Par Laurent Piau
Les supérieurs hiérarchiques de l’enseignant
Dans cette rubrique juridique du numéro 103, nous allons étudier les compétences des supérieurs hiérarchiques des professeurs que sont le Directeur des écoles, même si, en réalité, il ne l’est pas, le Chef d’établissement et l’Inspecteur.
A) Le Directeur d’école
Bien que le Directeur d’école ne soit pas le supérieur hiérarchique du professeur des écoles, nous allons quand même l’inclure dans notre étude eu égard aux fonctions qu’il exerce implicitement.
C’est un poste que tout professeur des écoles peut solliciter après trois ans de service effectif dans l’enseignement préélémentaire ou élémentaire. Les candidats doivent, en principe, présenter une candidature et passer un entretien avec une commission de sélection qui établi une liste d’aptitude aux fonctions. La nomination est prononcée par l’Inspecteur d’Académie.
Le Directeur remplit trois missions :
* Il veille à la bonne marche de l’école et au respect de la réglementation : il assure, dans le respect des textes, le bon fonctionnement du service public, il est garant de la sécurité dans l’école, il veille à la diffusion des programmes et des instructions, il autorise les sorties occasionnelles sans nuitée.
* Il administre l’école et les personnels qui y travaillent : il arrête la répartition des classes et des services après avis du conseil des maîtres, admet les élèves et les répartit dans les classes et les groupes, organise le travail des personnels communaux, assure la coordination entre les professeurs et anime l’équipe pédagogique, transmet les absences au service des professeurs à l’Inspecteur d’académie.
* Il représente l’institution auprès du Maire, des parents d’élèves, des associations culturelles et sportives locales et des tiers d’une façon générale. A ce titre, c’est lui qui cosigne avec le Maire les conventions d’utilisation des locaux scolaires.
Si le Directeur d’école n’a pas d’autorité pédagogique sur ses collègues, il est néanmoins en charge de l’animation pédagogique de l’école et du respect des instructions et programmes officiels.
Il a donc implicitement la charge de rapporter à l’autorité supérieure qu’est l’Inspecteur de circonscription, ou l’Inspecteur d’académie, les manquements que des professeurs des écoles pourraient avoir dans l’application de ces instructions et programmes.
B) Le Chef d’établissement
Représentant de l’État dans l’établissement scolaire, il est placé sous l’autorité du Recteur et de l’Inspecteur d’académie. Il est chargé de mettre en œuvre, dans le respect des textes législatifs et réglementaires, les objectifs définis par sa hiérarchie dans sa lettre de mission et est responsable de la sécurité des personnes et des biens de l’établissement.
Le Chef d’établissement à plusieurs missions :
* Il administre l’établissement : Le Chef d’établissement assure donc l’ordre et la sécurité des élèves, des personnels et des biens. Pour ce faire, il conduit l’élaboration, la rédaction et l’actualisation du règlement intérieur et est le garant de son application. Il conduit l’élaboration du budget, le soumet à la délibération du conseil d’Administration et l’exécute. Il organise les élections aux différents conseils, commissions et conférences, les prépare, les préside et assure leur suivi. Ordonnateur, il est responsable de l’exécution du budget et de la mise en œuvre des moyens affectés à l’établissement. Il est notamment chargé, d’une part, de la constatation et de la liquidation des droits et produits, ainsi que de l’émission des ordres de recettes correspondants et, d’autre part, de l’engagement, de la constatation, de la liquidation et du mandatement des dépenses. Il peut créer, sous sa seule signature, après accord du trésorier-payeur général, des régies d’avances et de recettes.
* Il dirige les personnels et la politique pédagogique et éducative : Pour ce faire, il prévoit l’évolution des effectifs d’élèves et des besoins en personnel d’encadrement et d’enseignement pour la rentrée suivante, il répartit la Dotation Horaire Globale, les services d’enseignement et réalise les emplois du temps des personnels dans le respect des dispositions de leur statut en assurant l’organisation des enseignements dans le respect des textes réglementaires et en fonction du projet d‘établissement. Toute proposition, toute décision concernant les personnels et relevant d’une autorité supérieure sont transmises sous son couvert.
Il constitue les classes et les groupes d’élèves et les répartis entre les professeurs, développe les pédagogies de soutien et d’aide individualisée et pilote le suivi de l’insertion et établit, organise et maintient le dialogue avec les parents des élèves. Il élabore, avec le conseil d’Administration l’élaboration, la formalisation, le suivi du projet d’établissement ainsi que la politique d’orientation en fonction des dispositions nationales et académiques. Il vérifie l’assiduité et la ponctualité des élèves mais aussi des professeurs. Il organise les examens qui ont lieu dans son établissement.
Il a pouvoir pour vérifier les cahiers de textes, la régularité des travaux et des évaluations donnés par les professeurs. Depuis la rentrée scolaire 2006, il préside et anime le conseil pédagogique de l’établissement et les conseils d’enseignement.
Enfin, dans ce cadre global, le Chef d’établissement a pour mission d’assurer l’accompagnement des nouveaux personnels et tout particulièrement les personnels non titulaires et d’utiliser au mieux le potentiel de remplacement à disposition de l’établissement.
* Il représente l’établissement : Le Chef d’établissement est le représentant de l’établissement dans les relations de ce dernier avec les associations de parents d’élèves, les collectivités territoriales, dont la collectivité territoriale de rattachement, les partenaires sociaux, les partenaires culturels et sportifs, les entreprises locales, les autres Administrations de l’État telles la justice et les forces de l’ordre, et avec les médias.
Vous aurez donc constaté que, le Chef d’établissement a donc un pouvoir plutôt limité puisqu’il ne peut que :
* Fixer votre emploi du temps. Pour ce faire, il doit être guidé par le seul intérêt du service et des élèves. Eventuellement, il peut tenir compte de vos préférences pour les heures de début et de fin des cours dans la journée ainsi que les éventuels jours de liberté dans la semaine, mais rien ne l’y oblige. Il doit vous fournir un emploi du temps au plus tard le premier jour des cours des élèves et il peut modifier cet emploi du temps au cours de l’année autant de fois que l’intérêt du service l’exige mais seuls les Professeurs de lycée professionnel ont le droit statutaire d’exiger un emploi du temps de leurs heures de cours à horaire hebdomadaire constant. Enfin, il ne peut étendre le temps de service de plus d’une heure supplémentaire au-delà du maxima de service hebdomadaire sans votre accord ni vous demander de remplir des missions qui ne sont pas statutaires.
* Contrôler votre présence au service. Il s’agit, d’une façon générale, de vérifier que vous exécutez bien votre temps de service et que vous le passez bien à transmettre un savoir. Cela étant, il ne dispose pas de la capacité d’apprécier vos compétences pédagogiques, l’évaluation de ces dernières revenant à l’Inspecteur. Le Chef d’établissement a aussi le droit de vous demander de vous expliquer sur toute absence au service non justifiée ainsi que de demander au Recteur ou à l’Inspecteur d’Académie à ce qu’une journée de traitement vous soit retenue s’il considère que cette absence est irrégulière ou non motivée.
* Donner un avis sur votre façon de servir lors de la proposition de note et d’appréciation administrative annuelle. C’est avec l’emploi du temps le deuxième moyen d’action que le Chef d’établissement à sa disposition pour agir sur votre façon de servir puisque le Recteur ou l’Inspecteur d’Académie suit généralement son avis. Il arrive que dans certains cas extrêmes, ces avis soient désavoués.
En tant que supérieur hiérarchique, le Chef d’établissement a autorité sur vous et peut vous donner des ordres écrits ou oraux que, en application des dispositions de l’article 28 de la loi n° 83-634 du 11 janvier 1984, vous avez obligation d’exécuter « Tout fonctionnaire (…) doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l’ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public »(voir rubrique juridique n°99 sur le devoir d’obéissance)
Ne vous aventurez pas dans l’appréciation cumulative de ces deux conditions de refus d’obéissance, mais sachez que votre supérieur hiérarchique ne peut, en principe, vous donner des ordres que dans le cadre stricte de vos fonctions telle qu’elles sont définies par votre décret statutaire et les lois et règlements étudiés dans ce guide.
Le Chef d’établissement peut être secondé par un adjoint, qui l’assiste normalement dans tous les devoirs de sa charge, à l’exception de la gestion matérielle et de la comptabilité administrative et qui le supplée, sauf dans ses fonctions d’ordonnateur, et par un gestionnaire chargé de la gestion matérielle et de la comptabilité administrative.
Vous noterez que l’adjoint n’a pas, réglementairement, autorité sur les personnels enseignants ou d’éducation, sauf en cas d’absence ou d’empêchement du Chef d’établissement. Cela dit, il dispose d’une autorité morale qu’il vous faut respecter.
C) L’Inspecteur
Deuxième supérieur hiérarchique de l‘enseignant; l’Inspecteur a plusieurs missions qui s’exercent dans le cadre de la formation initiale mais aussi dans celui de l‘apprentissage ou de la formation continue.
* L’évaluation des professeurs : c’est la mission que connaissent, et parfois, redoutent, tous les enseignants puisqu’elle consiste en l’inspection individuelle qui vise à apprécier les activités et les compétences des professeurs dans leur domaine propre, le respect des programmes et leur efficacité dans les apprentissages, l’application des consignes pédagogiques, mais aussi l’implication des professeurs dans le fonctionnement général de l’établissement et de l’institution.
* Le conseil : les Inspecteurs ont aussi pour mission de conseiller les personnels dont ils ont la responsabilité, notamment ceux qui débutent, ceux qui sont confrontés à la mise en œuvre de nouveaux programmes ou de nouvelles méthodes et ceux qui ont à connaître de difficultés particulières puisque « Leur compétence et leur pouvoir de conviction constituent des atouts essentiels pour la réussite des actions engagées dans les différents domaines. »…Ce conseil s’apparente souvent à des ordres qu’il vous vaudra mieux suivre si vous ne souhaitez pas vous faire sanctionner lors de l’inspection suivante.
* La formation : les Inspecteurs ont aussi pour mission de participer à la conception, à l’organisation et au suivi de la formation initiale dans les instituts universitaires de formation des maîtres et à la formation continue des personnels dans le cadre du plan académique de formation à la préparation duquel ils collaborent. De ce fait, ils participent à l’affectation des stagiaires, au choix des conseillers pédagogiques, des formateurs et des tuteurs et à l’accompagnement du début de carrière.
* L’expertise : les Inspecteurs peuvent être sollicités par le recteur pour apprécier et évaluer de nouveaux dispositifs éducatifs ainsi que les besoins en équipements qui en découlent. Ils contribuent également à l’élaboration des objectifs et des indicateurs académiques et à l’appréciation du degré de cohérence des enseignements et des dispositifs avec les priorités de la politique éducative dans ses dimensions nationale et académique. Enfin, ceux qui sont chargés d’une circonscription du premier degré doivent, sous l’autorité de l’inspecteur d’académie, assurer le pilotage de la circonscription, suivre les écoles, préparer la rentrée, gérer les relations entre les divers acteurs du système éducatif.
Dans la réalité, les professeurs connaissent surtout les Inspecteurs par leur mission d’évaluation des professeurs à travers l’inspection.
Or, les modalités de cette dernière ne sont encadrées par aucun texte réglementaire ce qui peut ouvrir la voie à tous les abus. En effet, seule la note de service no 83-512 du 13 décembre 1983 modifiée par la note de service no 94-262 du 2 novembre 1994 sert de référence.
Rappelons en préalable, qu’une note de service est, en principe, une instruction du Ministre qui doit être appliquée dans le cadre de l’obéissance hiérarchique. Mais, il faut croire que cette obéissance hiérarchique est à appréciation et application variables selon les fonctionnaires, puisque certains enseignants sont inspectés sans avoir été prévenu, d’autres sans avoir d’élèves, d’autres sans être présents…
Mais, force est de constater qu’en l’absence de dispositions législatives ou réglementaires prévoyant que la note pédagogique, qui doit être attribuée chaque année, doive l’être au seul vu d’une inspection pédagogique individuelle, cela est tout à fait possible.
C’est pourquoi, en cas de refus d’inspection, un Inspecteur pourra parfaitement rechercher si d’autres éléments tels les cahiers de textes, les cahiers élèves, etc. peuvent servir de base à l’attribution d’une note pédagogique. De plus, selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, (arrêts Chéramy, n°115443, et Ledoux, n°115444, du 19 novembre 1993), le refus par un enseignant d’une inspection pédagogique constitue un manquement qui, sans préjudice de l’engagement d’une procédure disciplinaire, peut être pris en compte pour l’attribution de la note administrative. Evitez donc le refus d’Inspection
Il n’existe pas non plus de disposition législative ou réglementaire fixant l’intervalle des inspections même si une pédagogique trop ancienne et reconduite d’année en année est entachée d’erreur de droit et peut, de ce fait, être annulée par le Juge.
Or, le système de promotion d’échelon fait qu’il est toujours plus avantageux d’être inspecté l’année scolaire qui précède un possible changement d’échelon, l’éventuelle augmentation de note produisant alors son effet maximal pour une promotion au grand choix. Certains Inspecteurs maîtrisent parfaitement ce système et en usent, voir en abusent, avec les enseignants qu’ils veulent implicitement favoriser ou pénaliser dans leur carrière.
C’est pourquoi, ce n’est qu’en cas d’abus manifeste, c’est-à-dire d’absence d’inspection durant une très longue période sans motif recevable qu’une action en annulation de note pédagogique voire une reconstitution de carrière au motif de l’inégalité de traitement, pourra être envisageable devant la Juridiction administrative.
Les recommandations ministérielles sont telles que chaque fois que cela est possible, l’inspection individuelle doit s’accompagner d’une réunion d’équipe d’école, de discipline ou de spécialité et que dans le second degré, l’inspection individuelle doit se réaliser, de sa préparation jusqu’à son suivi, en concertation étroite avec le Chef d’établissement.
De ce fait, si la présence du Chef d’établissement durant l’inspection est possible, il ne peut assister à l‘entretien qui suit cette inspection.
Les grilles indicatives de notation pédagogique fixées par le Ministre n’étant qu’indicatives, vous pouvez donc être noté au-dessus ou en dessous des notes extrêmes définissant l’intervalle de notation et aucun recours juridique n’aboutira s’il est basé sur ce seul moyen.
Certains professeurs se plaignent que leurs notes pédagogiques soi-disant trop élevées soient rabaissées par le Chef de service au motif d’une harmonisation. Malheureusement, une fois encore, cela est possible puisque les notes pédagogiques ne sont que proposées au Chef de service par les Inspecteurs.
Les professeurs se demandent souvent ce qu’il convient de faire en cas d’inspection qui se déroule mal et de mauvais rapport d’inspection.
Il faut tout d’abord attendre le rapport d’inspection qui doit, en principe, vous parvenir dans le mois qui suit. En effet, une impression ressentie ne peut servir de base à un recours.
Si ce rapport est manifestement outrancier, et j’insiste bien sur le terme manifestement, vous pourrez alors exercer un recours gracieux ou hiérarchique auprès de votre Chef de service ou auprès du Ministre.
Ce ou ces recours détailleront les points que vous contestez dans l’appréciation de votre pédagogie par l’Inspecteur et vous y joindrez tout document qui vous semble utile. Vous ferez remonter ce recours par la voie hiérarchique et le doublerez par un envoi direct en lettre recommandée avec accusé de réception.
Après réception, votre Chef de service aura alors le choix entre vous faire ré-inspecter, ce qui en principe sera fait par un autre Inspecteur, ou laisser le rapport en l’état, ce qui, en l’absence de réponse, sera un rejet implicite de votre demande.
Vous pourrez aussi demander à ce que votre recours contre ce rapport d’inspection soit étudié par les Commissaires paritaire réunis en Commission Administrative Paritaire Académique (CAPA) ou Nationale (CAPN).
En effet, puisque les commissions administratives paritaires ont connaissance des notes et appréciations, elles doivent avoir connaissance des notes et appréciations administratives mais aussi des notes et appréciations pédagogiques.
D’autant qu’elles pourront éventuellement exercer leur droit de demander au Chef de service ou au Ministre la révision de cette note et de cette appréciation pédagogique.
Je terminerai en vous conseillant d’évitez de parler de harcèlement moral, de diffamation, d’injure à propos d’un rapport d’inspection, d’une part, parce que c’est rarement le cas, les inspecteurs étant suffisamment prudents pour éviter de se mettre dans une telle situation, et, d’autre part, parce que si c’est le cas, le Chef de service, aidé des représentants syndicaux, saura parfaitement le constater lui-même et prendre les mesures qui s’imposent.
Laurent Piau
Laurent Piau, juriste, est l’auteur de l’ouvrage Le Guide juridique des enseignants aux éditions ESF
Sur cet ouvrage :
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