Par Patrick Picard
Le 14 janvier dernier, une circulaire interministérielle est parue, qui fixe le cadre dans lequel la loi sur le Droit Individuel à la Formation doit s’exercer pour les fonctionnaires. Signée par 16 ministères, elle pourrait profondément modifier le contexte de la formation continue des enseignants.
Mis en œuvre depuis la loi du 2 février 2007, le droit individuel à la formation permet à chaque salarié de nouvelles modalités de formations.
La règle : chaque agent dispose d’un « capital » de 20 heures par an (mobilisable éventuellement par anticipation à hauteur de 120 heures), qu’il peut mobiliser dans deux contextes :
– sur le temps de travail, en direction des formations inscrites au plan de formation. Dans ce cas, la mobilisation du DIF donne priorité pour l’accès aux formations
– hors du temps de travail, sur des formations labellisées par l’employeur. Dans ce cas, la mobilisation du DIF donne droit à la prise en charge des frais de formation et au versement d’une allocation de formation d’un montant égal à 50% du traitement horaire.
Sur quel type de formation ce droit peut-il s’exercer ?
– L’adaptation à l’évolution prévisible des métiers ;
– Le développement de leurs qualifications ou l’acquisition de nouvelles qualifications ;
– La formation de préparation aux examens, concours administratifs et autres procédures de promotion interne ;- La réalisation de bilans de compétences permettant aux agents d’analyser leurs compétences, aptitudes et motivations en vue de définir un projet professionnel ;
– La validation des acquis de leur expérience en vue de l’acquisition d’un diplôme ou d’un certificat de qualification inscrit au répertoire national.
Questions pratiques…
On le comprend aisément, la mise en œuvre de cette loi risque de modifier en profondeur les conditions de formation des personnels de l’Education nationale. Aujourd’hui, l’essentiel de la formation se déroule sur le temps de travail, généralement remplacé pour les enseignants du premier degré, sans remplacement pour les autres catégories qui ne bénéficient pas de « brigades de formation continue ».
Le financement de ces formations est actuellement assuré par des crédits délégués par le ministère aux recteurs, qui définissent au sein de chaque budget opérationnel de programme (BOP) la part qui est dévolue aux financements de la formation.
Une part de cette dépense va donc forcément être dévolue à la mise en œuvre du DIF : bilans de compétences, participation à des formations universitaires, réorientations professionnelles. Sauf à ce que les budgets de formation continue soient augmentés (on n’en prend pas le chemin dans nombre d’académies…), la part dévolue à la formation sur le temps de travail risque donc forcément d’être rapidement réduite. Petit à petit, elle risque d »être réduite aux quelques formations imposées par les textes réglementaires (actuellement, la formation des débutants T1 et T2, celle des directeurs d’école, les formations spécialisées pour l’ASH si elles subsistent…)
D’autre part, la mise en œuvre du DIF entraînerait forcément une modification profonde de l’organisation des plans de formation continue du premier et du second degré. En effet, pour être éligibles au DIF, les formations devront être prévues au plan académique de formation (PAF). Il incombera donc aux services responsables de choisir quelles formations seront accessibles, ce qui risque de poser un problème complexe : telle université d’été, organisée par telle ou telle association, sera-t-elle inscrite au PAF pour être éligible ? Comment imaginer rendre possible les « bilans de compétences » inscrits dans la loi ? Comment les chefs de services ou les inspecteurs auront-ils le temps disponible pour avoir avec les enseignants les entretiens de formation prévus par les nouveaux textes ?
Au delà des perspectives intéressantes prévues par les nouveaux textes, il semble bien que la réalité des moyens disponibles pour faire vivre la loi risque d’en limiter fortement la réalité, pour ceux qui vont souhaiter en bénéficier dans les prochains mois…