Par Nicolas Smaghue
Yvette Veyret, Paul Arnould (dir.), Atlas des développements durables, autrement, 2008.
L’atlas des développements durables et non pas du développement durable !
Les auteurs de cet atlas partent du principe que la géographie est la science des développements durables. Le pluriel s’impose car il n’existe pas, selon eux, de modèle unique dans ce domaine. Chaque groupe social, chaque région peut en effet apporter une réponse au développement durable.
Regroupant trente deux géographes renommés et aux horizons variés, cet atlas se veut résolument géographique comparé à une première édition parue en 2002 qui variait peu les échelles (selon l’éditeur). Dans cette nouvelle édition, les directeurs de l’ouvrage, que sont Yvette Verey et Paul Arnould, ont résolument choisi la voix du « non-catastrophisme » et d’une démarche citoyenne face aux questions plurielles posées par les développements durables. L’ouvrage de 88 pages se découpe en trois parties où les géographes se questionnent : un monde inégalitaire ? Quelle durabilité ? Quelles lectures possibles du global au local ? L’idée est de partir des hommes, de ne pas négliger les dimensions culturelles et citoyennes du sujet. Difficile d’ailleurs d’être exhaustif en si peu de pages, mais la synthèse et les choix opérés sont remarquables.
Dans le chapitre sur les inégalités, Jean-Paul Charvet propose une carte de la sous-alimentation dans le monde. Lorsque l’on compare les chiffres en valeur absolue (nombre de personnes sous-alimentées), l’Inde et la Chine ressortent, alors que ceux en valeur relative (en pourcentage rapportée à la population totale) laisse apparaître le problème africain… On aboutit donc à des analyses variées. Reste que, globalement, on observe une augmentation des chiffres de la sous-alimentation. Une autre carte sur les catastrophes naturelles en 2004, proposée par Yvette Veyret, montre un inégal rapport des populations vis-à-vis des risques et aux conséquences de celles-ci. Cette carte montre bien les différents secteurs instables de la planète en fonction des aléas. Certains espaces, relativement nombreux, restent en marge. Une petite étude de la Nouvelle-Orléans en 2004 peut se résumer à cette citation de l’auteur reprenant un leader républicain : «Enfin, les cités de la nouvelle-Orléans ont été nettoyées. Ce que nous n’avons pas su faire, Dieu s’en est chargé ».
Peut-on apporter des réponses à la durabilité ? Sur cette question on ne peut négliger les temporalités. Toute idée de fixisme qui écarterait toute possibilité d’évolution est à rejeter. La carte sur les écocertifications, proposée par Paul Arnould, montre que ces dernières profitent surtout aux forêts tempérées. En effet, même si cette labellisation a été pensée pour les forêts tropicales, ces dernières ne sont pas les lieux où les moyens financiers se trouvent. Les enjeux Nord/Sud ne sont donc pas absents et montrent à quel point il est difficile de s’entendre sur un cercle vertueux de bonnes intentions. Il s’agit de ce que Paul Arnould nomme une « guerre des labels ». Ainsi beaucoup « de fausses bonnes idées » peuvent émerger. Le boycott des bois tropicaux a pour conséquence d’affaiblir les producteurs locaux quand le véritable défi concerne le bois de feu… Les stratégies choisies par les sociétés qui pratiquent le développement durable, quand on observe les pratiques selon deux couples pression forte/pression faible et développement durable « contrainte »/ développement durable « opportunité » sont un angle de vu proposé par un organigramme de François Bost et qui témoignent d’avancées intéressantes mais insuffisantes (peu ou pas de PMI/PME). On ne peut occulter le fait que trop souvent l’affichage (par le biais des sites Internet de ces mêmes entreprises) cache au final une réalité pauvre de leurs investissements pour le développement durable. Les villes occupent plusieurs doubles pages. L’exemple de Mexico, proposé par Elisabeth Dorier, est intéressant pour observer les inégalités d’accès et de ralliement au réseau, de répartition de la ressource. En Europe, on observe que de plus en plus de villes, de collectivités territoriales prennent des initiatives en lien ou pas avec l’agenda 21 (Cyria emelianoff). Ainsi, Angers est une ville pionnière quand elle aménage le plateau des Capucins en un quartier durable. Douai (le plan de l’écoquartier du raquet) est un autre exemple choisi par Didier Paris.
Le passage du global au local ne va pas de soi ! La carte des ONG spécialisées dans le domaine financier (Dietrich Soyez) donne une autre lecture du monde. Les chiffres ne sont pas toujours fiables et absents de toute influence… Par ailleurs la question de la légitimité démocratique des ONG peut être posée quand celle-ci sont de plus en plus structurées et organisées, installés autour des centres directionnels économiques et politiques de la planète… que règne l’informel. A ce titre, il est intéressant de montrer aux élèves que les ONG fonctionnent de plus en plus comme de véritables sociétés économiques. Somme toute, le discours catastrophique sur l’état du monde, nuancé par les auteurs ici, les arrange bien car cela leur permet d’obtenir des fonds. On trouvera à ce titre une caricature de Plantu modélisée sur les flux financiers qui est d’un réel intérêt pédagogique.
Doit-on au final suivre les auteurs et ne pas céder au catastrophisme ambiant ? On peut sans doute s’en convaincre avec une carte de l’empreinte écologique qui permet d’observer qui sont les véritables « mangeurs de planète » qui ne sont pas toujours ceux que l’on croit…
http://www.autrement.com/ouvrages.php?ouv=2746711877
Thierry Doré, Olivier Réchauchère, Philippe Schmidely, Les clés des champs, l’agriculture en question, Quae, 2008.
Les thèmes abordés par l’ouvrage sont nombreux : agriculture biologique, sécurité alimentaire mondiale, OGM, qualité des aliments, pollutions, agrocarburants… Le moins que l’on puisse dire, c’est que les évolutions de l’agriculture, ses nouveaux enjeux auxquels elle doit répondre, donnent matière à de nombreuses interrogations. De nombreux géographes s’opposent, voire même s’affrontent sur les questions qui se posent après les émeutes de la faim qu’a suscitées la hausse brutale du prix des produits agricoles dans le monde ces dernières années… Ces événements ont remis les questions agricoles au premier plan des préoccupations de la société. Pour les nons spécialistes, difficile de s’y retrouver dans la multitude des points de vue, aux contradictions parfois violentes… L’ouvrage a pour ambition d’aider chacun à se construire son propre avis, sur la base des connaissances actuellement disponibles…
Découpé en trois chapitres, sous la forme de questions/réponses, l’évolution des modes de production, les relations entre agriculture et environnement, l’agriculture dans le contexte socio-économique, le livre expose les faits. Pour la première partie, les auteurs s’interrogent sur l’adaptation des agriculteurs au changement climatique, le manque de variété des espèces cultivées, des interrogations des agricultures biologique et intensive, de la qualité de notre alimentation, les OGM… La seconde partie tente de voir dans quelle mesure les activités agricoles concourent à la destruction des sols, aux changements climatiques, à la biodiversité… Enfin, en troisième partie, quelle place tient l’agriculture dans le territoire ? Impasse ou non de la PAC ? Quel est l’avenir des énergies agricoles ? On le voit, il s’agit d’apporter des éléments de réponses aux grandes questions que tout à chacun peut se poser sur l’agriculture.
L’analyse s’appuie pour une grande partie sur des exemples français et européens. Les questions ont le mérite de la clarté : que penser de l’agriculture biologique ? L’agriculture épuise-t-elle les ressources en eau douce ? Contribue-t-elle au réchauffement climatique ? Saura-t-on nourrir la population mondiale en 2050 ? Les réponses proposées sont toutes aussi claires et argumentées. On est d’ailleurs agréablement surpris de la qualité géographique et pédagogique des propos (analyses de paysages, des sociétés par rapport à leurs espaces…). On trouve là de bonnes idées pour mettre en perspectives et trouver des accroches de nombreuses leçons de géographie sur un thème à priori peu motivant pour les élèves. Les impacts de l’agriculture sur le territoire et l’environnement, couplée à une analyse qui varie les échelles et les thèmes socio-économiques est une bonne entrée. L’exemple des marées vertes d’algues sur les plages, à mettre en relation avec la concentration de l’élevage, est ravageur pour l’activité touristique. Elle montre à quel point l’agriculture doit prendre en compte la dimension territoriale.
L’intérêt d’un tel ouvrage pour l’enseignant est la qualité des synthèses disponibles. Le livre est agrémenté de références bibliographiques concises et d’un glossaire. Organisé en chapitres relativement courts, on va vite à l’essentiel. Si les propos n’apportent guère plus que des travaux de géographes largement diffusés comme ceux de Charvet, Fumey, ils ont le mérite de l’exposé honnête et clair. A l’heure où les sources sont discutées entre les chercheurs quant à leur fiabilité, en fonction de l’entreprise qui finance ou qui commande une expertise, on peut porter au crédit des auteurs la volonté de varier ces dernières.
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