Les établissements d’enseignement agricoles participent aussi au mouvement de protestation qui gagne les lycées. Certains l’ont même anticipé. C’est le cas du lycée du Robillard en Basse Normandie. Lydie Prieur, un des enseignantes du lycée, que nous avions déjà rencontré à l’occasion de notre dossier sur l’enseignement agricole, nous explique les raisons de la colère dans ce lycée pourtant paisible.
Le lycée agricole du Robillard participe à l’action de rétention de notes, est ce que vous ne craignez pas de pénaliser les élèves ?
Avec « la rétention des notes » (qui nous donne beaucoup plus de travail, car nous notons sur des grilles d’évaluation chaque copie d’élève qui lui est remise, avec appréciation mais sans notes); avec les conseils de classe qui se sont tenus sans note mais avec des discussions sérieuses sur chaque cas individuel et où nous avons expliqué aux parents d’élèves la situation alarmante de la prochaine rentrée 2009 … notre but n’est pas de prendre les élèves en otage mais simplement d’attirer l’attention des parents, et de l’opinion publique sur les dysfonctionnement de notre appareil de formation.
Quels sont ces dysfonctionnements ?
Le non paiement des salaires des contractuels par exemple. Comment accepter que des jeunes professeurs s’endettent auprès des banques pour avoir l’argent nécessaire à leurs déplacements ? Il ne faut pas oublier que nos lycées agricoles sont souvent en campagne et éloignés des transports en commun. Comment accepter que ces mêmes jeunes contractuels viennent au travail sans avoir signé de contrat de travail (ce qui leur supprime les aides de la CAF et la sécu : car sans contrat de travail …) définissant ainsi leurs horaires et conditions de travail ?
La réforme du lycée est elle pour vous aussi un sujet d’inquiétude
Tout à fait, car comment envisager une rentrée 2009 permettant à chaque apprenant de faire des choix vers des filières dont les contenus ne sont pas encore définis en décembre, alors que les forum métiers commencent à se mettre en place ? Quelle lecture allons-nous donner des filières de l’enseignement agricole complètement bousculées par ces projets de réforme ? Quel accompagnement proposer à des jeunes en difficulté qui doivent absorber le même contenu en moitié moins de temps (voir projet de programme pour la seconde pro) ? A quelle formation scientifique, à quelles connaissances et pratiques en Biologie et en Ecologie peuvent prétendre ces jeunes qui se destinent pour la plupart à des métiers qui interfèrent avec les problématiques de l’environnement … quand on voit disparaitre le pilier des sciences biologiques d’un tronc commun pour tous et quand la pluridisciplinarité, qui fait la force des équipes pédagogiques ne s’adressent qu’aux sciences techniques en évacuant les sciences fondamentales ?
Nous sommes d’autant plus inquiets que ces réformes n’ont qu’un seul but : réduire le nombre de fonctionnaire ! Alors quand on nous annonce un objectif de réduction de la DGH de -2 % cette année encore et que cela se traduit par la suppression des dédoublements, des options facultatives, de la pluridiscplinarité et de postes pour cette prochaine rentrée … oui, on est inquiet !
Où en est le mouvement aujourd’hui ?
Notre action de « rétention de notes » a porté ses fruits : les parents d’élèves se sont interrogés sur la nature de ces réformes … Ils sont intervenus lors des Conseils d’Administration avec les représentants des élèves pour s’inquiéter sur la formule « Bac Pro en 3 ans », ne manquant pas de rappeler que pour certains, le temps est nécessaire pour atteindre les objectifs du Bac Pro et que grâce à cette passerelle BEPA, Bac Pro certains d’entre eux ont quitté notre établissement avec un BTSA obtenu dans de bonnes conditions.
Les élèves de seconde qui participent en ce moment aux forums des métiers se font du souci sur la lisibilité des filières que proposent nos lycées, eux qui ont trouvé dans nos établissements des moyens (sorties terrain, exploitation agricole, pluridisciplinarité, stages, travaux pratiques en groupe …) et des équipes qui répondent à leur motivations et qui les conduisent à la réussite …
Cette inquiétude justifiée (aucun document n’est encore disponible pour l’information des familles, en vue du recrutement) a mobilisé élèves, étudiants et apprentis et dès mardi dernier un blocage attendait les enseignants et le personnel, les élèves ont invité la presse locale et France 3 pour un reportage. En contact avec les autres établissements agricoles de la région et aussi avec les lycées de Caen, ils ont décidé de maintenir ce blocage. Notre directeur a donc décidé de fermer le lycée pour la fin de la semaine : pas d’élève donc, mais des professeurs qui organisent une réflexion pour réagir sur les projets de programmes et sur les conséquences de cette diminution de moyens annoncée …
Propos recueillis par Monique Royer
L’enseignement de l’environnement en toute pluridisciplinarité
Le journal de France 3 sur le mouvement des lycées en Basse-Normandie (édition du 9 novembre)