Par Jean-Louis Auduc
Au-delà des circonvolutions, des imprécisions des différents textes et communiqués, essayons de voir juridiquement, quelle est la réalité au 15 mai 2009 pour les jeunes se destinant en 2009-2010 au métier enseignant.
La possession d’une licence reste pour le concours 2010 le niveau minimum nécessaire pour s’inscrire à celui-ci. Rappelons ici que pour être candidat à un concours de recrutement d’enseignants, ce qui est indispensable et absolument obligatoire, ce n’est pas de s’inscrire dans une préparation, c’est de s’inscrire au(x) concours concerné(s) d’enseignant auprès des services du ministère de l’éducation nationale.
Les courriers successifs tant du ministère de l’enseignement supérieur que du ministère de l’éducation nationale indiquant que « les concours demeurent pour la session 2010 les mêmes que ceux qui étaient organisés les années précédentes » ne peuvent que signifier juridiquement que toutes les procédures restent les mêmes : Inscription avec possession de la licence ; stagiairisation de tous les reçus aux différents concours, inscrits aux concours quelle que soit la forme de leur préparation : IUFM, CNED, candidats « libres »……
Examinons donc à la lumière de ces principes juridiques, la lettre reçue par tous les présidents d’université et tous les recteurs le 14 mai 2009 de la part de Patrick HETZEL , directeur général pour l’enseignement supérieur et l’insertion professionnelle.
Lorsque Patrick HETZEL écrit : « Conformément au projet de réforme, les étudiants déjà titulaires d’un master ou inscrits en master 2e année à la rentrée universitaire 2009-2010 seront en situation de s’inscrire aux concours. », il enfonce une porte ouverte, puisque cela a toujours été le cas ; la licence n’étant que le niveau minimum requis et non maximum.
La phrase « Pour l’année transitoire 2009-2010, l’inscription en IUFM vaudra également inscription en M1… Les lauréats titulaires du seul M1 seront recrutés comme fonctionnaires stagiaires dès la rentrée 2010 » , ne peut signifier juridiquement que :
– les IUFM, qui ne sont pas encore « dissous » puisqu’ils accueillent en 2009-2010 des PE2 et des PLC2 continueront d’être les lieux de préparations des concours de recrutement d’enseignants, ce qui implique qu’une circulaire fixe rapidement le tarif annuel d’inscription à ces préparations ;
– les IUFM n’ayant pas le monopole des préparations (candidats libres, CNED….), il est clair qu’au nom de l’égalité de traitement de tous les candidats à la Fonction publique, le recrutement comme fonctionnaires stagiaires à la rentrée 2010 s’appliquent à tous les reçus inscrits valablement aux concours de recrutement.
– Les circonvolutions du texte concernant la validation des M1 (voire M2) montre que le ministère continue à hésiter entre un grade de master qui serait donné par la réussite aux concours et la titularisation et un diplôme de master, indépendant de la réussite aux concours. Les deux processus existent dans la fonction publique d’Etat. Choisir entre grade et diplôme sera sans nul doute une des taches de la commission Marois-Filâtre.
Lorsque P. HETZEL écrit « Dès la prochaine rentrée…des stages d’observation, de pratique accompagnée ou en responsabilité rémunérés , …pourront leur être proposés », il semble ignorer ce qu’il a écrit quelques lignes au-dessus concernant le maintien des actuels concours de recrutement et maintient l’ambigüité sur la fonction des stages..
Les concours actuels très disciplinaires et très sélectifs impliquent un travail continu des étudiants pour les réussir. Quel formateur prendra le risque d’envoyer plusieurs semaines en stage des candidats les desservant ainsi par rapport aux préparations qui privilégieront le bachotage continu des épreuves du concours ?
Si le stages sont jugés importants, ils doivent être obligatoires. Facultatifs, ils placent les étudiants qui les suivront en situation d’être moins bien préparer que les autres aux épreuves actuelles des concours.
Enfin , le directeur de la DGESIP indique que « L’année de leur prise de fonction, les lauréats de ces concours bénéficieront d’une formation continue renforcée, prenant la forme d’un tutorat et d’une formation universitaire à visée disciplinaire ou professionnelle. »
Cette phrase est très ambiguë. « L’année de leur prise de fonction » signifie-t-elle, l’année de fonctionnaire stagiaire ou la première année en tant que titulaire.
S’il s’agit de l’année de stage, des questions redoutables ne sont pas traitées :
– Quelle part à la formation dans l’année de stage ? Confier une classe les 2/3 du temps à la rentrée 2010 à un enseignant tout juste sorti du concours parait relever de l’inconscience tant pour les élèves que pour le stagiaire.
– Quel pilotage de cette formation?
– Quel potentiel de formateurs sera utilisé ? Pourquoi ne pas citer les IUFM ? On risque, notamment pour les CAPES d’accentuer la coupure entre formation académique et apprentissage des gestes professionnels en sacrifiant des moments essentiels de formation comme les analyses de pratiques.
– Comment sera évaluée cette formation lors du jury de titularisation ?
– Sur la base de quelles compétences professionnelles indispensables à l’exercice du métier enseignant sera conduite cette formation ?
Là encore, souhaitons que la commission Marois –Filâtre clarifie le processus d’entrée dans le métier enseignant et les différents acteurs concernés entre l’année de stage, son évaluation par un jury et la première année d’exercice comme titulaire.
La lettre de P. HETZEL clarifie la situation pour 2009-2010 où juridiquement rien ne change par rapport à la situation existant depuis une vingtaine d’années.
Nous restons dans le brouillard, un brouillard inquiétant pour l’année 2010-2011 tant du point de vue de l’articulation masters-concours pour le concours 2011 que pour l’année de fonctionnaire stagiaire des reçus aux concours 2010.
Jean-Louis AUDUC
Voir aussi :
La masterisation présentée sur le site du ministère