Par Jean-Louis Auduc
Les projets de décrets modifiant les conditions de recrutement des enseignants ( Professeurs des écoles, agrégés, certifiés, PLP, Professeurs d’éducation physique et sportive, CPE) ont été rendus publics et vont être examinés dans les prochaines semaines tant par les instances de l’Education nationale que par le Conseil d’Etat et le Conseil supérieur de la fonction publique de l’Etat.
En démarrant fin mai l’examen par les instances compétentes de ces textes, les ministres de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur veulent, à l’évidence, restreindre le champ d’actions de la commission Marois-Filâtre en ne lui laissant que des détails à pouvoir modifier.
Une telle procédure peut poser question quant au fonctionnement de la concertation. Mais, ce qui est révélateur, c’est la logique à l’œuvre dans ces décrets.
Les décrets proposés s’inscrivent dans un décentrage complet de ce qui présidait auparavant au recrutement des enseignants.
Jusqu’en 2009, les deux moments décisifs du processus de recrutement étaient le concours et l’année de stage réservée à la formation professionnelle.
Avec les actuels projets de décret, c’est la préparation au concours qui devient l’enjeu central du processus de recrutement.
Cette modification du moment décisif a des conséquences redoutables.
1) Aujourd’hui, et c’était notamment le cas en 2008 pour 25% des reçus au concours de professeur des écoles dans l’académie de Créteil, des étudiants préparaient par eux-mêmes le concours. Un tel dispositif semble exclu ou tout du moins très difficile par les actuels projets de décrets
2) Pour la période transitoire, cette volonté de mettre au centre du recrutement la préparation au concours et non le concours lui-même conduit à des aberrations : Ainsi, il est écrit que les reçus au concours 2010 dont la première inscription est à la rentrée 2009 ne « peuvent être nommées fonctionnaires stagiaires que s’ils justifient de la validation de leur année ». Cela signifierait l’obligation de s’inscrire dans une préparation pour passer le concours 2010 et d’obtenir une double validation : concours et cursus universitaire. La validation étant défini « «en fonction du travail fourni, des résultats obtenus par l’étudiant et des contenus de formation ». Ce schéma pose d’autant plus question que pour d’autres « les candidats présents aux épreuves d’admissibilité du concours externe 2009 », il n’y aurait aucune exigence, donc ils pourraient avoir eu n’importe quelle note à la session 2009, ils seraient validables sans aucune commission du moment qu’ils aient été présents… La volonté idéologique de valoriser la préparation aux dépends du concours pourrait donc conduire à ne pas stagiairiser le premier à un concours de recrutement d’enseignant 2010, (faute d’une validation « universitaire »), mais de stagiairiser le dernier reçu qui aurait déjà eu l’année précédentes des notes faibles ! De telles procédures vont à l’encontre de la qualité du recrutement et défient le bon sens……
3) A partie du moment où la préparation devient le centre du recrutement au métier d’enseignant, l’année de stage est positionnée différemment avec tous les dangers pour les élèves que d’avoir des enseignants non formés à la diversité des établissements et des élèves. L’année actuelle de stage avait notamment pour intérêt de faire découvrir aux futurs professeurs des écoles les trois cycles ( ce n’est pas la même chose d’enseignement en petite section de maternelle et en CM2) et aux professeurs de lycées et collèges, la différence entre la 6e et la Terminale. Avec un seul stage en année de préparation avant que d’être affecté dans un établissement, cela ne sera plus possible…
4) Enfin, la rédaction des décrets incline à une logique qui peut entraîner d’ici à quelques années la disparition des concours de recrutements nationaux au profit de la validation par des commissions des parcours de formation.
Ces décrets doivent donc être profondément revus dans leur logique et concernant les dispositifs pour l’année transitoire qui doivent à tout prix maintenir l’égalité de tous les candidats réglementairement inscrits à un même concours.
Les enjeux concernant la commission Marois-Filâtre sont donc décisifs :
• Le contenu, les dispositifs concernant l’année de stage doivent permettre à l’enseignant de maîtriser la complexité et la diversité de l’exercice du métier enseignant. Les périodes de formation en établissement scolaire ne peuvent donc y excéder 50% .
• Pour casser la logique voulue par le ministre, faisant de la préparation le centre du dispositif, il faut que les épreuves d’admissibilité des concours aient lieu en fin de première année(M1) afin que la seconde année ne soit ouverte qu’aux admissibles et soient bien identifiée en relation avec le métier enseignant. Faute de quoi, on aura des dizaines de milliers d’étudiants « mastérisés » qui pèseront dans le sens de la disparition des concours.
• Enfin, le fait d’une titularisation départementale des professeurs des écoles et académique des autres corps enseignant doit être l’objet d’une réflexion sérieuse, notamment sur l’intérêt de formations communes CM2/6e à l’heure du socle commun qui semble avoir été l’oublié des réflexions sur le recrutement des enseignants.
Jean-Louis AUDUC
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