Par François Jarraud
De toutes les propositions avancées par Xavier Darcos le 22 janvier 2009, une a particulièrement retenu l’attention des médias et des syndicats : le programme de lutte contre l’absentéisme lié à l’embauche de 5 000 « médiateurs » précaires. Les syndicats ont unanimement condamné une mesure dont l’efficacité leur semble douteuse et qui pourrait conduire à diminuer le nombre de CPE. Dans Le Monde, Nicolas Renard, de l’OZP, est à peine moins dur quand il explique que « la médiation ça ne s’improvise pas ». Peut-être ces condamnations sont-elles un peu sévères pour plusieurs raisons.
D’abord parce qu’on ne saurait minimiser l’importance de l’absentéisme à la fois en nombre et dans ses conséquences. Une étude ministérielle de mai 2007 montrait que le taux moyen n’avait pas grande signification. La vraie image de l’absentéisme c’est le fait que dans 10% des établissements secondaires, les moins favorisés, 10 à 20% des élèves s’absentent. Et la conséquence en est souvent le décrochage.
Ensuite parce qu’on se rappelle la façon dont la droite envisageait de gérer l’absentéisme avant le dernier décret de 2004. Il n’était question que de sanctions financières pour les familles au nom de la responsabilisation. Une politique appliquée depuis des années en Grande-Bretagne , avec force (amendes d e100 à 1000 £ et même prison ferme) sans qu’elle n’ait réussi à enrayer la croissance de l’absentéisme. Proposer des médiateurs à la place des sanctions semble aller dans le bon sens.
Faire appel à des « médiateurs », en dehors de l’avantage social de ces emplois, c’est se donner la possibilité de reconnaître la diversité des motifs de l’absentéisme. C’est que celle-ci est grande. Un élève peut être absent parce qu’il doit travailler. Il peut sécher pour des raisons psychologiques, ne serait-ce qu’ obtenir l’attention des parents. Il peut être victime de racket. Le pire des cas c’est celui que François Dubet appelle l’absentéisme du refus. » L’absentéisme nous choque parce qu’il est sans doute la critique la plus radicale de l’école » dit-il dans « L’absentéisme scolaire ». « Les élèves chahuteurs et violents manifestent d’une certaine manière leur intérêt pour l’école. Les élèves absentéistes votent avec leurs pieds et disent qu’elle leur semble ni utile, ni intéressante ». Pour soigner cette fracture culturelle, qu’on sent bien grandir, les médiateurs peuvent au moins jeter une passerelle.
Note d’information
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/lenseignant/viescola[…]
Absentéisme que faire ?
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/laclasse/Pages/82Abse[…]
Darcos présente un « programme d’actions » 2009
L’ère des grandes réformes est-elle révolue ? Jeudi 22 janvier, Xavier Darcos a présenté un » Programme d’actions 2009″ qui tient plus du bilan que du projet. Le ministre de l’éducation national a surtout défendu avec pugnacité sa politique passée, qu’il s’agisse de la réforme du primaire ou du L.P. Et l’avenir ? Le programme d’actions se limite à un plan de lute contre le décrochage reposant sur 5 000 emplois aidés, une plate-forme d’aide à l’orientation et une autre offrant des contenus scolaires. Le Café rend compte point par point des déclarations ministérielles.
Le reportage du Café
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Pages/2009/01/230109_X[…]
Un programme dérisoire pour les syndicats
» Une conférence de presse pour ne rien dire ». La formule, sévère, du Sgen reflète assez bien les remarques assez exaspérées des syndicats après la présentation par Xevier Darcos de son « Programme d’actions ».
« Ses annonces sur la création d’une académie virtuelle, les mesures spécifiques sur l’orientation et l’absentéisme ne répondent pas aux attentes des personnels et des usagers » juge le Sgen Cfdt. Mais le Sgen, comme les autres organisations; s’est surtout intéressé à la lutte oontre le décrochage. « Si le ministre voulait vraiment lutter contre l’absentéisme, l’échec scolaire et particulièrement celui qui frappe les enfants issus des quartiers défavorisés, il devrait commencer par reconnaître le professionnalisme des personnels en s’appuyant sur les métiers existants et donc recruter des conseillers principaux d’éducation, des conseillers d’orientation et des assistants de service social. Il devrait également rétablir les moyens supprimés aux associations complémentaires qui œuvrent au quotidien dans ces quartiers auprès des jeunes et de leur famille » note le Sgen.
« La lutte contre l’absentéisme scolaire est un souci légitime mais tout ce que l’on en sait milite pour une prise en charge par de vrais professionnels que ne pourront être, à leur corps défendant, ces 5000 personnels précaires et sans formation » affirme le Se-Unsa.qui craint la substitution de ces personnels précaires aux CPE. C’est aussi la position du Snes pour qui « pour des raisons manifestes d’économie, le Ministère choisit de mettre en péril les missions importantes qu’il prétend en même temps développer, sans traiter sur le fond les problèmes d’absentéisme dont les dimensions sociales et éducatives sont évidentes. »
Communiqué Snes
http://www.snes.edu/spip.php?article16356
Se-Unsa
http://www.se-unsa.org/spip.php?article1462
Sgen
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1896.html
L’Angleterre constate l’échec de sa politique de lutte contre l’absentéisme
« Mettre les parents en prison, est ce que ça marche ? » La question agite aussi bien BBC News que le Guardian qui remettent tous deux en question 10 ans de politique répressive contre les parents des absentéistes.
C’est en 2002 que Patricia Amos a inauguré la prison pour absentéisme en Angleterre. Elle a écopé de 60 jours de prison pour n’avoir pas réussi à empêcher sa fille de 14 ans de sécher les cours. Il y en a eu bien d’autres après elle puisque 133 personnes ont été embastillées pour cette seule raison de 2005 à 2007.
L’idée sous–jacente c’était que l’absentéisme est du à la démission de parents trop occupés ou trop laxistes. Punir les parents par une amende (presque 8 000 distribuées en 2008) ou de la prison était sensé faire réfléchir le jeune et le ramener à l’école.
C’était ignorer que l’absentéisme est plus fort dans les familles justement déjà en état de faiblesse. L’emprisonnement de la mère ou la réduction de ses moyens financiers ne fait que pousser davantage au décrochage en réduisant le lien familial. C’était aussi décider de ne pas prendre en compte les autres facteurs qui poussent à l’absentéisme : l’ennui, les difficultés dans les transports, le racket, les climats scolaires détériorés etc.
Ce que constatent en ce moment les Anglais et les Gallois c’est l’inefficacité de ces sanctions. Depuis 1997 le taux d’absentéisme st passé de 0,7% à 1% alors même que le nombre de parents emprisonnés passait de 51 par an en 2002-2004 à 82 en 2005-2007.
En France l’absentéisme lourd touche 1% des élèves. L’aggravation des sanctions (retenue des allocations familiales, puis amende de 750 euros, signalements) n’a pas plus réussi à faire baisser l’absentéisme. Voilà qui illustre la vanité du recours aux sanctions pour faire face à ce phénomène. Voilà aussi une raison supplémentaire pour souhaiter une réforme du lycée.
Article du Guardian
http://www.guardian.co.uk/education/2009/feb/12/truancy-parents-jail
Article du Monde