Après avoir cédé à la grogne universitaire sur le statut des enseignants-chercheurs, totalement réécrit sous la pression des syndicats et des collectifs, le gouvernement mène un dernier combat sur la formation des enseignants. Enjeu : pour le gouvernement plusieurs milliers de postes économisés par la suppression des stages lors de la première année, pour les étudiants et formateurs : assurer une formation professionnelle suffisante.
Les « précisions » apportées par X Darcos et V Pécresse à la réforme de la formation des maîtres le 12 mars permettront-elles une sortie de crise ? Alors que le mouvement universitaire ne faiblit pas et qu’il se focalise sur la formation des enseignants, le gouvernement modifie légèrement son projet initial.
Il reconnaît sans le dire l’impossibilité de tenir le calendrier de la réforme et propose son étalement. Si « le processus sera lancé dès la session 2010… cette réforme verra son aboutissement à l’occasion de la session des concours 2011 » précise la note ministérielle. Elle confirme que « les modalités de la masterisation auront un caractère transitoire » en 2010.
Les épreuves de la session 2010 auront-elles aussi un caractère provisoire. « Pour la session 2010 des concours du second degré, une épreuve disciplinaire comparable à une des épreuves existantes précédemment se substituera à l’épreuve de connaissances générales du système éducatif qui était initialement prévue… Quant à l’agrégation, ses épreuves demeureront en l’état. Pour la session 2010 des concours du premier degré (CRPE), les épreuves écrites continueront de comporter une composante didactique ».
La formation professionnelle, point noir du conflit, doit passer par des stages. Le ministre avance un peu sur ce terrain. « Dès la rentrée universitaire 2009, un dispositif de stages sera organisé pour tous les étudiants de M1 et de M2 se destinant à l’enseignement afin de permettre une préparation progressive à l’exercice du métier d’enseignant. Ces étudiants stagiaires seront encadrés, d’une part, par des professeurs d’accueil ou référents de l’Education nationale et, d’autre part, par des formateurs universitaires qui seront responsables de la validation des stages ainsi que de leur bonne insertion dans le cadre des masters. En M1, les étudiants se destinant à devenir enseignants pourront ainsi bénéficier de stages d’observation et de pratique accompagnée d’une durée de 108 heures. De même, des stages en responsabilité d’une durée également de 108 heures seront proposés aux étudiants de M2. Ces stages en responsabilité seront rémunérés ».
Des aménagements seront faits pour faciliter l’accès des étudiants défavorisés au master. Des 2009, 12 000 bourses au mérite de 2 500 euros seront attribuées pour l’année de M2 aux « meilleurs étudiants de M1 ». 50 000 stages en responsabilité seront rémunérés 3 000 euros pour 108 heures. 5 000 postes d’assistants d’éducation seront réservés aux étudiants de M2 et 4 000 pour les M1. Enfin tous les candidats présents aux épreuves 2009 pourront se présenter au concours 2010.
A la demande d’une année d’entrée dans le métier en alternance, le ministre répond toujours par un « accompagnement ». « Chaque jeune enseignant stagiaire sera accompagné par un tuteur dont la fonction sera reconnue et valorisée… Dans le premier degré cette fonction s’appuiera sur les professeurs des écoles maîtres formateurs (PEMF) ».
Alors que le Se-Unsa et le Snuipp avaient exprimé le 12 mars leur demande d’un report de la réforme, la légère évolution effectuée par le ministère est-elle susceptible d’être acceptée ?
Communiqué ministériel
http://www.education.gouv.fr/cid24068/le-recrutement-et-l[…]
Reportage : Formation des enseignants : turbulences grandissantes
Dans la mobilisation de l’Université, un des points d’achoppements persistants est celui de la formation et du recrutement des enseignants, dans le cadre de la masterisation. Lancée par un appel le 11 janvier, à l’initiative de Sylvie Plane, Claire Pontais et André Ouzoulias, la coordination nationale des enseignants d¹IUFM tenait samedi une seconde réunion nationale, au lendemain de la coordination nationale des universités. 19 IUFM y étaient représentés, mais étaient aussi présents des universitaires venus faire le lien avec le mouvement global de l’Université, inquiets pour l’avenir.
Le reportage du Café
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/coll[…]
Analyse : Les dix nouveaux commandements
La réforme (ce mot a-t-il encore un sens ?) de la formation des enseignants, qui fait actuellement l’objet de vives critiques, n’est-elle qu’un moyen de faire des économies, ou vise-t-elle à transformer en profondeur la culture et les ambitions de l’école de la République ? Nombre de points de vue exprimés dans les colonnes du Café le pensent.
Mais s’il fallait un signe de plus, un indice, le projet de texte régissant l’organisation de la formation, que le Café s’est procuré, l’indique dans d’un bref paragraphe, définissant le « métier d’enseignant » d’une manière radicalement différente de ce qui était énoncé dans les « dix compétences fondamentales pour le métier d’enseignant », publiées en 2006 par un ministère dont l’orientation politique était pourtant proche…
Qu’on en juge :
– « maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale », « agir en fonctionnaire éthique et responsable », « se former et innover » ne sont plus cités.
– « faire cours et faire apprendre » remplace « organiser le travail de la classe »,
– « individualiser son enseignement » remplace « prendre en compte la diversité des élèves »
– « évaluer les aptitudes » remplace « évaluer les élèves »
– « exiger des efforts et donner confiance », « percevoir les talents », « aider l’élève dans son projet d’orientation » viennent remplacer « travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’Ecole ».
Derrière les mots, toute une idéologie : celle de l’individualisme, des dons, du mérite. Le gouvernement pousse sa logique à l’extrême : le social n’existe plus, le collectif non plus.
Ce texte est évidemment un épiphénomène, mais il en dit long sur ce qu’on veut faire à l’Ecole. C’est bien d’une révolution libérale qu’il est question. Rien d’étonnant, dans une telle perspective, que le ministre refuse d’entendre la question essentielle de l’articulation entre les phases de prise en main de la classe et le retour réflexif indispensable pour apprendre à faire son métier, comme le font les médecins ou les plombiers.
Pourtant, la question essentielle devrait être de construire une formation initiale permettant d’armer des jeunes enseignants à entrer dans un métier de plus en plus difficile :
– maîtriser les savoirs à enseigner, évidemment, mais aussi pouvoir commencer à comprendre les difficultés d’apprentissage des élèves, leurs différentes manières de vivre l’Ecole, l’irruption des difficultés sociales dans l’Ecole…
– apprendre à « faire classe » pour ne pas en rester à « faire cours », enchaîner les multiples micro-décisions qu’il faut prendre à chaud à tout moment de la journée, gérer sa propre activité sans trop s’user prématurément, gagner en sécurité personnelle…
– travailler collectivement pour pouvoir ensemble s’attaquer aux difficultés du métier et à sa pénibilité, mesurer l’importance du travail d’équipe pour faire vivre l’école, assumer les relations avec les familles et les « partenaires » avec le recul nécessaire…
On en est loin. Et une chose semble certaine : si dans les prochaines semaines ce projet reste en place, les élèves et les enseignants n’ont pas fini d’en payer le prix.
M. Sapiès.
Analyse : Une autre identité professionnelle ?
« Avant on préparait au «savoir enseigner». Or le nouveau concours évalue un «savoir parler sur» le système scolaire et sur le savoir gérer. La nouvelle rhétorique du ministre «recruteur » et les textes de présentation des nouveaux concours annoncent des traits de professionnalité étrangers à la culture du monde de l’école et à la recherche en éducation ». Dans Fenêtres sur cours, Henri Peyronie, professeur en sciences de l’éducation à Caen, analyse en termes sociologiques les modifications introduites par la nouvelle formation des enseignants.
« Avec des épreuves de concours destinées à évaluer, non plus des compétences académiques, mais la capacité à tenir des discours au plus proche des idéologies managériales, le statut change. En termes de sociologie du travail, la fonction enseignante passe – avec ce projet – d’un statut de «profession» (caractérisant traditionnellement: avocats, médecins, professeurs d’université et de lycées) dont les caractéristiques sont des études longues, une autonomie professionnelle et une évaluation par les pairs, vers un statut de «métier» (caractérisant les travailleurs plutôt dominés) ».
FSC n°325
http://www.snuipp.fr/IMG/pdf/fsc325.pdf
Dossier « Former les enseignants »
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/Reforme[…]
Peut-on former des profs en 6 mois ?
« Enseigner n’est pas une profession qu’on peut exercer sans délai » affirme la secrétaire générale du principal syndicat d’enseignants britannique, le NUT. Elle réagit au programme mis en place par Jim Knight, le ministre de écoles. Il a mis en place un programme de formation qui transforme les chômeurs de la City en enseignants en seulement 6 mois.
« Ca peut marcher pour un mathématicien qui vient enseigner à un petit groupe de lycéens passionnés. Mais c’est autre chose d’enseigner à des écoliers ou des collégiens » affirme la secrétaire du NUT. Le ministre, lui, se réjouit d’avoir, grâce à la crise, récupéré des profs de maths.
Article du Guardian
http://www.guardian.co.uk/education/2009/mar/10/recession-tea[…]
Obama veut des profs plus performants partout
C’est un aspect du plan de relance lancé par le président Obama qui ne passe pas inaperçu aux Etats-Unis. Le volet éducatif du plan Stimulus demande à chaque état d’améliorer l’efficacité des enseignants et d’amener les meilleurs enseignants devant les élèves défavorisés.
L’Etat fédéral devrait lier le paiement des 53 milliards d’aide aux districts scolaires à cette prescription. Cela devrait les pousser à donner des primes ou de meilleures conditions de travail à ces « bons » professeurs pour qu’ils aillent dans les écoles défavorisées.
Mais cela amène à poser la question de la définition du « meilleur enseignant » ? Selon Education Week, plusieurs états américains ont décidé de développer des appareils statistiques pour calculer l’efficacité des enseignants, par exemple croiser les résultats des élèves avec les enseignants. Une démarche qui rencontre l’opposition des syndicats. Le plan Obama a quand même accordé 300 millions de dollars à des programmes de paie au mérite.
Le plan Obama
http://www.ed.gov/policy/gen/leg/recovery/index.html
Article Education Week
http://www.edweek.org/ew/articles/2009/03/11/24stimteach.h[…]
Obama une nouvelle période pour l’Ecole ?
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2009/[…]
Le ministère ouvre la plateforme de formation Pairform@nce
Mercredi 4 mars, le ministère et Intel Teach Advanced on line inaugurent la plate forme de formation en ligne Pairform@ance. Basée sur Moodle et enrichie de nouvelles fonctionnalités par Intel, la plate-forme propose dès maintenant 70 parcours de formation. Ce nombre devrait être doublé dès la rentrée, moment où elle sera proposée dans 27 académies. La plate forme permet d’adapter la formation aux horaires de chaque enseignant. Elle favorise le travail avec les pairs.
Pairform@nce
http://www.pairformance.education.fr/index?s=1
J.-L. Auduc : « >< enseignement? masters les concernant confusion la dans plus encore nage on dossier, du développements derniers Avec>
Directeur d’IUFM, Jean-Louis Auduc analyse les dernières décisions gouvernementales concernant la formation des enseignants.
Comme on pouvait s’y attendre et comme je l’avais indiqué dès mes premières réactions début juin 2008, la « mastérisation » voulue par le gouvernement risque au vu des derniers développements de déboucher sur un monstre hybride : ni vraie master universitaire de plein exercice ; ni vraie formation professionnelle des enseignants correspondant aux besoins de notre système éducatif aujourd’hui.
La seule finalité de la « mastérisation » semble être la destruction des écoles professionnelles destinées à l’acquisition des gestes indispensables à l’exercice du métier enseignant, qui serait ainsi la seule profession à ne pas en avoir et, des économies importantes réalisées avec la suppression de l’année rémunérée de stage en alternance.
Les derniers développements de ce dossier semblent totalement ignorer les spécificités de l’exercice du métier enseignant. Les discussions semblent se focaliser sur 30% des futurs enseignants, ceux recrutés par un CAPES, alors que la « mastérisation » et la suppression des écoles professionnelles posent bien plus de question pour les 70% restants qui sont les professeurs des écoles, les professeurs des lycées technologiques. Le gouvernement semble ignorer que la moitié des élèves après le collège sont des formations professionnelles et technologiques.
Les spécificités de l’exercice du métier aux différents niveaux de notre système éducatif ne sont absolument pas pris en compte dans les réflexions actuelles ce qui particulièrement dommageables alors que notamment on s’interroge sur l’école maternelle, sur le bac professionnel en trois ans, sur la place des filières technologiques dans la réforme du lycée.
Ces oublis sont révélateurs d’une réforme mise en place sans avoir mené la nécessaire réflexion sur les différentes spécificités de l’exercice du métier enseignant .
Révélateur de cette absence de réflexion, les modifications intervenues sans aucune justification sur les barèmes des projets de concours de recrutement à l’occasion d’un document mis en ligne sur le site du ministère appelé « vade-mecum de la réforme ». Preuve d’une absence sérieuse de pilotage, le fait que par rapport à un concours 2010 modifié, sans doute pour de nombreuses années, on pourrait mettre en œuvre des « maquettes expérimentales » en 2009, modifiables en 2010, ce qui signifie traiter comme des cobayes d’une réforme hasardeuse, les étudiants qui prépareraient les concours en 2010.
Ce n’est pas ainsi qu’on préparera les futurs enseignants à un bon exercice de leurs responsabilités……
Révélateur , le récit publié sur le site de S.L.U. fait par la Coordination Concours Lettres regroupant sept sociétés savantes de sa rencontre le 23 février au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Qu’on en juge par ces extraits qui montre ce que le ministère appelle « master d’enseignement » :
« La solutions selon laquelle un professeur certifié, titulaire d’un master enseignement ; pourrait s’inscrire par la suite en master recherche et faire un second M2 assimilable à un DEA a encore été proposée par nos deux interlocuteurs ( du ministère de l’enseignement supérieur) .Ils ont admis l’impossibilité de faire en même temps un master enseignement et une véritable recherche. D’où la solution qu’ils proposent : exclure la recherche du master enseignement ( puisque selon nos interlocuteurs la recherche n’est pas réellement nécessaire aux candidats au CAPES) et maintenir le master recherche comme propédeutique à l’agrégation et au doctorat »
Un master enseignement, impasse … Il fallait nous dire que c’était cela la mastérisation !!!!
Enseigner, faut-il le répéter, est un métier qui s’apprend.
On ne peut faire l’économie de ce principe qui avait amené en décembre 2006 le ministère à définir dix compétences fondamentales pour l’exercice du métier enseignant :
– Agir en fonctionnaire de façon éthique et responsable
– Maîtriser la langue française pour enseigner et communiquer
– Maîtriser les disciplines et avoir une bonne culture générale
– Concevoir et mettre en œuvre son enseignement
– Organiser le travail de la classe
– Prendre en compte la diversité des élèves
– Evaluer les élèves
– Maîtriser les techniques d’information et de communication
– Travailler en équipe et coopérer avec les parents et les partenaires de l’école
– Se former et innover
Où est la réflexion sur l’acquisition de ces dix compétences dans les projets actuels ?
Il n’en est plus question dans les expressions gouvernementales.
Oui, il peut être intéressant de mettre en place une formation des enseignants digne de ce nom au niveau master.
Mais cela ne peut pas se faire sans une réflexion sérieuse sur :
– les contenus de la formation disciplinaire
– les modalités du concours de recrutement
– l’année de stage en alternance. L’alternance étant une démarche entre la pratique et l’analyse de ces pratiques dans une structure de formation professionnelle et non une simple « formation complémentaire ».
Jean-Louis AUDUC
Directeur-adjoint IUFM de Créteil /PARIS 12
Sur le Café, derniers articles de JL Auduc :
Sur la formation des enseignants :
« Il faut modifier le calendrier »
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2009/format[…]
« Il faut permettre au futur enseignant de se construire une identité professionnelle qui s’appuie sur des savoirs, des savoir-faire, et des gestes professionnels »
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Format[…]
Quelles représentations du métier enseignant à travers les différents textes ministériels parus en octobre ?
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/2008/Formatio[…]
Filles et garçons dans le système éducatif
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/130307Fillese[…]
La mixité
http://cafepedagogique.net/lemensuel/leleve/Pages/2008[…]
Et le Dossier formation du Café
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/ReformeFormation.aspx