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Par François Jarraud

L’Elysée a fait connaître fin juin le nouveau gouvernement. Xavier Darcos devient ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité. C’est Luc Chatel qui est nommé ministre de l’éducation nationale tout en restant porte-parole du gouvernement. Valérie Pécresse reste ministre de l’enseignement supérieur. Xavier Darcos lui laisse un ultime cadeau : la suppression de 16 000 postes…

A la différence de X. Darcos, Luc Chatel ne vient pas du monde enseignant. Né en 1964, il est diplômé de marketing et a été DRH dans une filière de L’Oreal. Politiquement, il vient du Parti républicain, se fait élire député UMP en Haute-Marne. Il est également maire de Chaumont. En tant que député, il a co-signé une cinquantaine de propositions de loi. Quatre seulement ont un rapport avec l’éducation. Ainsi L. Chatel a co-présenté la proposition de loi Censi sur les retraites des professeurs du privé, les propositions Favennec et Decocq visant à instaurer une initiation à la vie associative et à Internet dans l’enseignement secondaire; il a soutenu une proposition de loi demandant la suspension des allocations familiales en cas d’absentéisme scolaire. Il a également produit 6 rapports , tous concernant les PME et des questions de consommation. C’est donc très logiquement qu’il avait été nommé secrétaire d’Etat chargé de la consommation du tourisme et de l’industrie dans le précédent gouvernement.

Porte-parole du gouvernement, proche de Nicolas Sarkozy, le nouveau ministre sera l’instrument de la politique présidentielle en matière d’éducation. Par bien des points Luc Chatel diffère de Xavier Darcos. Déjà dans la connaissance des dossiers et de la « maison éducation ». Cette connaissance a permis à X. Darcos de se tirer au moins mal des budgets de son ministère, c’est un point à noter. Mais X. Darcos était déjà un fidèle exécutant de la volonté de l’hyper président. N’a-t-on pas vu le précédent ministre avaliser les changements d’orientation de l’Elysée sans mot dire, galoper derrière les décisions présidentielles, même les plus inattendues, avec zèle ? Demain ressemblera au moins sur ce point à aujourd’hui : quelque soit le renouvellement, le ministre de l’éducation nationale c’est Sarkozy.

Au revoir Xavier Darcos

S’il est vrai que chaque ministre jouit du discrédit de son prédécesseur, peu de ministres sont arrivés avec un capital aussi prometteur que Xavier Darcos. I.G., ancien directeur de cabinet, enseignant, Xavier Darcos connaissait parfaitement la maison éducation avec ses dossiers et ses pièges. Il avait su, durant la campagne présidentielle, prendre ses distances avec Robien et faire miroiter un changement de politique et de nouveaux avantages pour les enseignants. Ajoutez à cela la culture du lettré, de l’ironie et du charme, Xavier Darcos avait tous les atouts pour laisser le souvenir d’un grand ministre.

Or peu de ministres ont suscité autant d’opposition que Xavier Darcos. Elle est due en partie à la politique qu’il a eu à mener et particulièrement aux économies budgétaires. Mais le ministre y a aussi sa part personnelle. Le rejet est massif au primaire où le rejet est allé jusqu’à des extrèmes jamais vus jusque là : plusieurs milliers d’enseignants en refus d’obéissance affiché et des corps d’encadrement sommés de les poursuivre. Dans le secondaire l’alternance de projets réformistes et de retours à la tradition inquiète.

Que restera-t-il de sa présence rue de Grenelle ? Les moins contestés sont les services développés au bénéfice des parents et des élèves comme le service d’orientation , l’accompagnement scolaire, les cours mis en ligne. Par contre X Darcos a échoué dans sa réforme du primaire, dont les programmes sont rejetés massivement par les enseignants (le sabotage de l’évaluation CM2 le démontre). Il n’a pas su mener à bien la réforme du secondaire.

Au début de son mandat, Xavier Darcos avait su amener à Nicolas Sarkozy une partie des enseignants et se faire accepter des enseignants. Il laisse un ministère au bord de la révolte. La première tache de Luc Chatel sera de reprendre contact avec les personnels et leurs syndicats sans désavouer la politique gouvernemental.. Un vrai challenge

Les réactions à la nomination de Luc Chatel

« Je ne sais pas quelle est sa feuille de route, mais c’est cela qui sera important ». Interrogé par l’AFP, G Aschiéri, secrétaire général de la FSU, veut juger le nouveau ministre sur sa politique. « Le gage qu’il aura à donner est de se battre pour donner des signes différents sur les arbitrages budgétaires que ceux qui se dessinent ».

Le Snuipp élargit la question. Certes il demande au ministre de l’ Education Nationale « de rompre avec la politique éducative menée ces derniers mois, les suppressions de postes ainsi que l’absence de dialogue sociale. Mais c’est aussi la politique éducative de X Darcos qui est ciblée. « Des mesures urgentes doivent être prises comme le retrait des décrets sur la formation des enseignants et la recherche d’ une solution pour les dizaines de milliers de personnels EVS dont les contrats s’achèvent le 30 juin… Il est également nécessaire de remettre à plat un ensemble de mesures comme les programmes, la diminution du temps scolaire ou les évaluations qui se traduisent par un appauvrissement sans précédent de l’école ».

Dépêche AFP

http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/[…]

Pas d’état de grâce pour Luc Chatel

A peine nommé, Luc Chatel , le nouveau ministre de l’éducation nationale, doit affronter les réactions suscitées par le dernier message de son prédécesseur. L’annonce de la suppression de 16 000 postes d’enseignants à la rentrée 2010, soit 3 000 de plus qu’en 2009, fait lever les syndicats.

Le Snes parle de « provocation », évoque « une dégradation de la formation » puisque les emplois supprimés correspondent aux stages IUFM et calcule que « les stagiaires dans le second degré assurent aujourd’hui 8 heures de cours hebdomadaires, soit l’équivalent de 4.500 emplois ». Le Snuipp s’indigne : « Comment comprendre que la formation professionnelle des enseignants soit réduite à la portion congrue, que les lieux de formation que sont les IUFM soient remis en cause, que la formation en alternance risque d’être réduite à un simple compagnonnage au moment où le métier d’enseignant requiert une plus grande professionnalité pour favoriser la réussite de tous les élèves ? Comment comprendre que des lauréats des concours 2010 puissent être responsables de classes sans avoir jamais effectué de stages en responsabilité dans leur cursus ? »

L’Unsa relève les contradictions des discours présidentiels. « L’investissement éducatif devrait être une priorité :il aura été ,de budget en budget, abandonné. Les budgets traduisent la réalité des convictions ». Pour le Sgen « le ministre change, les suppressions de postes s’aggravent ».

Communiqué Sgen

http://www.cfdt.fr/rewrite/article/20390/salle-de-presse/le-min[…]

Communiqué Snes

http://www.snes.edu/spip.php?article17193

Communiqué Snuipp

http://www.snuipp.fr/spip.php?article6479

Sarkozy : Quelle ambition pour l’Ecole ?

« Je veux que l’on propose une solution à tous les adolescents qui sortent du système scolaire à 16 ans sans rien. Je dis que cela nous fait dépenser davantage aujourd’hui, mais que cela nous permettra de dépenser beaucoup moins demain parce que ces jeunes seront alors capables de trouver un emploi, de fonder une famille, d’élever leurs enfants plutôt que de rester en marge de la société. C’est un investissement ». S’exprimant devant le Congrès réuni à Versailles le 22 juin, le président de la République s’est tenu, sur les questions d’éducation, à des propos généraux sans faire d’annonce concrète.

« Je souhaite créer les conditions d’une vie meilleure dans les lycées parce que des lycéens heureux, responsables, considérés, feront de meilleurs élèves et de meilleurs citoyens » a-t-il encore déclaré. « Je veux revaloriser l’apprentissage, la filière professionnelle, la filière technologique, la filière littéraire. Je veux que l’on mette les moyens nécessaires pour en faire des filières d’excellence au même titre que la filière scientifique ». La seule annonce un peu concrète concerne le développement « d’internats d’excellence », une formule qu’il a expérimenté à l’époque où il dirigeait les Hauts-de-Seine.

Les réactions au discours de N. Sarkozy

La FSU estime que « si le président parle en termes généraux de la réforme des lycées, il ignore l’effort indispensable à faire dans tout le système éducatif pour lutter contre l’échec et les inégalités ».

Pour l’Unsa, ce discours est de mauvais augure. « Après des mois de tensions avec les personnels de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche, après des suppressions massives de postes, des provocations inutiles, une perspective d’ensemble, des gestes d’apaisement étaient attendus. Le président de la République ne les pas faits. L’Ecole est réduite dans le discours présidentiel à la réparation des difficultés ou à des formules convenues tant de fois ressassées. L’Ecole n’est plus une priorité : elle devra faire plus avec des moyens diminués. Le président de la République a parlé de changement : l’Ecole n’en connaîtra pas. Sa situation, par les choix budgétaires imposés, ne peut que se détériorer. Le prochain budget l’annonce déjà : c’est une mauvaise nouvelle pour l’avenir ».

Le discours de N Sarkozy

http://www.elysee.fr/documents/index.php?mode=cview&cat_id[…]

« La seule véritable annonce pour les secteurs de l’éducation, la jeunesse et la recherche, c’est le maintien de l’objectif comptable de non remplacement des fonctionnaires partant à la retraite. Cette décision contredit dans les actes la volonté d’investir sur l’Éducation que prétend porter le discours ». Pour le Sgen Cfdt, les propos du président de la République, le 22 juin à Versailles, devant le Congrès, sont « en contradiction avec les enjeux annoncés ».  » L’annonce de la poursuite des réformes des lycées et des universités est insuffisante ; quelles réformes, dans quel but ? » note le Sgen.

La FEP Cfdt (enseignement privé) n’est pas en reste à propos de la réforme des lycées.  » L’intervention du Président de la République hier n’apporte pas de nouvelles perspectives. M. Sarkozy reprend des généralités déjà entendues avec son volontarisme incantatoire, mais sans volonté politique réelle…. Le Président confirme la juxtaposition des filières, sans même envisager la nécessité de casser les hiérarchisations sous jacentes Et pourtant les attentes étaient grandes sur la conception de l’enseignement, sur l’accompagnement des lycéens dans leur parcours, sur la nécessité de découvrir et de s’orienter progressivement… »