François Jarraud
Après des déclarations sévères du ministre sur la série ES, voici qu’un rapport montre les limites de la filières S. C’est tout le lycée qui devrait être recomposé.
Le rapport sur la série S veut retarder la spécialisation des lycéens
« La mission ne préconise ni un renforcement de la spécialisation des trois séries générales, ni une fusion de ces dernières qui conduirait à former de la même manière tous les élèves. Au cycle terminal de la voie générale, l’élève doit construire son parcours de formation au fur et à mesure que ses goûts et que ses aptitudes se révèlent, c’est à dire progressivement. La progressivité dans la construction de son parcours permet à l’élève d’affiner son projet, de l’ajuster ou même de le revoir ». Le rapport sur la série S, rédigé par les inspecteurs généraux Jean Moussa, Claudine Peretti et Daniel Secrétan, était guetté. Il vient après un rapport sur la filière L et au moment d’une polémique sur la série ES. Enfin il est publié alors que la crise de la série la plus prestigieuse du système éducatif français est éclatante : une série au recrutement de plus en plus socialement ségrégatif mais qui échoue à produire les étudiants en sciences nécessaires. C’est clairement signifier un certain échec de l’orientation dans le secondaire.
Ainsi les rapporteurs démontrent d’abord l’inefficacité du système des options en seconde. » La classe de seconde ne joue pas son rôle de classe de détermination. Cela tient d’une part à la méconnaissance qu’ont les élèves et les familles de la nature et des débouchés des différentes voies de formation, et d’autre part aux effets pervers du choix des options. Ce choix est en effet opéré dans une liste trop étendue et difficile à décrypter qui ne place ni les familles, ni les établissements, en situation équitable et il est souvent ressenti par les différents acteurs comme une prédétermination à entrer dans telle ou telle série ». Aussi proposent-ils de remplacer les options par un « parcours de formation » qui permettrait de faire découvrir aux élèves les finalités et méthodes des différentes filières. » Cette préparation au choix d’un parcours de formation s’appuierait sur des activités de découverte ; leur cadre réglementaire serait déterminé par un cahier des charges et non par un programme ; les lycées les déclineraient en fonction du projet d’établissement, du contexte local, des partenariats possibles (avec des universités, des établissements technologiques voisins, des institutions culturelles…), des compétences disponibles dans l’établissement, et des intervenants extérieurs susceptibles d’être mobilisés ». C’est le modèle des TPE qui est évoqué ici.
En première et terminale tous les élèves partageraient un tronc commun avec des enseignements d’approfondissement. Ces derniers pèseraient peu en première face au tronc commun et c’est seulement en terminale qu’une véritable différenciation se ferait avec un renforcement des options. On aurait ainsi gagné une autre année à la confirmation des choix des lycéens. Les auteurs ne croient pas qu’un renforcement de l’identité scientifique de la série répondrait aux attentes. Au contraire ils estiment q’un style d’enseignement des sciences explique le désintérêt des élèves pour les formations scientifiques. » L’effondrement numérique des premiers cycles universitaires en sciences fondamentales, associé à l’attrait continu des études économiques, financières, et médicales, et à l’absence d’effondrement dans le domaine des sciences appliquées plaide en faveur du caractère expérimental de l’enseignement qui a permis de contrarier, au moins partiellement, le phénomène de désintérêt pour les sciences constaté dans la plupart des pays. Sur ce point, la crainte de voir l’Europe manquer de scientifiques a conduit un groupe d’experts mandaté par la Commission européenne à prôner un revirement dans l’enseignement des sciences pour passer d’une méthode déductive à une méthode basée sur le questionnement qui accroît l’intérêt des élèves pour les sciences, notamment des filles, et la réussite des élèves de milieux défavorisés comme favorisés ».
Cette réforme serait-elle à même de lutter contre les volontés ségrégatives à l’œuvre dans le système éducatif ? Au moins pourrait-elle aligner notre système éducatif sur ceux de nos voisins qui n’ont pas forcément des résultats inférieurs (voir Pisa 2006). » L’organisation en séries de la voie générale est une particularité française » écrivent les auteurs. « Lui substituer une logique de construction de parcours de formation faciliterait la réussite du projet professionnel de l’élève, et permettrait un rapprochement des pratiques rencontrées dans différents pays de l’Union européenne. Cela favoriserait les échanges et la reconnaissance des formations et des diplômes entre les pays ».
Le rapport
http://www.education.gouv.fr/cid20703/la-serie-scientifiq[…]
Bac S que de déceptions !
Les maths dominent toujours la réussite au bac
« Certaines épreuves, lorsqu’elles sont réussies, assurent une forte probabilité de succès. A l’inverse, lorsque le candidat obtient une note insuffisante dans une autre matière, sa probabilité d’échec peut être plus ou moins forte… Il apparaît que dans la spécialité sciences économiques et sociales de la série ES , un candidat qui a réussi l’épreuve de mathématiques a une probabilité de réussite supérieure à la moyenne (graphique 6 a)) : près de 90 % des candidats qui ont eu plus de 10 en mathématiques réussissent dès le premier groupe. C’est aussi le cas dans la spécialité mathématiques de la série S (96 %)… ». L’étude ministérielle sur la docimologie du baccalauréat de la session 2003 permet ainsi d’identifier, pour chaque bac, les matières « à ne pas louper ». On pourra retenir de cette étude que, très souvent, les maths et les sciences déterminent la réussite, même quand elles n’ont pas un coefficient écrasant. Car à coefficient égal, la situation des matières peut différer. L’étude se situe également au moment où le ministère envisage un bac « allégé ». C’était un projet de F. Fillon, gelé depuis les manifestations lycéennes. Ce bac continuerait à s’appuyer sur des épreuves traditionnelles mais moins nombreuses et donc coûteuses. Elle met en évidence ces matières incontournables.
Mais, dans l’immédiat, il apporte des informations et des perspectives de débats précieuses aux lycéens et à leurs enseignants.
http://www.education.gouv.fr/stateval/dossiers/listedossi[…]
Bac S : que de déceptions !
En baisse constante depuis 1995, la série S reçoit la moitié des bacheliers généraux, principalement des enfants de familles favorisées (40% d’enfants de cadres) et une majorité de garçons (55%). Cette série des élites accueille aussi bien des déceptions. Selon une étude ministérielle, seulement 44% des jeunes y entrent par goût des matières scientifiques. Pour un tiers des lycéens, l’orientation en S répond au désir de laisser le plus de portes ouvertes. C’est sans doute pourquoi les inscriptions en Deug scientifiques baissent : « l’intérêt pour le contenu des études dans lesquelles ils s’engagent est souvent moins marqué chez les bacheliers S inscrits dans une filière scientifique que chez ceux qui poursuivent dans d’autres filières » . 60% des bacheliers S s’inscrivent en université, 20% en Cpge et 20% en Iut ou STS.
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni/ni2005/ni0515.pdf
Bac S : un bac peut en cacher un autre
« Les 4 spécialités du bac scientifique se caractérisent par des populations différentes en nombre, taux de réussite, sexe, âge et origine sociale » affirme une étude ministérielle sur « la docimologie du bac scientifique ». Au sein de la filière d’élite du système éducatif français, la sélection sociale s’opère violemment. Un univers sépare les bacheliers des sciences de l’ingénieur ou des SVT des purs matheux. Ceux-ci sont majoritairement masculins et de milieu très favorisé alors que la spécialité SVT accueille majoritairement des filles et comptent un plus fort pourcentage d’élèves de milieux défavorisé ou moyen. Les sciences de l’ingénieur se caractérisent par leur très forte masculinité (90 % !) et leur plus large ouverture sociale (20% de défavorisés). Au sein de l’élite, ségrégation sociale et préjugés perdurent…
ftp://trf.education.gouv.fr/pub/edutel/dpd/ni/ni2005/ni0538.pdf
Le rapport Legendre regarde le bac dans le rétro
Les sénateurs vont-ils imposer le bac de leur jeunesse ? C’est la question qui vient aux lèvres en lisant le rapport de la commission Legendre chargée de faire « un état des lieux » du bac. Un rapport fort habile puisque, tout en affirmant la nécessité de sa démocratisation, la commission propose des mesures qui ramèneraient loin en arrière le bac.
« Le nombre de bacheliers (est) encore trop insuffisant en France » affirme la commission et elle n’a pas de mal à trouver des chiffres qui montrent que « la proportion de bacheliers dans une génération est nettement plus faible qu’elle ne l’est en moyenne dans les pays de l’Ocde », ce qui est vrai également pour les étudiants. « Il faut donc à nouveau élargir l’accès au baccalauréat » conclue la commission.
Mais les propositions du Sénat vont en sens inverse de la démocratisation. Ainsi l’angle de vue qu’ils choisissent pour le système éducatif est tout à fait traditionnel : « il faut que le collège devienne l’antichambre des études générales, technologiques et professionnelles » ce qui revient à garder le modèle du lycée comme l’unité de mesure de tous les niveaux du système éducatif.
Que proposent-ils d’autre ? D’abord de confier à des universitaires la confection des sujets, la présidence des jurys et même les programmes du secondaire. Les universitaires définiraient les « pré requis » de chaque filière à acquérir au lycée. Ce qui ne peut que pousser à ce que, de diplôme de fin d’étude, le bac devienne un examen d’entrée en université. Bientôt un concours…
Irait dans le même sens la suppression du second groupe d’épreuves qui serait remplacé par une nouvelle session en septembre. En obligeant les élèves qui ont du mal à faire une dissertation à repasser la même épreuve, en retirant les épreuves de nature différente où ils peuvent gagner des points , la commission Legendre est certaine de réduire le nombre de bacheliers. D’ailleurs elle se dit attachée aux dissertations, critique envers les options, soupçonneuse pour les critères de notation.
Faut-il craindre cette offensive contre le bac ? Alors que le gouvernement a entrepris une réforme du lycée, le rapport de la commission est en contradiction avec les orientations prises.
Le rapport
http://www.senat.fr/noticerap/2007/r07-370-notice.html
Sur le Café, le Guide du bac et du brevet
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/dossierB[…]
Pour aller plus loin
Le Guide du bac et du brevet 2008 propose des analyses sur le bac : le bac est-il juste ? Le bac et la recomposition du lycée etc.