Par François Jarraud
Quelle place pour l’Europe dans les curriculums scolaires ? A quelques jours des élections européennes, la question prend son sens. Les députés européens sont-ils à même d’influer sur les systèmes éducatifs nationaux ? Comment est enseignée l’Europe en France ?
Europe et éducation : il reste à faire
France 5, Centre Europe Direct et la Documentation française organisaient le 6 mai, une journée de débats et rencontres sur l’Europe et l’éducation. Force est de le constater : mal informés, parfois méfiants devant un enseignement qui renvoie à un projet politique, les enseignants ne donnent pas à l’Europe, aux projets européens et à la citoyenneté européenne une place prioritaire.
Cinq temps forts attendaient les congressistes : une présentation de la politique éducative européenne par Frédéric Vincent, membre du cabinet de Jan Figel, la présentation de la vidéothèque européenne EduTube, une analyse sur la façon dont les professeurs d’histoire-géographie abordent la question européenne, la publication d’un sondage sur les rapports entre profs et Europe et enfin le témoignage d’auteurs de manuels européens.
L’éducation c’est 1% du budget européen. Frédéric Vincent a rappelé que l’éducation ne représente que 1% du budget européen. C’est qu’elle reste affaire nationale, dirigée selon les pays soit par l’Etat soit par les collectivités locales (Länder allemands par exemple). L’Union entretient des programmes d’échange scolaire (Erasmus, Comenius, Leonardo) qui rencontrent un certain succès. Pour F Vincent, même si certaines recommandations européennes sont appliquées (pour l’enseignement des langues ou dans l’organisation de l’enseignement supérieur par exemple), on ne vas pas vers une uniformisation des systèmes éducatifs européens.
Un Youtube pour l’Ecole ? C’est justement une nouvelle initiative européenne que Jean- Marc Merriaux, directeur des actions éducatives de France 5, a présenté. Dix-huit partenaires de onze pays européens sont associés, sous le pilotage de France 5, pour réaliser EduTube , une vidéothèque éducative européenne. Elle devrait comprendre environ 9 000 vidéos multilingues, associant des contenus professionnels et des réalisations d’enseignants et d’élèves. Une des difficultés rencontrées pour la réaliser c’est que les enseignants réagissent différemment sur certains thèmes. L’image n’est pas un langage si universel que cela…
Des enseignants réticents envers l’Europe ? Réalisé à partir des abonnés à Curiosphère, un sondage a demandé à près de 2 000 enseignants ce qu’ils pensaient de l’enseignement de l’Europe. Il montre un déficit important d’information : 89% des enseignants ne s’estiment pas bien informés sur les dispositifs européens, seulement 28% connaissent les manuels européens. Les enseignants qui ont participé à ces projets européens sont très satisfaits (91% satisfaits). 74% aimeraient en faire mais ils jugent cela trop compliqué.
Il revenait à Nicole Allieu-Mary, responsable du programme « Enjeux contemporains de l’enseignement de l’histoire-géographie » à l’INRP, d’expliquer ces attitudes face à l’Europe, en s’appuyant sur ses travaux sur les enseignants d’histoire-géographie. Soumis à des injonctions claires d’avoir à construire une citoyenneté européenne, comme leurs aïeux avaient contribué à bâtir sous la IIIème République le sentiment national, les enseignants ne se plient pas à la vulgate officielle. Selon Nicole Allieu-Mary, les enseignants réagissent différemment à ces demandes officielles. En fonction de leur vision de l’Europe, de la citoyenneté mais aussi de la pédagogie, ils se bricolent un discours sur l’Europe tout personnel. Très peu ont un fort sentiment de citoyenneté européenne même si tous pensent participer d’une « européanité ». Le partage est aussi pédagogique. Les enseignants qui ont une vision patrimoniale de l’Europe défendent plutôt une pédagogie traditionnelle. A côté, des enseignants adhèrent à l’Europe comme un projet politique et sont plus ouverts aux projets européens en classe. C’est dire que la dimension européenne perturbe aussi les représentations professionnelles. Nicole Allieu-Mary cite en exemple les manuels européens. Le manuel franco-allemand exige d’enseigner autrement , en favorisant l’approche historiographique, les débats, toutes pratiques perturbantes pour l’enseignant français.
Des manuels qui peinent à trouver leur place. Justement trois manuels européens étaient présenté spar leurs auteurs. Guy Fontaine a pu évoquer les difficultés à réaliser son manuel Lettre européennes (de Boeck), qui est un manuel d’histoire de la littérature européenne. Pierre Escudé est le directeur d’un projet européen qui a donné naissance à Euro-Mania, un manuel d’initiation aux langues romanes. C’est peut-être Guillaume Le Quintrec, un des auteurs du manuel d’histoire franco-allemand (Nathan), qui a rencontré le plus d’obstacles sur sa route. Obstacle pédagogique : les Allemands ont du accepter un manuel « à la française » car les deux pays font classe très différemment. Obstacle idéologique : un communiqué syndical a salué négativement la publication ! Obstacle économique : le manuel peine à trouver son marché.
Finalement ces trois exemples montrent que réaliser un manuel européen reste une gageure. C’est assez représentatif des rapports entre éducation et Europe. Chacun chez soi…
Enjeux contemporains de l’enseignement de l’histoire-géographie
Le manuel franco-allemand passe le Rhin pédagogique
L’Ecole en Europe : chercher le modèle ?
« Depuis quelques décennies on voit apparaître à travers le monde une culture enfantine et adolescente qui conduit les jeunes à s’habiller à l’identique, à écouter les mêmes musiques, à jouer aux mêmes jeux sur la toile. Mais lorsqu’ils quittent chaque matin leur statut de jeune pour celui d’élève, les phénomènes de mode font place… durant quelque sheures, au mode local d’éducation auquel ils sont soumis ». Anne-Marie Bardi ouvre par cette remarque un numéro passionnant de la Revue internationale d’éducation de Sèvres (n°50) qui nous amène droit dans les salles de classe de nos voisins européens.
Fait-on classe de la même façon d’un pays à un autre ? Commençons par l’architecture. De Naples à Londres, de Londres à Oslo, la revue montre à quel point la vie de classe est différente. Ainsi à Naples, l’espace de l’école est utilisé à rebours de l’école française. Ainsi les récréations n’utilisent pas la cour. Au Danemark, l’organisation de la classe n’est aps centrée sur le bureau du maître mais sur les groupes d’élèves.
C’est que les conceptions de l’enfant et du professeur sont parfois aux antipodes. Une très intéressante confrontation attend le lecteur : celle de professeurs stagiaires anglais et français. Elle montre que les enseignants des deux pays ne regardent pas les élèves de la même façon et que , si les uns et les autres cherchent l’égalité, elle passe par des chemins opposés. Au prof qui sait différencier et pousser au maximum chaque élève correspond l’enseignant pour qui l’égalité c’est d’accorder la même attention et les mêmes cours à tous de façon indifférenciée et qui ressent comme une injustice le fait que le s enfants aient des travaux différents.
Si ce numéro répond à notre curiosité de « visiter » les salles de classe de différents pays il nous interroge aussi sur la construction européenne. Comment face à 27 systèmes éducatifs différents chercher l’unité européenne ? Comment des écoles aussi différentes pourraient-elle fabriquer un même citoyen européen ? Sur quel modèle bâtir l’école efficace ?
Le sommaire Revue internationale d’éducation de Sèvres (n°50)
http://www.ciep.fr/ries/ries50.php
L’Europe sommée d’élever le niveau de compétences
« Une main d’œuvre avec peu de compétences n’entraîne pas que ses propres vies dans la pauvreté, elle appauvrit toutes nos vies ». Mike Campbell propose une réflexion sur l’évolution des compétences dans l’Union. Son animation est en anglais mais comprend des statistiques récentes qui montrent les inégalités face aux diplômes en Europe, la préparation inégale de spays pour répondre aux objectifs de Bologne.
L’animation
http://www.ukces.org.uk/docs/00 Speech UKCES 36%[…]
Et l’OCDE : L’éducation aujourd’hui au regard de l’organisation
Quels sont les messages clés de l’OCDE en matière d’éducation ? Que préconise cette organisation ? La publication de « L’éducation aujourd’hui : la perspective de l’OCDE » synthétise les apports des différentes études de l’organisation et présente ses orientations.
Egalité des chances. On retiendra particulièrement le chapitre consacré à l’égalité des chances. » Les pays où il existe le plus grand écart de niveau entre élèves immigrants et autochtones sont l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas et la Suisse » précise l’OCDE. « Dans certains pays, leurs niveaux sont comparables – il s’agit de trois pays d’immigration, à savoir l’Australie, le Canada et la Nouvelle- Zélande, ainsi que de Macao-Chine ». Ainsi en France , la différence de performances en maths est de 70 points pour la première génération et encore de 50 pour la seconde alors que » c’est en dépit d’une attitude généralement positive à l’égard de l’apprentissage chez les jeunes immigrés ». Or pour l’OCDE » il n’existe aucune contradiction entre équité et efficacité en matière d’éducation ». Aussi l’organisation recommande-t-elle de limiter les orientations précoces, de gérer le choix de l’école afin de contenir les risques pour l’égalité (« Le libre choix de l’établissement risque de se faire au détriment de l’équité, et nécessite un encadrement attentif pour veiller à ce qu’il n’accroisse pas les écarts de composition sociale entre les différentes écoles. Lorsque les parents peuvent choisir, les écoles les plus demandées doivent avoir les moyens de diversifier socialement leur recrutement – notamment via des systèmes de loteries »). L’OCDE demande aussi qu’on apporte une aide systématique aux élèves qui prennent du retard et de renforcer le lien entre l’école et les familles.
Oui à l’investissement éducatif. L’OCDE maintient sa position de rentabilité des études. » Si l’on prend en compte les coûts pour accéder au niveau d’enseignement immédiatement supérieur pour établir des « taux de rentabilité individuels », on constate qu’en moyenne, il est toujours payant de passer du premier cycle au deuxième cycle du secondaire… et encore plus rentable de passer du secondaire au tertiaire ». L’OCDE signale les effets bénéfiques des dépenses d’éducation sur la croissance économique et aussi sur le bien être. » Le nombre d’années de scolarisation est corrélé à la santé et au bien-être, ce qui renforce la rentabilité sociale de l’investissement dans l’éducation, diminuant ainsi les dépenses de santé ». En ce sens l’OCDE contredit les partisans de « l’inflation scolaire ».
Education aujourd’hui
http://www.oecd.org/document/32/0,3343,fr_2649_33723_42[…]
La crise relance le débat sur l’inflation scolaire
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2009/05/070[…]