Par Claire BALAS.
Nouveaux supports, nouveaux outils, nouvelles pratiques et usages informationnels : les bouleversements de ces dernières années dans les champs de l’information et de la communication posent de façon urgente la question d’une « maîtrise de l’information » qui s’inscrirait dans un objectif d’apprentissage autonome tout au long de la vie.
Introduction à la maîtrise de l’information
Cette préoccupation éducative majeure pour la construction des sociétés du savoir au XXIème siècle fait partie des trois priorités du programme Information pour tous de l’UNESCO, à l’origine de plusieurs réunions d’experts, de projets pilotes et de publications, ressources dans leur majorité accessibles via un portail dédié sur Internet.
En écho avec le thème du prochain colloque international de l’Erté (Equipe de recherche technologique en éducation) de l’Université de Lille 3 « L’éducation à la culture informationnelle », voici un compte rendu du rapport publié en ligne par l’Unesco au début de l’année 2008 : « Introduction à la maîtrise de l’information », commande faite par le Programme Information pour tous, secteur de la Communication et de l’Information de l’UNESCO, à Forest Woody Horton Junior, expert international en gestion de l’information.
Cette brochure se veut un outil de référence pour tous les dirigeants et autres « professionnels très occupés » : en une centaine de pages, l’auteur y présente « en termes simples et sans jargon technique » les enjeux de la maîtrise par tous de l’information face à la masse et la diversité des ressources informationnelles aujourd‘hui.
La première partie présente le concept de maîtrise de l’information (en anglais Information Literacy). Plus qu’un concept défini et fixé par un auteur en particulier, la maîtrise de l’information est plutôt le fruit de multiples courants de recherches et d’idées. Ainsi d’une part émerge dès les années 60 une réflexion dans les milieux éducatifs autour de l’apprendre à apprendre et de la nécessité de maîtriser les outils du savoir. D’autre part, les révolutions informatique et médiatique amènent de nouveaux outils d’information et de communication : ordinateur personnel, Internet, technologies du sans fil, du portable et du multimédia.
L’auteur insiste particulièrement sur les liens entre maîtrise de l’information et apprentissage tout au long de la vie : il envisage cette maîtrise comme un continuum tendant pour tout un chacun à l’amélioration de la vie personnelle et professionnelle : « plus on apprend et plus on connaît, mais surtout plus vite on maîtrise et adopte des capacités, habitudes et attitudes d’apprentissage efficaces
-trouver comment, où, auprès de qui et quand rechercher et extraire l’information dont on a besoin mais qu’on n’a pas encore acquise-, plus on maîtrise l’information. »
Pour l’auteur, la maîtrise de l’information trouve sa place parmi les six grandes maîtrises pour la survie au XXIème siècle. Distinguées pour les besoins de la communication, ces six grandes maîtrises sont en réalité interconnectées et inenvisageables les unes sans les autres. Ce sont :
1. les maîtrises fondamentales de bases (lire, écrire, compter)
2. la maîtrise de l’informatique (du matériel, des logiciels et des applications -logiciel documentaire par exemple-)
3. la maîtrise des médias (accès aux médias, compréhension des médias et création/expression à l’aide des médias)
4. le cyber apprentissage ou enseignement à distance
5. la maîtrise culturelle (compréhension de l’influence des facteurs culturels dans les processus informationnels)
6. et enfin la maîtrise de l’information, que les définitions existantes divisent généralement en plusieurs étapes pour la décrire. Plus que le nombre d’étapes, il est important de souligner le processus progressif conduisant d’étapes en étapes : on peut ainsi parler de « cycle » d’acquisition.
L’auteur distingue ici onze grandes étapes : le tableau récapitulatif placé en annexe B (pages 65, 66 et 67 du rapport) les reprend et propose pour chacune cinq entrées.
Ainsi est-il précisé à chaque stade :
QUI sont les ressources humaines susceptibles d’aider à ce stade de l’acquisition,
COMMENT (par quels outils, méthodes, approches et techniques) cette étape peut être facilitée,
OU et QUAND (domaines et contextes) apparaît la nécessité de valider cette étape,
POURQUOI (résultats positifs attendus) cette étape est nécessaire et a une place dans le processus d’acquisition,
Enfin, pendant de ces résultats positifs, est indiquée dans une dernière colonne les résultats négatifs que l’acquisition de l’étape permet de surmonter ou d’éviter.
Les onze étapes sont quant à elles :
1. prendre conscience de l’existence d’un besoin ou problème dont la solution nécessite de l’information,
2. savoir identifier et définir avec précision l’information nécessaire pour satisfaire le besoin ou résoudre le problème,
3. savoir déterminer si l’information nécessaire existe ou non et, dans la négative, passer à l’étape 5,
4. savoir trouver l’information nécessaire quand on sait qu’elle existe, puis passer à l’étape 6,
5. savoir créer, ou faire créer, l’information qui n’est pas disponible,
6. savoir bien comprendre l’information trouvée, ou à qui faire appel pour cela, si besoin est,
7. savoir organiser, analyser, interpréter et évaluer l’information, y compris la fiabilité des sources,
8. savoir communiquer et présenter l’information à autrui sur des formats et supports appropriés,
9. savoir utiliser l’information pour résoudre un problème, prendre une décision, satisfaire un besoin,
10. savoir préserver, stocker, réutiliser et archiver l’information pour une utilisation future,
11. savoir se défaire de l’information qui n’est plus nécessaire et préserver celle qui doit être protégée.
Ce tableau récapitulatif, synthétique et clair, permet ainsi concrètement de situer son action et ses pratiques, autant comme apprenant nécessitant soi-même des informations pour résoudre un problème que comme pédagogue visant à faire acquérir la maîtrise de l’information.
La deuxième partie précise quelles peuvent être les initiatives prioritaires pour la maîtrise de l’information et l’apprentissage tout au long de la vie dans quatre domaines d’intervention clés.
Si la lecture des recommandations à l’adresse des décideurs dans les domaines de la santé et des services sociaux, des entreprises et du développement économique et de la gouvernance et de la citoyenneté s’avère utile et intéressante pour élargir la réflexion autour des enjeux de la maîtrise de l’information, nous ne détaillerons ici que les recommandations dans le domaine de l’apprentissage et de l’éducation. Au nombre de cinq, elles sont essentiellement tirées de rapports de l’Unesco de 2003, 2005 et 2006 et nécessitent au préalable de soulever quelques points essentiels à leur efficacité dans le contexte éducatif actuel :
Il est ainsi important de resituer la maîtrise de l’information comme facteur d’amélioration et d’aide à l’apprentissage et au développement des connaissances. L’aspect transversal de cette maîtrise est également à souligner. Enfin sont précisés les deux types de capacités : capacités théoriques mais aussi pratiques, nécessaires à l’acquisition de la maîtrise de l’information par les jeunes apprenants.
A partir de ce cadre général, les recommandations déclinent plusieurs actions à mettre en œuvre et promouvoir autour des aspects prioritaires suivants :
*La préparation de l’éducateur et le perfectionnement professionnel
*Des prises de décisions fondées sur l’analyse des faits (résultats factuels de recherche)
*Des pratiques pédagogiques actives
*Des environnements éducatifs enrichissants
*Et enfin la maîtrise de l’information comme critère important dans l’évaluation des élèves et des enseignants et dans l’accréditation institutionnelle
La troisième grande partie du rapport de Forest Woody Horton Junior parle de sensibilisation, de promotion, de collaboration et de partenariats. Elle permet de situer son action dans une réflexion élargie et globale : il est ainsi question de synergie autour des stratégies et plans d’action à envisager.
Est également posée, par la présentation d’une enquête à l’attention des professionnels : « enquête initiale sur la maîtrise de l’information », à lire en annexe D, la question de la visibilité des programmes d’éducation et de formation déjà initiés : quels impacts ont-ils ? Sont-ils connus de tous les acteurs impliqués dans la maîtrise de l’information ? Quels sont leurs moyens ? À quels niveaux sont-ils impulsés, relayés, évalués ? … Autant d’interrogations soulevées à la lecture des propositions de l’auteur à l’adresse des dirigeants.
Neuf recommandations sont ainsi présentées dans cette partie. Il y ressort notamment pour le domaine éducatif la nécessité de replacer les initiatives relatives à la maîtrise de l’information dans le contexte de réforme du système éducatif. Un autre point important concerne la responsabilité des enseignants vis-à-vis des jeunes et de leurs pratiques informationnelles : l’objectif fondamental d’acquisition d’habitudes de recours, de façon indépendante et systématique, à l’information est ainsi subordonné à la nécessaire préparation des jeunes à un comportement productif en matière d’information.
La partie et le rapport se terminent par l’évocation de la création d’une nouvelle profession, celle de conseiller en maîtrise de l’information, qui fournirait conseils et assistance sur la maîtrise de l’information et l’apprentissage tout au long de la vie : on se risque à penser à une clarification et évolution du rôle des professeurs documentalistes ?
URL de téléchargement du rapport en français
http://unesdoc.unesco.org/images/0015/001570/157020f.pdf
Une définition de la maîtrise de l’information aux côtés des autres grandes maîtrises en annexe A (pages 59 et 60).
Le tableau de représentation schématique du cycle d’acquisition de la maîtrise de l’information en annexe B (pages 65, 66 et 67).
Les principaux textes produits au cours de réunions d’experts en annexe C (pages 69 à 80).
Le modèle d’enquête initiale sur la maîtrise de l’information en annexe D (pages 81 à 88)
Des ressources institutionnelles sur la maîtrise de l’information en annexe E (pages 97 à 102).
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