Par Lucie Gillet
Sami Benmeziane, professeur des écoles à Indre, ira-t-il en prison ? A-t-il volontairement blessé un policier dans une manifestation anti-Darcos ou est-il, après d’autres, un bouc émissaire ? Lundi 23 février il comparaissait devant le tribunal correctionnel de Nantes pour rébellion.
L’affaire remonte au 11 juin 2008. Un rassemblement pacifique d’enseignants et de parents d’élèves opposés aux réformes Darcos a décidé d’occuper l’Inspection Académique de Nantes. Alors que des négociations ont lieu avec l’inspecteur d’académie, les forces de l’ordre interviennent pour évacuer les lieux. Des parents et enseignants « en sandalettes d’été, bermudas et lunettes de soleil sur le front » sont choqués de la violence de l’évacuation. Finalement ce sont bien les forces de l’ordre qui sortiront des lieux les premières, l’IA rejoignant à l’extérieur les manifestants pour entendre leurs revendications. Une intervention musclée qui n’a donc pas servie à grand chose, mais qui a quand même des répercussions… Parce qu’un policier a été blessé a un doigt, Sami Benméziane est accusé de « rébellion ».
La mobilisation autour de cet enseignant est montée en puissance et n’a pas faibli depuis juin. Le comité de soutien remarquablement organisé et efficace n’a cessé de relayer l’information et de sensibiliser à la cause de Sami. Des signatures de pétition ont été régulièrement tenues sur les grandes manifestations culturelles de l’agglomération nantaise. Chaque journée de grève des milliers de signatures ont été recueillies. L’une des plus mémorables restera celle du 19 octobre à Paris où des personnalités telles Jack Lang, Olivier Besancenot, Jacques Weber etc. ont signé pour demander la relaxe de Sami, comme les 26 000 autres signataires recensés à ce jour. Au mois de janvier, on a mis les bouchées doubles et le 31 un meeting doublé d’un concert de soutien a rassemblé plus de 1500 personnes. Salle comble pour dire halte à l’acharnement et à la criminalisation des mouvements sociaux. Gérard Aschiéri y défendait le point de vue de l’Intersyndicale nationale et apportait son soutien à Sami Benméziane.
Le 23 février, l’Intersyndicale a déposé un préavis de grève et un rassemblement a lieu Place du Commerce. Le cortège de la manifestation s’est dirigé calmement, sous un soleil de printemps, vers le Palais de Justice afin d’être présent au côté de Sami, parce que « ça aurait pu être n’importe lequel d’entre nous ». Il y a là plus d’un millier de personnes. Des enseignants mais aussi une délégation lycéenne, et d’autres corps de métiers. Des conseillers municipaux d’Indre, la commune où enseigne Sami, sont également sur le parvis.
Tous suivent le procès depuis le parvis du tribunal. S’appuyant sur une vidéo réalisée par les services de police le jour de l’occupation, le tribunal visionne les images plan par plan. Sami Benméziane s’est-il rué volontairement contre le policier ou s’agit-il d’un geste réflexe ? Lui dit ne pas avoir vu les policiers se diriger vers lui. Il les aurait repoussé d’un geste maladroit quand il a senti qu’on s’approchait de lui. Quelques minutes plus tôt Sami Benméziane était intervenu auprès des forces de l’ordre avec ces quelques mots : « Mais arrêtez, nous sommes enseignants, nous sommes là pour défendre l’école… », une attitude pacifiste de l’avis des témoins. Y-a-t-il eu ou non sommations avant l’intervention des forces de l’ordre?, en tous cas, personne ne semble les avoir entendues, et au contraire les témoins (une syndicaliste, un parent d’élève, une collègue de Sami proche de lui au moment des faits) évoquent la brutalité et la rapidité de l’intervention…
Le procureur requiert 2 mois de prison avec sursis et 600 euros d’amende à l’encontre de Sami Benméziane. L’avocat, Maître Marteret, plaide la relaxe. Trois heures d’attente pour les personnels enseignants en grève aujourd’hui, encore un peu étonnés des proportions que peut prendre cette histoire, inquiets pour leur collègue, et encore deux semaines d’attente pour connaître le verdict, mis en délibéré. Il sera rendu public le 10 mars au matin.
Le lancement du comité de soutien