Evaluations de CM2 : surtout pas de surprise
Lundi 30 mars, le ministère a rendu publics les résultats de l’évaluation de CM2. Selon elle, moins de 15% des élèves auraient des acquis insuffisants. « On le voit notre école fait réussir beaucoup d’élèves. Mais les maîtres, pour assurer à tous la réussite, avaient besoin d’un dispositif efficace de prise en charge des difficultés d’apprentissage. C’est le but de l’aide personnalisée ». C’est avec cette « happy end » que Jean-Louis Nembrini a présenté, le 30 mars, les résultats des évaluations de CM2.
Ces évaluations bilans montrent que 7% des élèves n’ont pas les acquis suffisants en français et 15% en mathématiques. « Des chiffres assez faibles par rapport aux craintes des enseignants. Les évaluations mettent en évidence, par exemple, que les résultats moyens sont meilleurs en « lecture » qu’en « grammaire ». Pour les mathématiques, les résultats sont meilleurs en « calcul » qu’en « grandeurs et mesures ». Selon JL Nembrini, ces évaluations vont permettre « de mieux comprendre comment les élèves apprennent ». Elles seront aussi utiles pour que « à l’échelle de la France, de chaque académie, de chaque département, les responsables disposent d’un instrument de pilotage identique ». Autrement dit ces évaluations seront à la fois diagnostic et bilan. C’est fort, non ?…
Diminuer la tension. Ces résultats sans surprise, qui se vérifient également au niveau local, ont au moins l’avantage de diminuer la tension dans l’école élémentaire, un endroit où la cote de popularité du ministre est au plus bas. Pour le reste, on ne sait trop quelle valeur leur attribuer. Selon le ministère, 78% des élèves auraient subi le test, un chiffre qui paraît bien élevé. Car un syndicat d’inspecteurs, le SNPI FSU, avait dénoncé début mars une « manipulation des statistiques » pour « gonfler les statistiques des remontées des évaluations CM2 », confirmant de nombreuses « adaptations » des tests effectuées sur le terrain. Lundi 30, le Se-Unsa évoquait « une auto-célébration » et dénonçait « l’instrumentalisation » d’une évaluation.
La culture d’évaluation mise à mal. Ce qui est certain c’est que ce test ministériel a été moins bien accepté par les enseignants que ses prédécesseurs. Alors qu’une évaluation de l’efficacité de l’Ecole est nécessaire, ce test a plutôt retardé l’installation d’une véritable culture de l’évaluation. La prochaine évaluation aura lieu en CE1. Le ministère sera-t-il capable de mieux faire ?
– Le reportage du Café
– Communiqué ministère
– Communiqué Se-Unsa
– Dossier évaluation de CM2
– X Pons : sans évaluation on prive les familles d’une politique éducative
Pour le Sgen, l’évaluation de CM2 est « catastrophique »
» Changer les outils d’évaluation n’est pas de nature à en faire des outils pertinents que les enseignants utilisent pour modifier leurs pratiques et améliorer les résultats de leurs élèves ». Le Sgen-Cfdt déplore que » le ministère ait voulu transformer des évaluations diagnostiques de début de cycle en évaluations bilans de fin de cycle. Pour renseigner ses indicateurs LOLF (Loi Organique relative aux Lois de Finances), au lieu de procéder par sondages, il a choisi de faire croire aux enseignants et aux parents qu’il s’agissait d’évaluations formatives destinées à aider les élèves dans leurs apprentissages. Un tel mélange est catastrophique et décrédibilise totalement l’idée même d’évaluation » note le Sgen.
Pour lui, « cette publication a pour seul mérite de montrer la grande hétérogénéité des résultats… La politique d’éducation prioritaire est délaissée depuis des années, à l’évidence les résultats des évaluations soulignent ce que savent tous les observateurs : il faut relancer les ZEP ! »
Communiqué
La FCPE dubitative
« La FCPE aimerait que le ministère explique comment il s’y est pris pour agréger des résultats qui ne peuvent être comparables, du fait que les enseignants n’ont pas tous fait passer la totalité des items ou ne les ont pas tous évalués selon le barème national. Elle aimerait en particulier savoir comment sont comptabilisés les résultats des élèves sur les items de la deuxième partie du programme de CM2, qui n’avait pas encore été traitée en janvier ». Les parents de la FCPE ne semblent pas convaincus de la qualité des données présentées le 31 mars par le ministère. Une opinion partagée par plusieurs syndicats.
Communiqué
Rémi Brissiaud donne une leçon…
« L’analyse de l’erreur de l’élève de droite est assurément inadaptée concernant la connaissance des nombres décimaux, elle est hasardeuse concernant la connaissance du mécanisme de la soustraction et celle des tables d’addition. On a dès lors du mal à croire à la dernière phrase : « Grâce à ce type d’analyse, les maîtres ont pu apporter aux élèves une aide immédiate, précisément ciblée pour surmonter chaque difficulté repérée ». Pauvre élève qu’on aura considéré(e) comme sachant manier les décimaux et connaissant le mécanisme de la soustraction alors qu’on n’en a aucune certitude et qu’on aura mobilisé(e) sur l’apprentissage des résultats d’addition alors qu’il est bien possible qu’il (elle) les connaisse ». Rémi Brissiaud, Maître de conférences de psychologie à l’Université de Cergy-Pontoise (IUFM de Versailles, met en doute l’analyse donnée par M Nembrini, patron de la Dgesco, de données mathématiques.
Documentaire
Le débat continue
Fiables ou pas ? Oui, affirme la Peep qui voit dans ces évaluations « des résultats riches d’enseignements ! … Ils présentent une France multiple, riche de pratiques de réussite qu’il convient de partager afin qu’un maximum d’élèves aient les meilleurs atouts à l’entrée au collège ». L’association de parents d’élèves met notamment en cause l’enseignement des maths. » Avec 15 % d’élèves qui éprouvent de sévères difficultés en mathématiques, il semble important qu’une réflexion soit menée sur la manière d’enseigner cette discipline ».
Le Snuipp, après le Se-Unsa, met en doute la fiabilité des chiffres ministériels. « Alors qu’un grand nombre d’enseignants ont suivi les consignes syndicales de ne faire passer aux élèves que les exercices sur les notions travaillées et de ne faire remonter que les résultats aux exercices réellement réalisés, chacun s’interroge sur la fiabilité de ces évaluations. Quel crédit donner alors aux résultats présentés par le ministère ? Comment ont été codés les exercices non passés par les élèves ? Quelle fiabilité accorder à une évaluation aussi mal ficelée ? » Concernant les maths, le syndicat demande « est-ce le résultat de programmes inadaptés en mathématiques ou d’exercices d’un niveau de difficultés trop élevé à cette période de l’année ? »
Communiqué Snuipp
Evaluation de CM2 : « Tout ça pour ça ? »
« Cette grande opération n’a donc servi à rien et comme elle n’a servi à rien, on recommencera l’année prochaine. Les complaisants diront que cela sera mieux l’année prochain e. Il est vrai qu’il est impossible que ce soit pire ». Pierre Frackowiak revient sur l’évaluation de CM2 dont les résultats viennent d’être publiés après des mois de tension avec les enseignants : « Tout ça pour ça ? »
Car tout ce trouble, toute l’énergie dépensée à défendre des évaluations mal pensées, ont détourné l’Ecole des vrais problèmes : l’organisation des rythmes scolaires, du soutien, des pratiques pédagogiques. « Les enfants sont contents, les parents aussi, les sondages sont bons… Il n’en faut pas plus pour que le ministre soit content et que toute la pyramide soit contente qu’il soit content ».
Lire la tribune de P Frackowiak
Les évaluations de CM2 contestées aussi en Angleterre
« Ne croyez pas les résultats des tests disent les directeurs ». Le Guardian met en garde le public au moment où le ministère publie les résultats des évaluations nationales. En Angleterre ces données sont publiées établissement par établissement et sont utilisées par les parents pour choisir une école. Le Guardian rappelle que les tests ont été entachés de nombreux incidents techniques et publiés avec trois mois de retard. Pour 164 écoles les résultats seraient incomplets. Des enseignants doutent de leur sérieux alors que le gouvernement les défend : selon lui moins de 1% des résultats seraient sans valeur.
Au niveau national, les résultats montrent que 28% des élèves n’ont pas atteint le niveau attendu en lecture et maths.
Article du Guardian