Par Monique Royer
Au lycée de la Venise Verte de Niort, l’ouverture internationale est une réalité. Après des échanges avec la Namibie, l’Espagne, la Moldavie ou encore la Pologne (entre autres), c’est aujourd’hui le Gabon qui fait l’objet de travaux communs et de correspondances. Nous avons rencontré Dominique Terrier et Nadine Renaudeau, enseignantes en Français et Sciences Economiques et Sociales, à l’origine du projet.
Lorsque Kisito Obiang Ndong a lancé un appel auprès d’établissements français pour organiser des correspondances avec des écoles gabonaises, elles ont répondu avec leur collègue d’histoire géographie Frédéric Lefort, dans l’idée de monter un projet en pluridisciplinarité autour des thèmes de l’éducation et du travail des enfants. Et l’animateur culturel a inscrit le lycée à une action de l’Unicef traitant de ces mêmes thèmes. C’est une classe du collège Notre Dame Quaben qui sera la correspondante de la seconde du lycée de la Venise Verte.
Le projet est conçu sur trois ans avec une progression dans l’approche pédagogique. En seconde, à travers un questionnement, il s’agira de casser les représentations, en première, de travailler en profondeur dans les trois disciplines et en terminale, la philosophie sera associée avec le thème de l’altérité. Pour Nadine Renaudeau, « l’avantage du continent africain c’est qu’on le connaît peu même si nous avons une histoire commune. Et puis, une entreprise de Niort travaille déjà au Gabon, le port de la Palice à La Rochelle importe beaucoup de bois de ce pays, la région a donc des liens économiques. ». « Les élèves sont obnubilés par l’Asie, la Chine et le Japon, notamment. Ils ont beaucoup d’idées reçues sur l’Afrique, il faut redécouvrir ce continent » précise Dominique Terrier.
Le premier objectif est donc de lever préjugés et les à priori. Les clichés tournent souvent autour de la pauvreté, du Sida, de la désertification. L’Afrique est perçue comme un unique pays, sans nuances et sans différences entre les entités qui la composent, une contrée déshéritée. Pour Nadine « il faut montrer les représentations, mettre les choses à plat pour travailler de façon plus sereine. Quand on parle de famille, de quoi parle t-on ? A t-on la même représentation en France et au Gabon ? Poser des questions permet de sortir de l’ethnocentrisme. ». « La premier verrou est celui de la culpabilité de l’ancien pays colonisateur. En tant qu’enseignante, on le ressent aussi et on a parfois du mal à en parler » indique Nadine. « Le discours sur le colonialisme, dans les faits, est plus facile à aborder par le biais de l’économie, et l’histoire, en littérature il est plus difficile de l’appréhender car on est plus dans le ressenti, le vécu.» regrette Dominique. Toutes les deux s’accordent sur la nécessité d’amener les jeunes à en discuter, à se poser des questions, à accepter son passé pour rentrer dans un rapport d’égalité, propice à l’échange.
Lors d’une première étape, les élèves ont réalisé un diaporama présentant leur lycée. Les gabonais ont fait de même, ce qui a permis de se découvrir mutuellement et de travailler sur ses centres d’intérêt, en les creusant en menant une véritable enquête dessus. Ensuite, le travail de questionnement a commencé, sur les thèmes de la laïcité, de la famille, du système scolaire et du foot puisque 50% de la classe de seconde impliquée est en sport études foot. Le principe retenu est que chaque fois qu’un lycéen niortais pose une question à un homologue gabonais, il doit au préalable trouver la réponse dans le contexte français. Au collège Notre Dame de Quaben, le principe retenu est le même. Ensuite, les éléments ainsi collectés seront rassemblés sur un même support, sous la forme d’un journal par exemple.
Pour travailler en français, Dominique Terrier a choisi de proposer des textes sur les thèmes retenus : l’éducation et le travail des enfants. «Par volonté de ne pas stigmatiser, nous ne souhaitons pas axer le travail sur la situation d’aujourd’hui. Le travail des enfants est une réalité qui existait au Nord il y a peu de temps». Des textes comme « Mélancholia » de Victor Hugo ou « les effarés » d’Arthur Rimbaud paraissent bien adaptés. Le thème de l’éducation se prête aussi très bien à un travail autour de l’argumentation, un des points du programme de seconde. On peut par exemple opposer la thèse de Rousseau et celle du philosophe Alain pour que les élèves de chaque pays réfléchissent sur leur cursus, sa composition, ce qu’il faut apprendre et pourquoi, à quoi sert telle ou telle matière ou partie du programme. Pour Dominique « ces échanges avec le Gabon peuvent faire réfléchir les élèves sur la relativité des choses. Ils sont un peu blasés par rapport à ce qu’on leur apprend. Ce sera intéressant de voir si les élèves gabonais ont les mêmes préoccupations, les mêmes enjeux sur l’éducation mais aussi la même sensibilité au texte». Un premier travail a été réalisé autour de la journée de classe. Des lettres ont été échangées sur le déroulement de la journée, l’emploi du temps, les matières étudiées. Des différences dans la vie quotidienne apparaissent déjà. Beaucoup d’élèves gabonais vont à l’école à pied. Ils portent un uniforme. L’étape suivante sera de les faire écrire à partir d’un même texte. Pour Dominique « il est essentiel que cela débouche sur quelque chose de commun ».
Et c’est là sans doute que réside la principale difficulté. Le choix du support de mise en commun est fondamental mais l’équipe de Niort ne connaît pas les moyens accessibles au collège Notre Dame de Quaben. Le lycée de la Venise Verte est bien équipé en matériel informatique. Les enseignantes, au vu des descriptions faites par les élèves gabonais, supposent que ce n’est pas le cas chez leurs correspondants. La communication n’est d’ailleurs pas aisée à cause des grèves et des perturbations qui se déroulent au Gabon. Clin d’œil de la technique, ce jour là, le système informatique du lycée niortais était en panne. Les élèves ont retrouvé pour les travaux du jour le papier et le crayon. Deux jeunes filles ont choisi de s’exprimer sous forme de bandes dessinées. Bref, la panne a amené encore plus de créativité.
Les échanges n’en sont qu’à leurs débuts et la motivation à réussir s’exprime dans la passion à parler du projet. « on aimerait aboutir à des choses concrètes, on voudrait adapter par rapport à ce qu’ils font au Gabon, pour que tout le monde y retrouve son compte ». Est ce parce que le lycée est déjà ouvert à l’international, est ce parce que, parmi les élèves, certains ont des parents africains, l’envie de découvrir le Gabon à travers des textes communs est grande. L’idéal serait d’organiser un voyage et de rencontrer en réel enseignants et lycéens de Notre Dame de Quaben. Mais pour Nadine et Dominique, la réussite sera là aussi si les jeunes continuent à échanger, par mail, par MSN ou par courrier, en dehors du cadre scolaire.
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