Un plan numérique pour les écoles ruralesLa réduction de la fracture numérique suffira-t-elle à améliorer l’école ? En déplacement à Saint-Thierry (Marne), Xavier Darcos a signé une convention avec l’Association des maires ruraux (AMRF), lançant officiellement le « Plan Ecole Numérique Rurale », une offre d’équipement particulièrement intéressante. « L’école de la nation ne doit pas passer à coté des nouvelles technologies » a-t-il déclaré. « Le développement de l’outil informatique doit être équitable ».
Le principe de l’offre est simple. L’Etat met à disposition des communes rurales (moins de 2 000 habitants) un crédit de 9 000 euros représentant 80% des frais d’acquisition d’un ensemble informatique, les 20% restants étant à la charge de la commune. Fin avril 2009, les inspecteurs d’académie définiront les communes pouvant prétendre à cette offre, la répartition des 5 000 écoles retenues entre départements se faisant au prorata de la part de chaque département dans le nombre total de communes de moins de 2 000 habitants ayant au moins une école. Les contrats-types sont téléchargeables sur Educnet.
L’offre informatique, probablement pré-définie auprès des constructeurs, comprend une classe mobile de 8 ou 12 postes informatiques équipés d’une suite bureautique, un TBI (tableau blanc interactif), une imprimante laser et un réseau wifi. A cela s’ajoute un ordinateur pour l’enseignant. L’accès Internet haut débit fait partie des 20% à la charge de la commune. L’offre comprend également une formation au TBI (3 heures) et à la classe mobile (6 heures). Chaque école bénéficiera aussi d’un crédit logiciel de 1 000 euros à dépenser parmi des réalisations sélectionnées par le ministère. Au total c’est donc 10 000 euros qui est offert par l’Etat à chacune des 5 000 écoles.
Quel peut-être l’impact de cette offre sur l’équipement des écoles ? Une école sur dix va pouvoir en bénéficier. Actuellement 89% des écoles maternelles ont au moins un ordinateur et 99% des écoles élémentaires. Mais le nombre d’élèves par ordinateur reste nettement plus élevé que dans le secondaire : de 20 à 47 en maternelle, de 10 à 27 dans l’élémentaire. Si 91% des écoles élémentaires ont un accès Internet, ce n’est le cas que pour 66% des maternelles.
Une école plus efficace ? Sans doute poussé par la volonté de réaliser rapidement le plan de relance, le ministère a fortement encadré le dispositif. C’est l’inspecteur d’académie qui sélectionnera les écoles. C’est souvent le maire qui choisira le matériel. L’offre logicielle est elle aussi imposée par le ministère. Il s’agit donc d’un « arrosage » vertical avec les risques bien connus de sous-utilisation du matériel. L’Education nationale s’engage, dans la convention signée avec l’AMRF, à « former tous les enseignants des écoles bénéficiant d’une dotation en matériels » et à les accompagner. En est-il vraiment capable ?
Il est frappant d’observer que l’Etat impose et encadre ce qui aurait pu venir du terrain et, inversement, dans le domaine qui lui est propre, celui des programmes, n’agit pas pour donner toute sa part à la culture numérique. Si l’utilisation des TIC fait partie des compétences attendues au primaire, la lecture des programmes du primaire montre que c’est un parent pauvre. Ainsi en cycle des approfondissements, les programmes 2008 ne mentionnent à aucun moment l’ordinateur ou l’informatique. La démarche française peut être comparée à celle adoptée en Angleterre où l’équipement est piloté localement et où les nouveaux programmes nationaux accordent une importance première à la culture numérique.
Ces choix ne doivent pas faire oublier l’essentiel : l’Etat, souvent accusé de refuser des moyens à l’Ecole, y investit 50 millions. On ne peut qu’inviter les enseignants des communes rurales à prendre contact sans tarder avec leur maire.
Le Plan Ecole Numérique RuraleLe nouveau curriculum anglais
Angleterre : les nouveaux programmes du primaire s’ouvrent à TwitterLes enfants d’Albion vont-ils directement sauter dans le 21ème siècle ? C’est le Guardian qui agite en ce moment l’Ecole anglaise en dévoilant, un mois avant sa publication, les nouveaux programmes du primaire. Selon le quotidien, les programmes seront regroupés autour de 6 thèmes d’apprentissage (learning areas) qui remplacent les 13 sujets d’enseignement précédents. Il s’agit de l’anglais, la communication et les langues, les maths, les sciences, l’environnement, la santé et le bien être.
Ce qui éveille l’attention c’est que ces programmes mettent l’accent sur des compétences nouvelles. Le nouveau curriculum affirme que les enfants doivent quitter l’école familiarisés avec les blogs, les podcasts, Wikipedia et Twitter comme sources d’information et outils de communication. Ils doivent savoir écrire aussi bien avec un clavier qu’à la main. Ils doivent dès le primaire être capables d’utiliser un correcteur orthographique dans un traitement de texte. On est loin de l’apprentissage traditionnel de l’orthographe… Pour l’auteur du programme, il s’agit d’atteindre dès le primaire le niveau de compétences TICE demandé actuellement dans le secondaire.
En Angleterre, où les TICE ont su déjà largement pénétrer les classes, le débat se porte plus sur la peur de l’abandon de pans entiers de l’histoire que sur l’apprentissage du clavier ou des blogs en classe. L’éducation à la santé et au bien être gagne aussi en importance avec par exemple un programme apprenant à se comporter face au harcèlement (bullying), la violence scolaire la plus répandue.
Un point particulièrement intéressant du programme est le lien effectué avec les pratiques sociales des élèves. Il s’agit d’apprendre à vivre en société en utilisant les outils de l’univers quotidien des élèves et non d’utiliser les tice pour perpétuer l’enseignement traditionnel. C’est sans doute sur ce terrain que la réforme aura des difficultés à s’imposer car on sait que la pénétration des TIce dans les classes anglaises ne s’est pas forcément accompagnée d’un changement des conceptions pédagogiques.
L’école française à la traîne ? Les enquêtes internationales comme Pisa, celles du ministère dressent un tableau contrasté des Tice dans l’école primaire. Si les écoles sont moins bien équipées que les établissements secondaires, les Tice y sont, d’après Pisa 2000, plus utilisées en classe. En 2000, 60% des élèves de 15 ans déclaraient ne jamais utiliser d’ordinateur en classe, contre un tiers des écoliers. Et on sait le rôle pionnier qu’ont pris de nombreux instituteurs dans l’intégration des Tice et d’Internet à l’école. Rappelons-nous Picquécos ou les sentiers du Vercors…
Inversion de tendance ? Le retard en équipement devrait être rattrapé. Xavier Darcos a annoncé un plan d’équipement des écoles rurales, généralement les moins bien outillées. Selon Educnet, « les 26 milliards consacrés au plan de relance vont financer partout en France des projets concrets… Parmi les 1 000 projets dévoilés : la possibilité, pour les petites collectivités qui le souhaiteront, d’être aidées à se doter d’écoles numériques interactives. Avec les 50 millions prévus dès cette année, ce sont 5 000 écoles rurales qui devraient bénéficier d’un équipement en classe mobile, TBI, ressources numériques, etc. » On devrait connaître très prochainement comment seront répartis les 50 millions entre les écoles. Il restera à penser l’articulation entre cet important effort d’équipement et de nouveaux programmes qui sentent bon la plus Sergent Major.
Article du GuardianLe plan d’équipement des écoles ruralesLe BETTCulture numérique et culture informatique