Par Christine Montuori
Aujourd’hui, l’usage des TIC entre de plus en plus dans les classes en Europe et notamment en Estonie. En effet, il existe une réelle volonté des institutions pour former « encore plus » les élèves à un usage régulier des TIC. Cette visite révèle que l’usage scolaire des TIC dans ce pays est plus que bien intégré. Il y a bien une prise de conscience générale de tous les partenaires du système éducatif de l’usage « dans et hors la classe ». De nombreux enseignants, mais aussi les parents, voient un intérêt éducatif d’utiliser ces outils informatiques. Ils sont présents dans les classes de primaire et du secondaire. C’est ce que nous avons pu observer au cours de cette visite d’étude d’une semaine en Estonie (octobre 2008) avec douze participants européens différents (Espagne, Pologne, Danemark, Grèce, Turquie, Slovaquie, France, Allemagne).
1. L’Estonie est-elle en avance dans la diffusion des TICE ?
L’Estonie est un petit pays et malgré ses 46000 kms2 de superficie et ses 1 360 000 habitants, on compte plus de 700 accès publics à Internet et environ 400 bornes Wifi dans les hôtels, parcs municipaux, banques, aéroport dont la plupart sont gratuits. Oui on peut dire que ce pays est plutôt en avance.
2. Quelles applications sont utilisées?
Au cours de cette visite d’étude nous avons pu rencontrer des enseignants qui nous ont ouvert leur classes (tous niveaux : de 6 ans à 18 ans) afin de nous présenter leur pratique des Tic avec les élèves que ce soit « dans » ou « hors » la classe. En Estonie, il y a une réelle volonté nationale de donner l’accès au développement des TIC. En effet, depuis 1997, le gouvernement a donné une large priorité à l’éducation. De nombreuses installations se sont succédées dans toutes les écoles. Au cours des visites et des rencontres (maires, enseignants, proviseur) nous avons pu constater que la plupart des établissements utilisaient des plateformes établies par le gouvernement ou la mairie. L’objectif est d’encourager l’usage d’environnement « e-learning » comme par exemple Miksike « e-learning » environment (http://lefo.net qui signifie LEarning FOlder) C’est une plateforme collaborative européenne gratuite suite à un projet « Minerva » qui permet d’échanger des contenus éducatifs pour les enseignants et les élèves de l‘élémentaire au collège et même du supérieur. Plus de 50 % des établissements estoniens sont utilisateurs. D’autres usages soulignés comme la création d’un site créé par des élèves d’écoles primaires permettant aux parents de voir « une semaine en classe » sous forme « d’e-books » afin de reconnaître peut-être un de leurs enfants en activité à l’école. (intellekt@hot.ee). D’autres informations sont mises en ligne liées à la vie de l’élève comme par exemple : l’emploi du temps des élèves, celui des enseignants et de leurs remplacements en cas d’absence, les référentiels de chaque classe, la progression des élèves par matière, les menus, la vie scolaire, le cahier de texte et surtout les progressions annuelles de l’enseignant. Les ressources sont nombreuses soit elles dépendent d’un site national soit local. L’objectif est le même : transfert d’information en dehors de l’école.
3. Quelles retombées sur la pédagogie ?
De nombreuses retombées peuvent être constatées au travers des observations effectuées et des vidéos analysées de scénarios pédagogiques. On peut citer par exemple l’impact du multimédia dans la vie de l’école. Les élèves sont amenés à utiliser des ressources libres (eg.moodle, Viko IVA, Potatoes…) l’ensemble est encouragé par le programme national lancé par le gouvernement Estonien pour accroitre la qualité de l’usage des Tic dans les écoles : « Tiger Leap Foudation » (http://www.kjkg.edu.ee ). Autre exemple, l’importance de la mise en place d’un réseau : « système national éducation information » relié au service de la documentation de l’école « RIKS system » http://www.tammiku.edu.ee ). Ce qui permet d’effectuer des prêts et des échanges de livres entre les différentes écoles de tout le pays. Ainsi, un élève peut, à l’aide de ce système de réservation, réserver le livre manquant dans son école et le demander auprès d’une autre école situé dans tout le pays. Le transport des livres se fait par le car régulier. Ce type de service existe en France dans les universités par le « prêt entre bibliothèque (PEB) » sauf que ce service est payant pour les étudiants alors qu’en Estonie il est gratuit.
En ce qui concerne les usages et les outils utilisés. On passe du portable au tableau blanc interactif au « smart board » pour le primaire. Pour ce dernier point, nous avons assisté à une leçon entière du primaire avec un « smart board » pour des enfants de 9 ans. La séquence concernait une leçon sur les formes géométriques (triangles, ronds…). Il faut noter au cours de cette présentation, l’organisation didactique de l’enseignante. En effet, elle a su utiliser cet outil comme un outil quelconque en alternant son usage. Pendant que les enfants utilisaient à tour de rôle le « smart board » les autres utilisaient leur règle et le papier crayon en même temps. Ce qui justifie bien que l’intégration des usages a été bien appréhendée par les enseignants. La pratique de cette enseignante par exemple était bien au-delà de l’apprentissage. Suite à un entretien avec elle, elle nous a expliqué que le « smart board » avait des avantages mais qu’il fallait avant tout l’utiliser pour rendre l’élève auteur de son apprentissage et non pas spectateur de l’apprentissage de l’autre. L’action de l’élève est bien mise en exergue au cours de l’usage des Tic. Cela ne doit pas devenir le substitut du tableau noir au contraire. On pouvait entrevoir dans l’interview de l’enseignante qu’elle avait effectivement vu les effets néfastes faciles à s’emparer de ce tableau. L’usage était perspicace avec de la distance vis-à-vis de cet outil. On a pu observer notamment l’importance d’un travail collaboratif. En effet, même si les outils sont présents et suffisants, les travaux se font aussi et surtout en groupe. Que ce soit pour une recherche ou un exercice, il se fera à deux avec un changement de place (pour changer la souris de mains) et rendre les élèves actifs, constructifs entre eux et favoriser la construction de processus d’autonomisations par la suite.
Notons que les horaire scolaires en Estonie sont différents : 8h à 14h.Ce qui permet aux élèves, après ces horaires, de rester en classe et de participer à d’autres activités comme les échecs, la piscine mais aussi des cours en ligne, soutien scolaire ou jeux interactif éducatifs.
4. N’y a t il pas des opposants aux TICE ?
Non bien au contraire, les seuls opposants ne sont même pas les parents.
5. Comment est assuré le pilotage des TICE ? Qui fait quoi (établissement / région /Etat)
Le pilotage des Tic est effectué de la même manière qu’en France à l’exception près que le pourcentage attribué à l’éducation est nettement supérieur au niveau local. En effet, plus de 58.7 % des dépenses des budgets locaux sont attribués à l’éducation, culture et sciences. Le pilotage est assuré par les élus locaux que ce soit du primaire ou du secondaire car pour information les écoles peuvent comprendre, sur un même lieu, des élèves du primaire et du secondaire.
Cette visite a eu un double objectif connaître les pratiques en Estonie mais aussi celle des autres pays présents dans ce stage, comme par exemple en Espagne l’idée d’une conception d’une station de radio dans une école primaire http://www.xtec.cat/ciep-rosella. Ce voyage a permis aussi de s’interroger, une fois de plus, sur la formation des enseignants. Il s’agit d’anticiper sur le « savoir devenir » de l’enseignant. En effet, dans le cadre de la formation tout au long de sa vie, travailler ensemble en présentiel et en virtuel deviendra leur quotidien. Tout un courant actuel vise à encourager des modifications organisationnelles sur lesquelles repose le travail de l’enseignant à favoriser son apprentissage collaboratif, aussi bien en présentiel qu’à distance, pour être prêt à aborder ce métier de l’enseignant, quelle que soit la discipline, intégrant de plus en plus l’usage des technologies.
Christine Montuori
UMR Apprentissage Didactique Évaluation Formation, Université de Provence Groupe d’Étude en Éducation Scientifique, TEchnologique et PROfessionnelle (Gestepro), Chargée de Mission ORME (Observatoire des Ressources Multimédias en Éducation), CRDP de l’académie d’Aix-Marseille
christine.montuori@crdp-aix-marseille.fr
Éléments de bibliographie
Barbot M.J., (2002) Rôle de l’enseignant-formateur : l’accompagnement en question, in numéro spécial : TIC, et autonomie dans l’apprentissage des langues, Revue Mélanges n° 28, 29-46.
Karsenti T., Les futurs enseignants du Québec sont-ils bien préparés à enseigner les TIC ? Vie pédagogique n°132, septembre octobre (Revue Canadienne) Disponible sur :
http://www.viepedagogique.gouv.qc.ca/numeros/132/vp132_45-49.pdf (consulté le 12 février 2008)
Montuori, C. (2007). The notion of autonomy for students in the services sector using information technology tools. A longitudinal analysis. In J. Ginestié (Ed.), The cultural transmission of artefacts, skills and knowledge: Eleven studies in technology education,. Rotterdam: Sense Publishers, pp. 235.-249.
Montuori C., (2006). Processus d’autonomisation et outils informatiques. Une étude dans l’enseignement secondaire tertiaire, Thèse en Sciences de l’Éducation de l’Université de Provence, UFR Psychologie Sciences de l’Éducation, Formation Doctorale : Système d’apprentissage-Système d’évaluation.
Rabardel P., & Pastré P., Modèles du sujet pour la conception, dialectiques activités développement. Toulouse, Éd Octares, 2005.
Rabardel P., Les hommes et les technologies. Approche cognitive des instruments contemporains. Reims, Armand Colin, 1995.
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