Un atelier GFEN, c’est un continent à part entière. Vous le raconter sans que vous l’ayez vécu, c’est comme tenter de vous faire goûter aux parfums d’un pays lointain sans y avoir été… Malgré tout, quelques traces d’échanges d’une mise en situation…
Dans l’atelier « évaluation », plusieurs tâches ont été organisées en parallèle. Deux groupes travaillent avec des documents issus de classes, et doivent reconstruire les mobiles de l’enseignant : ici, inventer des outils pour rendre lisible l’évaluation pour les familles, favoriser l’auto-évaluation par les élèves.
Ca discute ferme dans l’atelier : auto-évaluer, certes, mais comment ne pas entretenir les malentendus, entre l’élève qui dit « j’ai beaucoup travaillé » et l’enseignant qui pense « tu n’as pas forcément beaucoup appris »… ? Supprimer les notes, oui, mais quand on utilise des codes-couleur, est-ce qu’on change forcément la représentation qu’ont les élèves de l’évaluation-sanction ? « Nous, on remplace par acquis/non acquis, pour éviter le terme échec ». « Certains élèves mettent un certain temps à ne plus se survaloriser, ou au contraire sous-valoriser, précise l’animateur. Mais on commence à construire un regard réflexif des élèves sur leur activité, c’est important. Ils commencent à pouvoir nommer des concepts, à avoir des mots pour parler du travail et des apprentissages».
Un participant fait le lien avec le portfiolio des langues. la controverse se poursuit : « Mais parler de compétences, est-ce qu’on ne risque pas de glisser vers des micro-tâches ? » « La compétence, ce n’est pas savoir colorier une carte, c’est savoir quelque chose en géographie », réagit une autre, qui a encore l’intervention de S. Bonnery en tête. On l’interroge sur la place des parents : « signer, certes, mais pourraient-ils pas aussi avoir une place pour écrire ? »
Le second degré reprend la main : « mais alors, comment faites-vous pour les notes ? » « Mais aucun texte n’impose des notes dans le second degré, sauf la récente note de vie scolaire, réagit une chef d’établissement. C’est un habitus qu’on a intériorisé et qu’on n’ose plus discuter ».
Jouer le réel pour le décrypterLa pendule presse. C’est le moment pour une nouvelle mise en scène : on joue le conseil de cycle où on fait le bilan de l’évaluation CE1 : un mètre cinquante d’items réussis ou échoués dont on ne sait pas trop que faire. On se plaint du contenu de l’évaluation. On repère les exercices échoués. La maîtresse du RASED souligne qu’elle n’a pu remédier à tout. L’enseignant de Zihad se plaint de son comportement….
Un deuxième groupe joue la même scène et complète la vision : comme dans la vraie vie, les enseignants se plaignent de l’outil proposé par la directrice : « c’est illisible ! On n’y comprend rien ! Evaluer en binaire, ça ne nous convient pas ! Que faire avec ça ? ». Une enseignante ose cependant jouer une posture positive : « On peut faire des projets individuels pour travailler en remédiation, mais aussi prendre appui sur les domaines les plus échoués pour organiser les situations d’apprentissage correspondantes en compréhension ou en production d’écrit ». Mais ses collègues sont tentés de botter en touche, soit en renvoyant sur les classes précédentes la charge de ce qui aurait du être fait, soit en critiquant les tâches évaluées.
Percevoir les contraintes pour pouvoir agirL’animatrice stoppe le jeu pour permettre à l’atelier de revenir sur ce qui s’est passé. Elle relie à son propre vécu, qui l’a amenée à construire cet atelier : « Dans mon école, cette réunion a été beaucoup plus violente encore, mais on a vu à l’œuvre tous ces comportements ». On prend conscience de mécanismes à l’œuvre : « si c’est le maître E ou le directeur qui fait le travail, on renforce le traumatisme du point rouge. C’est collectivement que le travail d’analyse doit être fait, pour discuter les critères de l’évaluation en même temps qu’on commence à chercher des pistes ». C’est oser «s’attaquer au métier » comme le demandait Yves Clot la veille. « C’est parce que nous sommes des professionnels qui travaillons « porte fermée » que nous avons du mal ».
Les animateurs synthétisent : « votre analyse se décale : des difficultés des élèves, vous passez aux difficultés des enseignants ». Comment passer du « voir » au « regarder », des « élèves en difficultés » aux « difficultés à apprendre » ? Comment sortir de la culpabilisation, de la peur de ne pas y arriver, de la contrainte de l’injonction institutionnelle qui se défausse sur les équipes sans organiser le pilotage ? ».
A la lueur de l’expérience de l’atelier, on demande à chacun de rédiger rapidement un «principe » qui pourrait guider l’aide : «Changer de regard », « passer de l’aide à l’entraide », « se regarder faire », «rendre l’école lisible aux parents»…
L’atelier est trop court, il faut aller manger. Une seule certitude : la discussion va continuer, dans les têtes de chacun et autour des tables du restaurant…
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