Diversité des élèves : Les élèves « différents » sont-ils en trop ?
Il y a-t-il des pays où l’Ecole sache lutter contre les inégalités sociales ? Pisa nous apprend que oui. On peut citer la Finlande, la Norvège ou même le Royaume-Uni. Mais plutôt que s’intéresser à l’analyse des politiques progressistes mises en place dans ces pays, l’atelier « diversité des élèves » a complaisamment décliné toutes les formes du conservatisme social, « ethnique » et pédagogique.
A commencer par l’analyse de la situation française. Catherine Perotin (Centre Alain Savary) a pu montrer que les élèves d’origine étrangère souffrent davantage de leur origine sociale que de leur origine culturelle. Rappelant 30 ans de politique prioritaire, elle souligne les efforts financiers de ces dernières années : les moyens plus importants attribués aux réseaux Ambition réussite, l’augmentation du temps scolaire avec ses prolongements : accompagnement éducatif, stages d’anglais, stages de vacances etc. sans parler des dispositifs mis en place par les collectivités locales. Tout cela sans grande réussite. Cela interroge l’articulation entre tous ces dispositifs et particulièrement leur rapport avec la classe.
Oubliant la modestie relative des moyens mis en zep (voir par exemple les travaux significatifs de Piketty) des stagiaires se demandent si on n’assiste pas finalement trop les enfants de milieu défavorisé…
C’est ensuite la question des Roms en Slovaquie qui est évoquée brillamment par Ana Butasova. Les 400 000 Roms de Slovaquie vivent dans un état de relégation effectif : ils habitent des ghettos miséreux et on ne sait même pas quel pourcentage des enfants est scolarisé. Ce qui est certain c’est qu’en 2006 seulement 495 enfants Roms étudiaient en lycée, dont 193 dans un établissement privé financé par une journaliste Rom. Seulement 0,2% des Roms ont fait des études supérieures. Longtemps admis dans des écoles pour retardés intellectuels, les enfants Roms scolarisés ont un taux d’échec au primaire écrasant et… en augmentation.
Comment expliquer cette situation ? D’abord parce que l’enseignement n’est pas donné en langue maternelle comme pour l’autre grande minorité de Slovaquie (les Hongrois). D’après A Butasova, il est impossible de trouver des enseignants parlant le romani. Notons d’ailleurs au passage qu’on ne nomme que des professeurs volontaires pour enseigner aux Roms. La loi slovaque prévoit bien une majoration de moyens pour les écoles qui accueillent les enfants Roms mais ils n’en bénéficient généralement pas parce qu »ils préfèrent se déclarer Slovaque que Rom ». Ces pauvres là aussi semblent faire leur malheur…
L’atelier se termine par un exposé des Québécois Steve Bissonnette et Mario Richard sur les apports de la recherche pour faire face à la diversité des élèves. La pédagogie différenciée est-elle efficace se demandent-ils ? Ils partent alors dans un tri acharné des travaux de recherche puisés dans des banques de données américaines (Francis). Partant de 189 études recensées… finalement grâce à leur tri 188 sont écartées. Par conséquent, conclue S Bissonnette, « la pédagogie différenciée ce n’est qu’un slogan accrocheur et non un modèle pédagogique ».
Reste une étude qui relève comme par hasard du mouvement éducatif auquel ils appartiennent : l’enseignement explicite. C’est donc sur cette tête d’épingle qu’ils vont affirmer la supériorité de « l’enseignement explicite différencié » sur toute autre démarche. Ainsi s’affirme la vieille idée que les enfants du peuple ont besoin d’un enseignement particulier car « efficace »… Tout cela « pour leur bien ».
En quittant la salle je pensais aux jeunes IEN stagiaires qui faisaient l’essentiel du public. En trois heures ils auront pu entendre uniquement les arguments de tous les conservatismes. Gamins des rues franciliennes en échec scolaire car « trop assistés ». Enfants Roms vivant dans une situation de misère et de quasi apartheid mais rendus responsables de leur relégation. Enfin enfants des pauvres soumis à une pédagogie particulière qui exige d’eux la passivité. Accepteront-ils de reléguer les pauvres décidément dangereux ou barbares ? Ou sauront-ils ces futurs inspecteurs repousser les préjugés et lutter contre les inégalités sociales ? Triste atelier.
Piketty
Etude de L Paquay sur l’enseignement explicite