Par Martine Ramos
Deux sélections très hétérogènes qui permettent de se laisser aller aux vacances et de revenir enthousiastes pour partager de nouvelles lectures dans l’établissement.
Un cercle bienparticulier
Les auteures
Mary Ann Shaffer a été bibliothécaire et libraire. Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates est son unique roman. Elle est décédée en 2008. Annie Barrows est auteur de livres pour enfants ; elle est aussi la nièce de Mary Ann. C’est un roman écrit à quatre mains, à deux cœurs et à une seule et même voix celle de l’espoir.
Petit résumé du scénario
Londres – Janvier 1946. Juliet une jeune écrivaine cherche un sujet pour son prochain roman ; c’est la lettre d’un inconnu natif de l’île de Guernesey, qui va le lui offrir bien involontairement. Une correspondance va alors commencer. De lettre en lettre, Juliet va découvrir la vie des habitants de l’île sous l’Occupation allemande et l’histoire insolite de leur club de lecture au nom pour le moins étrange inventé pour tromper l’occupant : le « Cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates ». Un jour la jeune écrivaine décide de partir à la rencontre des habitants de Guernesey ; dès lors la vie prend un tournant différent, c’est la deuxième partie du roman.
Avec une finesse d’écriture légèrement surannée, avec une curiosité charmante, avec un attachement certain envers les insulaires de cette petite communauté, le lecteur découvre lentement au fil des courriers l’histoire particulière de Guernesey sous l’Occupation.
Le sourire reste accroché à nos lèvres comme après un roman qui nous a ravi et dont les héros nous sont devenus tellement familiers que nous aurions envie à notre tour d’aller à la rencontre de Juliet, Rémy, Sidney, Dawsey, Amélia, Susan Scott et les autres.
Un roman qui a vocation rhétorique plutôt qu’historique. Un roman éponyme du Club qui séduit tout autant par l’étrangeté de son titre à tiroirs que par le plaisir linguistique de s’entendre énoncer ce titre singulier, inoubliable, presque étrange. Un roman qui grâce à son intitulé crée déjà un cercle à lui seul entre ceux qui savent et les autres.
Les amateurs d’histoire avec un grand H n’y trouveront donc pas leur compte documentaire. C’est un tout autre public qui en est amateur. Ce roman s’apprécie comme un bonbon doux et long à fondre sur la langue ; le gourmand le promène d’un côté de la bouche puis de l’autre, il en apprécie la douceur, cherche à le maintenir entier puis se résout, avec un certain plaisir, à le briser pour en savourer deux petits bouts qui en un rien de temps s’évaporent pour ne laisser qu’une floraison de sucre en bouche comme un appel à une suite.
Mary Ann Shaffer et Annie Barrows. Le cercle littéraire des amateurs d’épluchures de patates. NiL éditions,2009- 390 pages
Et pourquoi pas un manga ?
Zoom sur l’auteur
Le scénario, le dessin et les couleurs ont été réalisés par l’auteur lui même : KIM DONG-HWA. Kim Dong Hwa est un auteur réputé de mangawa coréen. Il est célèbre dans son pays et peu en France où ses premières œuvres commencent à être traduites.
De la poésie dans cette histoire
Isolés dans la campagne coréenne, les habitants âgés pour la plupart, vivent dans le petit village de Yahwari. Leur vie s’écoule paisiblement au gré des saisons. Chaque journée apportant son lot de travail dans les champs et de courrier.
Chaque volume est constitué de petites historiettes qui rendent compte des rapports entre le facteur et les villageois, du poète qui laisse chaque jour un poème dans sa boîte aux lettres au paysan qui surprend notre ami facteur en train de planter des fleurs au bord de la rivière.
Douce et bucolique
Cette série de 4 volumes basée sur les 4 saisons est douce et bucolique. Le lecteur y suit le facteur local jeune observateur philosophe dans sa tournée quotidienne. Ce facteur est l’unique pont entre le monde extérieur (la grande ville) et le village, il est l’ami de tous les habitants connaissant leur vie à tous.
Chaque vignette est finement dessinée comme ciselée avec un certain art et un goût délicat pour la ligne pure et les couleurs chatoyantes. Chaque vignette est une tranche de vie touchante et chaleureuse.
Le ton est donné dès les premières pages : ce sera la campagne coréenne en toile de fond, les couleurs vives, le trait fin, l’histoire brève oscillant entre tendresse et humour respectueux dans la tradition asiatique, le verbe limité à son expression la plus essentielle. L’auteur glisse ses petites scènes, toutes empreintes d’une poésie asiatique certains critiques disent que « ce pourrait être la mise en image de Haïku nippons ». Le facteur à la bicyclette rouge déambule romantiquement dans la campagne. Les maisons ont une adresse pour le moins originale et affectueuse « la maison blanche du chemin bordé de peuplier » ou encore « la maison de la fille au teint pâle ». La poésie est omniprésente, essentielle, vitale, entêtante frôlant parfois une certaine béatitude. Le ton est naîf parfois mais frais et reposant pour sûr. Tanigucchi, grand maître du manga seinen n’est jamais loin de nos pensées même si des divergences se font jour au fil des pages en particulier sur la force narratrice.
KIM DONG-HWA. Kim Dong Hwa . SEINEN. Glénat