fin d’après-midi qui arrive.
Ph. Meirieu et Y. Fournel reprennent
la main à la tribune. « Il
n’y a pas de fatalité, attaque l’élu,
pourvu qu’on soit au clair sur les objectifs, qu’on crée des
espaces spécifiques, des temps et des fonctions perennes et
adaptés aux territoires. Ce projet ne peut pas
être
balancé du haut, il doit être pris en charge par
des
acteurs reconnus ».
Le pédagogue promet à l’animateur de faire court
: « A
moyen terme, se donner des objets de travail communs, pour remettre en
chantier les rituels ou les outils qu’on utilise sans les
réinterroger ». Travailler ensemble sur ce que
doit
être le carnet de correspondance, c’est au-delà de
la
« communication » : c’est interroger le détail de la vie
scolaire.
Mais sur le long terme, il faut « réinstitutionnaliser
le collège » : « pourquoi
ne pas imaginer 100 élèves pris en charge par 10
profs,
pour développer des souplesses et une
responsabilité
collective ? Viser 100% de réussite sur les objectifs du
socle
commun, ça veut dire faire de l’Education une question
sérieuse et constructive. Rien que ça serait une
révolution : l’Ecole appartient à la Nation. »
L’AFEV a le dernier mot par la voix de son
président, Jérôme Stulra : « faire
confronter la parole des acteurs, c’est la réussite
d’aujourd’hui, continuons à préférer
les moments
de travail aux grand-messes. » Ite missa est…