Par François Jarraud
De nouvelles études incriminent le pilotage par l’évaluation alors même que son application concrète continue dans les pays anglo-saxons.
Le pilotage par l’évaluation nuit à l’enseignement des maths affirme un rapport officiel britannique
« En se basant sur les gains faits en quatrième, on devrait avoir davantage d’élèves atteignant le plus haut niveau au GSCE (l’équivalent du brevet) ». Les rapporteurs de l’Ofsted, l’organe d’inspection britannique, n’ont pas été dupes. S’ils relèvent qu’aux tests officiels, le niveau n’en finit pas de monter, en réalité peu d’élèves sont bons en maths, et ce sont plutôt des garçons.
Les inspecteurs de l’Ofsted mettent directement en cause les tests d’évaluation qui sont utilisés en Angleterre pour évaluer les établissements et piloter le système éducatif. « A l’évidence des stratégies pour améliorer les résultats aux tests, y compris des leçons spéciales, des classes de révision, l’accent mis sur l’entraînement aux tests, réussissent à préparer les élèves à réussir les tests mais ne les équipe pas bien en compétences mathématiques pour le futur ».
Pour l’Ofsted les élèves ne comprennent pas les maths, ont peu confiance en eux, ne trouvent pas de sens dans ce qu’ils font. L’Ofsted recommande de changer les tests en mettant des exercices de compréhension.
Cette étude vient après une série de travaux qui tous aboutissent à remettre en question le pilotage par l’évaluation. Une forme de gouvernance du système éducatif qui est en train de s’installer en France.
L’étude de l’Ofsted
http://www.ofsted.gov.uk/Ofsted-home/Publications-and-research/Do[…]
Dans le Café, le pilotage par l’évaluation
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2008/95_N[…]
Un rapport des Finances recommande le pilotage par l’évaluation…
« De réelles marges de manoeuvre existent afin d’augmenter l’efficience du système éducatif, lesquelles ne passent pas forcément par une mise en concurrence directe des écoles qui présente des risques de creusement des inégalités. Les solutions passent davantage sans doute par une plus grande autonomie accordée aux écoles et la mise en place de mécanismes incitatifs où les différents acteurs (établissements et enseignants) sont responsabilisés, avec pour corollaire la mise en place d’une véritable évaluation. » Le rapport de Denis Maguain, réalisé pour le ministère de l’économie (DGTPE), évalue les gains à attendre de la généralisation du chèque scolaire et du pilotage par l’évaluation.
Pour lui, c’est celui-ci qui l’emporterait dans le cas français, associé à la rémunération au mérite des enseignants. « Pour être pleinement efficaces, les moyens budgétaires accordés aux établissements doivent donc s’accompagner d’une réforme de structure allant dans le sens plus grande autonomie budgétaire. Cette plus grande autonomie budgétaire et organisationnelle doit en outre prendre place dans le cadre d’un système centralisé (national) de programmes et de certification, ce qui est le cas en France. Il convient également de récompenser les meilleures pratiques (sous la forme de bonus financiers, par exemple) à l’issue d’évaluations publiques systématiques…. Les mécanismes du type salaire au mérite fonctionnent lorsqu’ils s’accompagnent d’un certain nombre de garde-fous afin d’éviter leurs effets pervers (manipulation, collusion etc.). Par ailleurs, un certain nombre de travaux empiriques ont conclu à l’existence d’un « effet maître » important (Rockoff [2004]). Cet effet pourrait être stimulé via le truchement de ce type de mécanismes au niveau des établissements où seraient récompensés les enseignants dont les élèves obtiennent des résultats aux examens nationaux supérieurs à ceux prédits par leurs performances scolaires antérieures, les caractéristiques de leurs parents et de leur école ».
L’auteur est allé chercher les études allant dans son sens, oubliant toutes celles qui montrent le caractère fallacieux des progrès constatés par les tests.
Mais le grand intérêt de cette étude c’est de mettre au jour les débats qui ont lieu au sommet de l’Etat. Pour améliorer l’Ecole, on ne prend en compte que des statistiques globales, comme si améliorer l’Ecole avait le même sens en centre ville et en banlieue. Surtout les réformes envisagées, le pilotage par l’évaluation promis par X. Darcos, le chèque éducation poussé par la droite en Suisse, sont celles dont on connaît maintenant bien les échecs et qui sont soumises à de fortes pressions aux Etats-Unis et en Angleterre.
L’étude
http://www.dgtpe.minefi.gouv.fr/etudes/doctrav/pdf/cahiers-2008-02.pdf
Dans le Café, le pilotage par l’évaluation
http://cafepedagogique.net/lemensuel/lesysteme/Pages/2008/95_N[…]
La concurrence est-elle bénéfique pour l’Ecole ?
Rares sont les pays à avoir fait une réforme aussi importante. En 1992, la Suède a généralisé un système de chèque scolaire qui a permis le développement d’écoles privées. Une génération plus tard, Anders Böhlmark et Mikael Lindahl observent les effets de cette réforme.
Pour eux le résultat est simple : l’effet est nul. S’il peut y avoir des progrès ici ou là dans le niveau des élèves, ils ne sont pas durables et en fin de parcours il n’en reste rien. Pire encore, les résultats suédois aux tests TIMSS 1995 et 2003 montrent une nette chute. « Compte tenu du fort développement des inscriptions dans le privé de 1995 à 2003, cela suggère que le libre choix de l’école et la compétition ne sont pas la panacée pour améliorer la scolarité de tous ».
L’étude
Angleterre : Des écoles défaillantes changent de mains
C’est une première en Angleterre. Des 638 écoles n’ayant pas atteint les objectifs fixés par l’Etat, 3 viennent d’être désignées pour changer de direction en échange d’un soutien financier. Dans l’Essex à Westcliff-on-Sea, un lycée sera associé à un autre en meilleure situation. A Risedale, dans le nord Yorkshire, une école sera associée à une université (College). Toutes trois pourront bénéficier d’un soutien financier allant jusqu’à 1 million de livres pour accompagner ces changements. Une centaine d’autres écoles pourraient être contraintes d’accepter des plans similaires.
Le ministre des écoles, Ed Balls, a également annoncé la création de 65 nouvelles Trust schools, des écoles bénéficiant du soutien financier d’entreprises privées comme JP Morgan, HSBC Bank etc. Une centaine seraient déjà ouvertes.
Article BBC News
http://news.bbc.co.uk/2/hi/uk_news/education/7633637.stm
Etats-Unis : 25 ans après A Nation at Risk
C’était en 1983 et les Etats-Unis prenaient conscience de la dégradation de leur système éducatif. Le rapport A Nation at Risk présentait le tableau d’une génération moins instruite que la précédente, incapable de faire face à la compétition internationale. Il suscitait une vive réaction et un effort éducatif qui allait conduire à la loi No Child Left Behind.
25 ans après la publication de ce rapport, Education Week revient sur cet événement. La revue montre comment le rapport a entraîné une forte augmentation du temps scolaire : 1 heure supplémentaire quotidienne, 20 à 40 jours d’école supplémentaires par an. Ce temps supplémentaire prend des formes différentes : des programmes de soutien scolaire le soir par exemple. L’effet de cet alourdissement de la semaine d’école n’est pas toujours positif.
Dossier Education Week
http://www.edweek.org/ew/collections/nation-at-risk-25-years/index.html
Le rapport
http://www.ed.gov/pubs/NatAtRisk/
Sous le regard de l’iNRP
http://www.edweek.org/ew/collections/nation-at-risk-25-years/index.html