Dans l’univers de la formation professionnelle continue, les Opca (organismes paritaires collecteurs agréés) jouent un rôle de premier plan, souvent méconnu. A l’image de la nébuleuse constituant cet univers, ils sont multiples. Ils sont visés par la réforme attendue sur la formation, et nous avons choisi l’un deux, Opcalia, pour mieux comprendre leur rôle. Son directeur, Yves Hinnekint, nous guide dans les dédales de la formation des salariés.
Quel est le rôle d’un Opca?
La loi de 1971 a instauré une obligation fiscale pour les entreprises à contribuer à la formation des salariés. Les organismes paritaires collecteurs ont été créés à cette occasion. En 1983, avec la création des contrats de qualification, leur rôle s’est élargi vers la formation en alternance.
Les Opca sont des associations loi 1901, gérés paritairement, c’est-à-dire par des représentants des syndicats de salariés et des employeurs. Par exemple, le conseil d’administration d’Opcalia est composé de 30 personnes provenant à 50% de centrales syndicales et à 50% d’un collège patronal. La présidence est tournante et change tous les deux ans. Actuellement, le président est Olivier Gourlé de la CFTC, le vice-président, Francis Da Costa appartient au Medef.
Il existe deux grands réseaux d’Opca. Les Opca de branche, liées à une branche professionnelle, le Fafsea pour l’agriculture, le Fafih pour l’hôtellerie ou C2P pour la pharmacie et la pétrochimie, par exemple. Et les Opca interprofessionnels comme Opcalia.
Et le « C » de « collecteurs » ?
Les Opca sont agréés pour collecter, au 28 février, les contributions des entreprises au plan de formation et à la professionnalisation. Pour la professionnalisation, la contribution est de l’ordre de 0,5% de la masse salariale pour les entreprises de plus de dix salariés. Elle concerne des dispositifs comme le contrat de professionnalisation, la période de professionnalisation et le droit individuel à la formation. 0,9 % de la masse salariale brute sont consacrés au plan de formation. L’entreprise peut soit les dépenser soit les confier à un Opca, ce qui se généralise de plus en plus.
Les entreprises de moins de dix salariés cotisent pour 0,4% au titre de la professionnalisation et 0,15% pour le plan de formation.
Les Opca collectent à minima 15 millions d’euros par an.
Existe-t-il d’autres contributions ?
D’autres organismes, les Fongecif, sont chargés de collecter et de gérer les fonds liés aux congés individuels de formation. Il en existe un par région. Ils sont habilités à recevoir des demandes d’individus qui souhaitent soit évoluer dans leur entreprise, soit changer de métier. Si leur demande est acceptée, ils peuvent faire un bilan de compétences ou une formation plus ou moins longue aboutissant à un diplôme. Durant leur formation, leur salaire est maintenu.
Quelles sont les différences entre les dispositifs ressortant du 0,5% de la professionnalisation ?
Le contrat de professionnalisation permet à des jeunes de moins de 26 ans de compléter leur formation initiale dans le cadre d’un contrat de travail, avec une alternance entre centre de formation et entreprise. Les coûts pédagogiques sont pris en charge par l’Opca. Le contrat de professionnalisation existe aussi pour les plus de 26 ans avec une obligation de rémunération au moins égale au SMIC.
La période de professionnalisation s’adresse à des salariés présents depuis un an dans l’entreprise ou en contrat à durée indéterminée. Elle est plus ou moins longue, avec une durée de formation supérieure en moyenne à 70 heures. Elle permet l’acquisition de compétences pour se maintenir dans l’emploi ou contribuer aux évolutions de l’entreprise.
Le DIF, Droit Individuel à la Formation, est une nouveauté de la réforme de 2003-2004. Chaque année, chaque salarié est crédité de 20 heures qu’il peut cumuler pendant six ans pour capitaliser 120 heures. Ce droit est attaché à l’individu.
En dehors de la collecte, à quoi servent les Opca ?
Le premier service rendu par l’Opca est un service administratif et financier de façon à simplifier la gestion des actions de formation dans l’entreprise. Il peut aussi mobiliser d’autres financements provenant de l’Etat, de la Région ou de l’Europe. Les plans de formation sont ainsi cofinancés à hauteur de 40 à 50%. Le deuxième service concerne l’ingénierie afin d’apporter une aide à la construction d’un plan de formation, de la politique de formation. Les entreprises de moins de 10 salariés ne possèdent pas de service formation. C’est donc un service important pour elles. Opcalia organise dans chaque région des formations interentreprises, proposées dans les Guides régionaux des actions de formation collectives. Un appel à projets est lancé auprès des organismes de formation en fonction des besoins repérés dans les entreprises. Pour inscrire un salarié dans l’une de ces formations, la démarche administrative est simplifiée pour en faciliter l’accès : il suffit de remplir un bulletin d’inscription.
Le troisième service concerne l’ingénierie des dispositifs. Il permet d’aller plus loin pour répondre aux besoins des entreprises. Par exemple, nous avons détecté des besoins liés à l’intégration des salariés en situation de handicap ou leur maintien dans l’emploi. Opcalia propose un didacticiel, Thandem, destiné aux collaborateurs-tuteurs chargés d’encadrer et de faciliter l’intégration de ces salariés. Il existe aussi de réels besoins pour l’amélioration des savoirs de base, l’accompagnement des salariés illettrés. Des dispositifs de formation sont organisés avec des positionnements, pour repérer et définir les savoirs à améliorer, des outils de formation avec un didacticiel permettant de revoir les savoirs de base de la 4e à la 1ère en mathématiques et en communication.
D’autres services sont développés pour la mise en œuvre de procédures de VAE (Validation des Acquis de l’Expérience), la gestion prévisionnelle des emplois ou encore la gestion des compétences des séniors.
La moyenne des investissements des entreprises françaises dans la formation oscille entre 2 et 3% de la masse salariale. Dans ce contexte, l’Opca peut être soit une sorte de banque, qui finance ce qu’on lui demande de financer, soit être un agitateur d’idées et proposer des solutions. On va étudier comment aborder des sujets dans l’entreprise tels que le handicap, les savoirs de base ou l’égalité hommes/femmes ; inciter plutôt qu’agiter la pression fiscale. C’est le conseil d’administration d’Opcalia qui définit les sujets à développer dans l’ingénierie des dispositifs.
Quelles vont être les incidences de la réforme sur la gestion des fonds de formation ?
Le texte de l’Ani (accord national interprofessionnel), en attendant le vote de la réforme sans doute au printemps, donne déjà quelques orientations. La priorité devrait aller vers les bas niveaux de qualification, les actions de requalification et les demandeurs d’emploi. Jusqu’à aujourd’hui, les entreprises finançaient uniquement la formation des salariés, là, il y aurait une responsabilité partagée avec l’Etat et les régions sur la formation des demandeurs d’emploi. On verra sans doute se multiplier les actions sas pour accompagner vers l’emploi, avec une formation liée à une promesse d’embauche.
D’autre part, un palier de 100 millions d’euros de collecte devrait être exigé pour les Opca. Nous allons donc assister à une concentration, un regroupement des organismes paritaires collecteurs.
On entend souvent que la formation va aux plus formés et aux salariés des grandes entreprises. Quelles sont les difficultés rencontrées par les petites entreprises?
L’évaluation des effets de l’Ani de 2003 a montré une réduction sensible des inégalités d’accès à la formation, y compris pour les salariés des entreprises de moins de 10 salariés. On l’a vu, ces entreprises n’ont pas la capacité de construire un plan de formation. L’Opcalia a constitué une cellule Tpe pour proposer des formations correspondant aux besoins de ces entreprises. Leur difficulté est aussi d’acheter des formations, de se repérer dans l’offre de formation, dans les qualifications, les diplômes proposés, très nombreux. Un effort est à faire dans ce domaine. De même, les organismes de formation doivent évoluer pour être en capacité de construire des parcours pédagogiques correspondant à des demandes d’entreprises.
L’éducation et la formation tout au long de la vie est elle pour vous une réalité ?
On constate un gap entre les cursus initiaux et les besoins en entreprise. La formation continue participe à un tir correctif. Il existe une incitation de plus en plus forte à fonctionner en méthodologie de sas, à trouver une fluidité dans la mécanique. Les salariés vont avoir 4 à 5 expériences professionnelles différentes avec des changements de métiers impliquant l’acquisition de compétences. Cela nécessiterait une meilleure adéquation de la formation initiale avec le monde professionnel et le monde de l’entreprise et surtout une adaptation des cursus aux besoins des entreprises en métiers. Mais progressivement, on assiste à un rapprochement entre les deux types de formation.
Propos recueillis par Monique Royer
Le site d’Opcalia
Evaluation de l’ANI de 2003
http://www.formationauvergne.com/telechargement/ficTelecharge_1[…]
« Les OPCA face aux petites entreprises Entre activités de gestion et développement de services », Bref, la lettre du Cereq
http://www.cereq.fr/pdf/b227.pdf
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