Par Nicolas Smaghue
François Mancebo, Développement durable, collection 128, Armand Colin, 2008
Condensé d’une autre publication du même auteur, l’ouvrage présente des données, des expertises, des analyses d’enjeux et de conflits… éclairant l’action en matière de développement durable.
Dans un premier temps, l’auteur dresse une brève histoire du développement durable en montrant que la préoccupation est ancienne (au moins depuis 1972). Rio marque incontestablement un tournant car il a permit, entre autres, d’étendre la notion de ressource environnementale aux relations de l’homme avec son milieu de vie (ressources culturelles, relations sociales…). Une lente dérive s’est ensuite suivie à mesure qu’il imprégnait l’action publique. Ainsi, la mise en œuvre systématique d’une vision trop pragmatique des projets du sommet a eu des effets sociaux et environnementaux parfois dévastateurs. Ce fut le cas avec l’agenda 21, qui devait être le bras armé du développement durable, mais qui a été victime d’une approche trop institutionnelle et à des procédures trop contraignantes. La question des évaluations de l’action est un point particulièrement sensible auquel l’auteur apporte une réponse sans ambigüité : « dans les politiques relevant du développement durable, les choix idéologiques, les compétitions partisanes et l’activité des groupes d’intérêt jouent un rôle essentiel dans la forme d’évaluation »…
Trois dilemmes fondent le développement durable. Il s’agit d’un socle sur lequel peut s’appuyer le développement durable existe mais constitue un dilemme : la place de la gouvernance locale (expression utilisée dès le XVe siècle en Angleterre, le type de durabilité, l’imprécision sur ce qui relève ou des ressources naturelles et de leur usage. Il soulève ainsi l’incompatibilité de la notion d’équité territoriale avec la dynamique économique (fondée sur des flux et des échanges). L’opposition entre la durabilité, qui suppose une continuité dans l’utilisation des ressources, et la croissance (qui est une rupture brutale porteuse de développement font partie de ses dilemmes fondateurs).
La dernière partie du livre cherche à identifier la notion d’usage (taxée de véhiculer un déterminisme insidieux). Usages, lieux et pratiques sont analysés ensemble car ils sont insociables. Les notions d’énergies renouvelables ou non sont à relativiser. Le pétrole est par exemple une énergie renouvelable à l’échelle des temps géologiques. Tout est question de valeur et de représentation. Il est ainsi illusoire de penser que même une pratique durable de l’agriculture n’ait pas d’incidence sur l’écosystème (« on ne peut maintenir tout en l’état »). La notion de gestion de la ressource s’impose davantage quand on songe au sol ou à l’eau. Enfin l’auteur nous rappelle à quel point la peur peut être porteuse d’actions positives et stimulantes comme à l’inverse être l’objet d’instrumentalisations.
François Mancebo propose une grille de lecture doublée d’une analyse critique du développement durable et milite pour un concept vraiment opérationnel. L’auteur souligne finalement les contradictions du développement durable. Celui-ci ne peut se décréter mais doit tenir compte de l’insertion de l’homme dans une société complexe. Ce petit ouvrage est une synthèse commode et particulièrement bien informée pour qui cherche une information rapide et claire. Les documents annexes sont rares mais restent utilisables dans un cadre pédagogique éventuellement. Il contient une webographie et un glossaire sommaires. Leur concision et leur simplicité les rendent très accessibles. L’ouvrage est donc à destination d’un large public.
François Mancebo, professeur des universités à l’université Grenoble 1.
http://www.armand-colin.com/livre.php?idp=294116
Eric Mollard, Annie Walter, Agricultures singulières, IRD Editions, 2008
Voici un ouvrage aussi singulier que son titre. Il fera le bonheur des biologistes comme des géographes en passant par les sociologues ou tout simplement les amateurs d’agriculture… A bien des égards la qualité de l’ouvrage a de quoi séduire. Tout d’abord les auteurs sont de nationalités (indiens, indonésiens, péruviens, français…) et de métiers différents : hydrologues, sociologues, économistes, ethnobotanistes, géographes… Ensuite la mise en page et l’iconographie sont particulièrement soignées. Le livre est organisé comme une petite encyclopédie. Sa lecture se veut donc très commode et on revient avec plaisir selon ses envies ou ses besoins. Trois parties structurent les différentes présentations sous forme de fiches de trois à quatre pages environ.
La première partie évoque la maîtrise de l’eau. Crues, cultures dans l’eau, hortillonnages, aménagements des marais et des étangs sont décrites et analysées en prenant soin de localiser, décrire les techniques tout en replaçant dans leur contexte historique et social. La deuxième partie s’intéresse aux terres arides. Comment collecter les pluies, gérer les crues ou encore freiner l’évapotranspiration ? La troisième partie évoque l’irrigation, la fertilisation et la plantation. Chaque fiche se termine par une bibliographie sommaire et l’ouvrage comprend une bibliographie à la fin classée par ordre alphabétique ainsi qu’un index botanique. Au total pas moins de 37 fiches thématiques remarquables par leur variété : le riz flottant, les digues à mûrier en Chine du Sud, l’inondation dirigée en Algérie, les systèmes de casier au Mexique ou encore les jardins des Dogons… Loin d’être des fiches basées uniquement sur des techniques et la nature, elles replacent au contraire ses dernières dans leur environnement social et économique. Qu’il s’agisse de stratégies simples de survie, de solutions techniques parfois complexes, les agricultures présentées dans cet ouvrage étonnent par leur diversité et leur créativité.
Tout le mérite de cet ouvrage est d’évoquer des agricultures peu connues ou que l’on croit connaître et d’en montrer toute leur richesse.
http://www.ird.fr/editions/catalogue/ouvrage.php?livre=544
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