Par Nicolas Smaghue
Enseigner le développement durable, qu’en pensent les géographes ?
Questions à Sylvie Brunel, géographe, économiste et écrivain, spécialiste des questions de développement.
Quel regard portez-vous sur l’enseignement du développement durable à l’école?
D’après les témoignages que je reçois, le sujet est tellement vaste que beaucoup d’enseignants ne savent pas par quel bout le prendre. De ce fait, la tentation du catastrophisme et de la culpabilisation est présente, car elle facilite la tâche et permet de mobiliser plus facilement les classes. Mais la géographie en souffre au passage ! Et le risque est grand de simplifications abusives, renforçant la religion de la Planète (avec un grand P !)
Quels sont, selon-vous, ce qui relève des « bonnes intentions » de ce
qu’il convient réellement d’enseigner aux élèves?
Là encore, fournir un catéchisme d’écopratiques vertueuses est le risque dans lequel on peut rapidement tomber car les médias martèlent leurs recommandations et les élèves sont en quête de solutions toutes simples à mettre en œuvre. A mon sens, il est important d’enseigner, de ne pas tomber dans des généralisations planétaires et de bien montrer que le développement durable s’appréhende différemment en fonction du niveau de satisfaction des besoins essentiels de la société à laquelle on appartient et du milieu social dans lequel on vit. Il faut, je crois, insister sur les aspects sociaux du développement durable car les élèves sont en permanence abreuvés des aspects environnementaux. Rappeler aussi que, contrairement à la vulgate trop souvent diffusée, l’Occident ne porte pas tous les maux de la terre, en comparant la situation des gamins d’ici à ceux de là-bas. Insister sur la nécessité de la coopération et de la justice sociale.
Concernant la formation des enseignants sur le développement durable, quels devraient être les grands axes?
La formation devrait concilier géographie (relations des sociétés à leurs milieux) et biologie (évolution des organismes vivants à la surface de la terre), mais aussi humanisme (ne jamais considérer l’autre, même pauvre, comme un ennemi ou un être surnuméraire…). La mise en perspective historique et les comparaisons géographiques sont essentielles pour relativiser le déterminisme naturel et les condamnations néo-malthusiennes. Mais j’ai bien conscience que l’on demande beaucoup trop aux enseignants sans les avoir forcément formés à cette discipline relativement nouvelle !
Parmi ses nombreuses publications, on relèvera particulièrement :
A qui profite le développement durable ? , Broché, février 2008 dont vous pouvez lire un compte-rendu sur le site des cafés géographiques :
http://www.cafe-geo.net/article.php3?id_article=1343
et sur le Café
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2008/07/2807200[…]
Cavalcades et dérobades, Broché, 2008