Le Café Pédagogique a rencontré Yves Attou, président du comité mondial de l’éducation et de la formation tout au long de la vie. En fin observateur du monde de la formation continue, il nous a offert son éclairage sur une réforme qui s’est éloignée de ses ambitions affichées.
Où en en la réforme sur la formation professionnelle,
Yves Attou : « Nous sommes encore en période de débat parlementaire. Le débat au Sénat doit avoir lieu le 21 septembre. Ensuite, si le texte n’a pas la même forme que celui adopté par les députés, il repassera à l’Assemblée Nationale et devrait être adopté définitivement en octobre ou novembre 2009. »
Le projet va-t-il dans le sens de l’éducation et de la formation tout au long de la vie ?
Yves Attou « Ce n’est pas une loi qui concerne l’éducation et la formation tout au long de la vie mais plutôt la formation professionnelle tout au long de la vie. Le champ est limité au temps où on est en activité professionnelle »
Le texte concerne pourtant aussi l’orientation ?
Yves Attou : « Elle est mentionnée en premier dans le titre mais la notion reste floue. Les motivations de la réforme laissaient penser qu’un volet important de la loi concernerait l’orientation. D’une façon générale, l’affichage de départ qui consistait à tout remettre à plat a abouti sur un projet loin de cette intention.
Le constat de départ insistait sur la nécessité de qualifier les personnes les moins diplômées et en particulier les jeunes sortis de l’école sans qualification. En trouve t’-on une traduction dans la loi ?
Yves Attou : « La réforme s’intéresse aux personnes qui se réorientent, dans l’idée de sécurisation des parcours professionnels. Aujourd’hui, il y a de plus en plus de flexibilité et donc de nécessité que les gens restent employables, se reconvertissent pour pouvoir occuper plusieurs emplois dans leur vie professionnelle.
La loi de 1971 se plaçait dans le cadre de l’éducation permanente, avec une connotation de promotion sociale. La formation était considérée comme un moyen d’actionner l’ascenseur social afin de faire progresser les personnes. A partir de 1980, le développement du chômage a fortement lié la formation à l’emploi. Aujourd’hui, elle devient un outil de sécurisation. La réforme se situe clairement dans la sphère professionnelle. Le forum de l’éducation et de la formation tout au long de la vie est plus proche des idées qui ont motivé la loi de 1971.»
Vous semblez réservé sur la réforme ?
Yves Attou « L’idée de départ était de simplifier le système de la formation professionnelle continue devenu opaque, avec de fortes inégalités. Au final, le système est plus compliqué car il y a une recentralisation de la formation avec un retour de l’Etat et des branches professionnelles au détriment des régions. On revient vers une lecture verticale. Or, il ne peut y avoir trois pilotes dans l’avion.
D’autre part, l’accord national interprofessionnel de janvier 2009 proposait l’instauration de la formation initiale différée, une proposition intéressante qui répond au problème des sorties du système scolaire sans qualification. C’était une déclaration forte pour s’occuper des jeunes. Le projet de loi n’a pas repris cette proposition. Les partenaires sociaux ont réaffirmé leur volonté qu’elle soit prise en compte, lors de leur audition au Sénat. Pour nous, cette proposition est très intéressante. On échoue depuis des années dans le domaine de l’insertion professionnelle des jeunes, depuis 1979 et le plan Barre. »
Quelles sont les autres objections à au projet de loi?
Yves Attou : « La recentralisation ne règle pas la question du financement. Les régions sont dessaisies d’une partie de leurs prérogatives. Jusqu’à présent, elles définissaient la politique de formation régionale. Le risque est de rajouter à la confusion en introduisant une co-décision, celle du Préfet de Région, du Recteur et du Président du Conseil Régional.
Le problème de l’Afpa est également sous-jacent. Les psychologues des centres de formation Afpa doivent être transférés à Pôle Emploi. Les organisations syndicales ont demandé que ce transfert soit annulé.
En conclusion, quel regard portez-vous sur cette réforme ?
La réforme ne va pas vers l’avant. Elle est complètement recentrée sur les branches professionnelles et met un coup d’arrêt aux transferts de compétences vers les régions. Même si la création d’un fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels est prometteuse.
On conserve la même architecture de 1971 et l’intention de départ de tout remettre à plat n’a pas abouti.
Propos recueillis par Monique Royer
Le blog sur le premier forum mondial sur l’éducation et la formation tout au long de la vie